
chofes l’ordre eft le principe de la force > ont
adopté pour leurs camps celui qu’ils ont jugé le
plus convenable à leur génie, à leurs armes, au
nombre ordinaire de leurs armées, à leur manière
de faire la guerre.
Ce fut peut-être des Egyptiens que les Hébreux
empruntèrent la difpofition de leurs camps. Alors
les armées étoient très nombreufes : il falloit employer
une figure qui renfermât un grand efpace
dans une périphérie peu étendue. Le peuple Hébreu
étant forti en entier d’E gyp te, Moïfe fit donner
à fon camp la figure rectangulaire.
Le tabernacle en occupoit le centre. Le côté
méridional & le côté feptentrional de ce temple
portatif avoient chacun deux cents coudées de
longueur, ou < 5 toifes 1 pied, en prenant le rapport
du pied hébraïque à celui de France, comme
1590 à 1440.
Le côté occidental avoit foixante coudées ou
16 toifes 9 pieds 4 pouces 6 lignes, & il tenoit
aux deux longs côtés par deux courtines, dont
chacune avoit dix coudées de longueur , ou
a toifes, 4 pieds 6 pouces 9 lignes ; & qui, s’y
rejoignant diagonale ment , occupoient chacune
environ 2 toifes. Ainfi la diftance entre les deux
plus longs côtés étoit de 20 toifes 3 pieds 4 pouces
6 lignes. (Exod. ch. 36. ).
Les Lévites campoient autour du tabernacle
pour fa garde & fon fervice. ( Num. c. l , v . 50 &
5 3 ) , au nombre de vingt-deux mille ( c. 111, v. 39.)
Les tribus campoient de même autour du tabernacle
, fuivant l’ordre de leurs troupes & de leurs
divifions. ( Per turmas & cuneos, figna atque vexilla,
c .ly v . 52 , I I , 2 ) j fçavoir à l’orient, Judas, Iffa-
char , &. Zabulon ; au midi Ruben , Siméon , &
Gad ; à l’occident, Ephraïm , Manaffé , Ô£ Benjamin
; au nord D a n , Afer & Nephtali ; en tout fix
cents trois mille cinq cents cinquante combattants.
Si on ajoute à ce nombre celui des femmes & des
enfants, on verra qu’il étoit difficile de raffembler
dans un feul camp, & dans un pays de montagnes,
une auffi énorme multitude. Les détails de la difpofition
intérieure nous font inconnus ; nous ignorons
fi le camp étoit divifé en rues parallèles & tranfver-
fales, ou fi les tentes y étoient placées fans ordre
à la manière des nations d’Afie.
D e s T u r c s .
Il eft vraîfemblable que les camps des anciens
peuples d’Afie refTemblôient à ceux des Turcs
modernes. Les tentes des Turcs font de toile de
coton , & de plufieurs formes. Les unes font fou-
tenues par un feul bâton ; les autres par deux. Touts
les officiers , tant généraux que fubalternes, ont
une tente à un feul bâton, & un double toit. La
forme en eft hexagone : les murailles perpendiculaires,
Sc attachées à un toit en forme de coupole,
qui eft foutenu par des cordes fixées à des piquets.
Cette efpèce de tente fert utilement vers la fin de
l’automne , parce qu’elle eft faite de feutre de poil
de chameau. Il y a auffi de petites tentes fans toit
pour couvrir les latrines.
Dans toute armée turque il y a une tente à un
feul bâton, qui n’a qu’un chapiteau fans murailles :
c’eft la première que l’on tend pour fervir de règle
aux quartier-maîtres de touts les corps dans la
détermination & diftribution de remplacement du
camp : & c’eft fous cette même tente que l’on décapite
les criminels & les efclaves : on la nomme
lailac*
Les tentes turques font balles ; parce que les
Turcs ne s’afféyent que fur des tapis ou des couffins
, placés fur de petites eftrades que l’on peut
démonter. Les plus pauvres fe fervent de peaux
de mouton , ou de couffins de drap rembourrés de
laine. Les bachas ont pour les marches une efpèce
de tente qu’on poürroit plutôt nommer parafai.
elle eft foutenue par deux bâtons & quatre cordes ,
toute ouverte pardevant, & fert dans les haltes
pour prendre le café ou un léger repas.
Les tentes du grand vifir font entourées d’une
muraille de toile allez élevée pour qu’on ne puifle
pas voir par-deffus : elle empêche les hommes
&. les chevaux de heurter & de s’embârrafler dans
les cordes des tentes, fur-tout pendant la nuit.
Les bachas du premier ordre ont auffi une enceinte
pareille, mais moins haute de moitié.
L’intérieur des tentes eft quelquefois orné de
broderies ; l’extérieur de houppes vertes & rouges ;;
le fommet des bâtons porte une boule de cuivre
doré ; les cordes font treffées de cordons de différentes
couleurs. Les tentes de chaque oda ou compagnie
de janiffaires font diftinguées par une figure
particulière , comme un chien , un oifeau, une
tour, un drapeau, une échelle , une ancre , un.
arc , & c . & chacune de ces figures éft accompagnée
du numéro de Y oda.
La tente du grand feigneur eft diftinguée dé
toutes les autres , tant par la grandeur que pas1
la magnificence. ( Marjîgl'u Part. I I 9 c. 16. ).
Il y a dans chaque armée ottomane un quartier-
maître général, ou maréchal général-des-logis ,
qCri marque le camp fuivant les ordres qu’il reçoit
du grand-vifir. Il eft accompagnée de touts les
autres quartier-maîtres de l’armée. Ceux-ci , lorsqu'ils
font aux ordres d’un bacha , font porter à leut
fuite une queue de cheval, afin de l’arborer dans
remplacement deftiné aux troupes que les bachas
commandent. Ce campement a toujours une ef-
corte , quoiqu’il foit protégé par Tarant-garde.
Lorfque le campement arrive au lieu marqué-
pour le camp , le quartier-maître général lit ou
| fait lire les ordres du grand-vifir pour la diftribution
definfanterie, de la cavalerie, & de l’ar-
I tillerre 9 la maxime générale eft de marquer dans
Tintérieur , 3 ° . une place pour les charriots des
vivres ; & c’eft-là qu’on établit la grande boucherie
, & qu’on fait les diftributions à toutes, les
troupes, -2°, Une autre place autour des j,aniffaire&
«de l’infanterie fératculi, & de l’artillerie. Ces em^
placements, & touts les autres , n’ont .point de
mefures fixes ; on les marque à vue. Nul quartier-
maître n’oferoit prendre poffeffion du terrein affigné
pour fa troupe, avant que la tente nommée lailac
foit dreffée, & qu’on ait planté derrière la pique
qui porte la queue de cheval du grand-vifir. C ’eft
le point de renfeignement d’après lequel les quartier
- maîtres plantent les queues de cheval fuivant
le rang que leurs bachas doivent occuper
a la droite ou à la gauche. La forme générale
du camp n’eft pas déterminée ; mais le plus ordinairement
les troupes forment une portion de cercle
qui renferme les autres parties du camp.
Quant à Tordre des tentes , les Turcs ne le
connoiffent pas. Ils les établiffent confufément &
en tournent l’entrée fuivant leur caprice. Celles
même des bachas ne font pas rangées régulièrement.
Dans le camp de la cavalerie , les chevaux ,
les cuifines, les tentes, les latrines font placés
pele-inêle. Chaque cavalier met deux ou trois
planches entre quatré piquets , attache d’un côté
ion cheval à un piquet, & de l’autre côté des
planches place le fourage, de forte que le cheval
ne peut le gâter en le foulant aux pieds. Il en eft
de même à l’infanterie pour les chevaux des officiers
& les bêtesr de fomme. Cette confufion eft
incommode, & peut être fort dangereufe. Il eft <
vrai cependant que f i , en cas de furprife, il eft
difficile de fortir d’un pareil camp, il ne l ’eft pas
moins d’y entrer. Ce défaut en produit un autre ;
celui d occuper une étendue beaucoup plus grande
que fi les tentes & autres parties du camp étoient
alignées & bien ordonnées.
La forme totale du camp n’eft pas toujours la
meme. Celui que prit le grand-vifir Soliman-bacha ,
avant celui d’Arfan , qui précéda la bataille de
Mohatz, gagnée par le prince Charles duc de
Lorraine , avoit la forme d’un demi-cercle. Les
tentes du grand-vifir étoient au centre. Il en avoit
trois, l’une pour fes audiences , l’autre pour coucher
pendant les grandes chaleurs, la troifième pour
coucher en automne à l’approche des froids.
A droite & à gauche de leur enceinte étoient
les tentes du Reis-effendy, ou commiffaire géné-
r a l, des officiers des vivres, de l’écuyer du grand-
vifir , les cuifines , les écuries ; en avant le lailac ;
plus loin le tréfor : fur la droite, & à hauteur du
lailac y la tente où Ton gardoit l’étendard de Mahomet
, devant lequel il y . a toujours des lampes
allumées, & qui eft principalement confié à la
garde des émirs : plus loin , fur la droite, les munitions
de guerre ; à la gauche-les charriots des
V1n'Cj* P-ace °k on les diftribue, & qui fert
aulh de marché ; en avant les janiffaires & l’ar-
j.Jr,ne > ^ ^ur toute la demi-circonférence , les
differentes troupes féparées par des intervalles ;
chaque diyifion ayant derrière elle les tentes des
fcachas qui les commandoient : en avant, à quelque
putance, 1 avant-garde , & au-delà les .tartares &
1 les valaques : en arrière, l’arrière-garde. Quelques fardes de cavalerie font répandues autour du camp.
’outes les nuits les tambours à cheval font la
ronde à l’extérieur en battant la caiffe, & jettant
des cris.
Le camp que prit le'grand-vifir Kara Muftapha
bacha, dans la plaine de Brandkircken, à une
marche de Vienne, étoit d’une forme différente.
Le centre étoit occupé à l ’ordinaire par la
tente du vifir, ayant devant elle le lailac & le
tréfor. Les charriots des vivres & les tentes de
ceux qui y préfidoient formoient un cercle autour
d’elle. En avant de ce cercle étoit l’artillerie fur
trois lignes , entre lefquelles étoient les janiffaires
& l’infanterie topracly : fur les deux flancs la
cavalerie capiculy, & en avant de celle-ci la cavalerie
topracly. L’alignement de ces deux camps
étoit oblique l’un à l’égard de l’autre , de forte
quelles extrémités qui étoient vers l’avant du camp
fe rapprochoient, & que les extrémités vers Tar-
rière s’éloignoient Tune de l’autre. Le flanc gauche
de la cavalerie topracly , qui occupoit la droite ,
etoit aligné fur la première ligne extérieure de
l’artillerie : le flanc gauche de la cavalerie capi -
culy étoit vers la droite de la troifième ligne
intérieure d’artillerie ; & il en étoit de même
en fens inverfe à l’aile gauche. L’avant - garde
étoit en avant à quelque diftance ; deux corps de
cavalerie entre elle & le camp , les chevaux fellés ;
& l’arrière - garde à quelque diftance en arrière.
( V. Marfigli. PL 24 , 25 & 26. ) .
Les tartares mogols campent à peu-près de la
même manière : cependant ils ont de grandes
rues qui vont au centre du camp, & le rendent plus
commode.
Les européens ont mis plus d’art, de fcience ,
& de jugement dans leur cafiramétation , comme
dans toutes les autres parties de la guerre.
D e s G r e c s .
Il ne nous réfte aucun détail fur la difpofition
du camp des Grecs : nous fçavons feulement que
Lycurgue avoit preferit la figure circulaire, à moins
que le camp ne fût couvert par une,rivière , une
montagne, ou une ville. Il avoit adopté cette forme
générale , parce que les angles du quarré font
inutiles. ( Xénoph. de Lacotdem. p. 687. B . Henr.
Steph. ) ; & peut-être auffi parce qu’ils font plus
foibles.
D e.s R o m a i n s .
Dans les plus anciens temps, les Romains, ainfi
que les autres nations, campèrent par troupes féparées.
Leurs camps refTemblôient à des huttes de
bergers répandues çà & là dans les campagnes. Ils
ne tardèrent pas à fe refferrer, & à s’entourer d’un
retranchement , ainfi que les autres peuples de
l’Italie. Lorfque Tatius eut déclaré la guerre à