
promptement que l'infanterie ne peut le faire dans
les vuides que les ennemis laiiTent dans leur ligne.
Mais cet ordre de bataille a l’inconvénient ,
que la cavalerie qui -fe détache de la ligne y laiffe
des vuides. Ajoutez que l’infanterie & la cavalerie
ne marche pas du même pas ; que leur manière de
le battre eft-différente, &. que le même terrein n’eft
pas également propre pour l’une & pour l’autre. On
peut remédier au premier de ces défauts,en donnant
ordre aux troupes détachées entre les lignes de
marcher dès que quelques efcadrons fe détachent
de la première, oc d’occuper les poftes qu’ils laiffent.
On évite le fécond , en affignant aux efcadrons le
terrein le plus égal, & aux bataillons le plus coupé:
il faut plus s’attacher à donner à chaque troupe le
■ terrein qui lui convient , que vouloir alterner
inviolablement un bataillon &. un efcadron.
Je trouve beaucoup plus de difficulté à la manière
dont les deux armes doivent fe mouvoir. Si l’infanterie
doit charger d’un pas grave, &. fi la cavalerie ,
au contraire , doit s’avancer d’un pas plus vite , il
s’enluivroit que l’un des deux corps ne combattroit
pas de la manière qui lui eft avantageufe , ou que
votre ligne auroit de grands vuides, & perdroit
ainiî la force & l’ordre que l’union lui donne.
Nonobftant ces réflexions, je crois ce mélange
des bataillons & des efcadrons indifpenfable, lorfque
vous >avez réfolu d’attendre les ennemis de pied
ferme ; j’en ai déjà donné la raifon.
L’expédient qu’on pourroit employer contre le
danger de 1 ailler tant de vuides feroit dé mettre
entre les lignes , près de la cavalerie, autant de
troupes qu’il en faudroit pour remplir ceux que les
efcadrons laiffèroient dans la première ligne. Mais
alors on fe priveroit de plufieurs autres avantages
qu’on pourroit tirer des troupes détachées entre les
lignes; & , f i, outre ces troupes, on en deftinoit
d’autres à remplir touts les vuides que votre cavalerie,
pourroit laiffer, le front feroit trop peu étendu.
Je conclus que ce mélange de bataillons &
d’efcadrons doit être une dernière reflburce. Si vous
mettez de l’infanterie entre chaque efcadron, que
ce foit feulement vingt-quatre ou quarante fantaffins
•fur quatre de hauteur ; qui, après jv-oir mis dans
leur'fufil douze ou quinze poftes , du poids à peu
près de deux haies, feront tout à la fois leur décharge,
lorfque lesrennemis ne feront plus qu’à la
diftance de trente pas. Ils fouffriront beaucoup de
cette décharge ; & , avant qu’ils foient remis de
-leur trouble , votre cavalerie les chargera vigôu-
reufement. i l n’y aura aucun vuide dans votre gros
corps d’infanterie.; & , dès que votre cavalerie fe
fera avancée pour charger , ces petits pelotons
d’infanterie pourront fe retirer derrière les troupes
que je détache , entre les lignes.
Henri IV gagna la bataille de.Coutras contre le
duc de Joyeufe par le moyen de ces petites troupes
de vingt hommes d’infanterie, formés fur quatre de
hauteur, & réparties entre la cavalerie navarroife ,
q u i, ,à peu de diftan.ce, t o u t leurs .décharges fur
la cavalerie ennemie» Les Navarroîs profitèrent du
défordre où le feu de ces pelotons d’infanterie avoit
mis les ennemis ; ils les attaquèrent & les défirent.
Lorfque vous êtes inférieur en cavalerie, tachez
de mettre vos ailes à couvert; & , fi la nature du
terrein expofe trop votre infanterie à l’impétuofite
de la cavalerie ennemie, couvrez-Ia de chevaux
de frife.
Depuis que les Allemands ont quitté les piques,
ils ne trouvent pas de meilleur moyen pour réfifter
à la nombreule cavalerie des Turcs, qui forment
ordinairement leurs armées d’un tiers d’infanterie
& de deux tiers de cavalerie.
Don Diégue d’Alava, dans fon parfait Capitaine,
veut que l’on donne aux foldats du premier rang ,
outre leurs armes, quelques feux d’artifices , qu à
la diftance de dix ou quinze pas ils lanceront contre
les ennemis, pour les mettre en défordre. L’hiftoire
me fournit deux exemples qui favorifent ce fen-
timent.
Iphicrate , fe voyant. chargé par les Thraces ,
donna ordre à quelques-unes de fes troupes d’in-
veftir avec des fafcines allumées la cavalerie thrace ,
q u i, épouvantée de ce feu, prit la fuite.
Les Efpagnols détachèrent contre l’armée d’A -
milcar un certain nombre de chariots remplis de
fagots de menus bois bien enfouirés, &. tires par
des boeufs. Ces animaux épouvantés fe jettèrent fur
les troupes d’Amilcar, les mirent en défprdre ,
& par ce ftratagême les Efpagnols gagnèrent la
bataille.
Si les feux dont je viens de parler peuvent mieux
vousfervir que nos grenades, ce fera feulement
; contre la cavalerie. Les chevaux s’épouvantent plus
I facilement que les hommes ; mais cette cavalerie
reviendra lorfqu’elle aura vu ces feux * ôt qu’elle
en aura fenti la fumée.
Cependant, comme la compofition peut en être
telle que le feu dure longtemps , & que la fûmes
-fente mauvais ; fi les chevaux s’en épouvantent,
vous devez charger l’infanterie des ennemis avant
que leur cavalerie fe foit ralliée, &- revienne au
fe cours de l’infanterie.
Lorfque votre plus grande force confifte dans la
cavalerie, choififfez un terrein uni & fans embarras ;
faites abattre les haies ; comblez les chemins trop pro-
fonds : remédiez à tout ce qui pourroit l’empêcher
d’agir librement dans le champ de bataille. Il vous
fera encore plus facile de choifir d’avance un pofte
avantageux pour le combat , lorfque votre deffein
n’eft pas de préfenter la bataille aux ennemis , mais
4’attendre qu’ils vous attaquent.
Darius, fe difpofant à combattre contre Alexandre
, choifit la plaine d’Arbelle , parce qu’il
étoit fupérieur en cavalerie afin que la Tienne
pût mieux agir , il fit ôter tout ce qui pouvoir
embarraffer le terrein. Darius perdit la bataille ;
l mais ce n’eft pas à cette prudente difpofition
| qu’on doit attribuer fa défaite.
1 Tamerlan choifit le terrein le plus uni qu’il put
fefoùvër , parce qu’il étoit plus fort en cavalerie que »
Bajazet, & il- défit complètement l’armée Turque.
Quoique vous foyez fupérieur en cavalerie,faites J
enforte que votre infanterie trouve dans le terrein
qu’elle -a devant elle touts les avantages dont j’ai
parlé ;- & , afin que votre cavalerie marche à l’ennemi
au pas qui lui convient, poftez-la en arriéré
de vos bataillons , à une telle diftance qu’en s’avançant
à ce pas , elle puiffe être fur le prolongement
des lignes de votre infanterie ^ lorfque les
ennemis s’en approchent.
En traitant des difpofitions pendant la bataille ,
je prouverai qu’on trouve dans cette pratique des
avantages eonfidérables.
Lorfque vousêtes campé près des ennemis , dans
un terrein fort par fa nature ou par vos retranchements;
que vous êtes fupérieur en cavalerie , &
le maître d’attaquer plutôt ou plus tard ; attendez
un jour où il ait beaucoup plu,. & prenez.le temps
où il pleut encore, abondamment. L’eau rendra
inutiles les armes à.feu de l’infanterie ennemie, &
votre çavalerie fe fervira plus avantageufement du
fabre, dont la pluie n’émonffe pas- le tranchant.
Quoique l’infanterie ait des manteaux d’armes pour
mettre à. couvert les fufils, l’eau perce toujours
lorfque la pluie eft abondante & dure longtemps ;
& , quand même les manteaux d’armes feroient
de toile cirée, ils ne feroient pas très utiles. Le
peu de foin, que les foldatsprennent de ces pavillons,
qu’il faut plier & déplier chaque jour , fait que la
toile cirée eft bientôt-coupée , qu’au bout d’un
mois elle n’empêche plus l’eau de percer. Il faudrait
donc, quand il pleut beaucoup, que chaque foldat
tînt fon arme dans fa tente, la platine couverte
de la bafque de fon habit, Ôl que les. fufils fuffent
efîùyés & rechargés, dès que la pluie ceffe : ce
point de dilcipline regarde les colonels, les majors,
& les autres officiers des régiments.
Le général de Tacmas , roi de Perfe attaqua ,
après une groffe pluie, les. Jan.iffaires de Soliman II ;
qui, malgré leur valeur, furent promptement défaits
; parce que leurs fufils mouillés ne leur furent
En traitant des occafions où il faut en venir a
un combat, j’ai dit qu’on doit attaquer de nuit
les ennemis , lorfque le plus grand nombre de leurs
troupes eft armé de fufils , de flèches , de dards ,
de frondes , ou autres armes de jet. Ceci eft encore
plus vrai en certaines circonûances dont je parierai
ailleurs.
d’aucun fecours- contre les fabr.es de la cavalerie
Perfe-
Le confiai Lucius Cornélius- Scipion attaqua
Antiochus après une grande pluie, parce qu’il prévit
que , les cordes des arcs- ayant été mouillées , fes
troupes ne pourroient pas-faire ufage de leurs flèches.
Annibal faifit le même avantage à la bataille de la
Trébie; oùfupé rieur en cavalerie , il attaqua les'
troupes romaines armées de flèches , en un moment
où les cordes de leurs ar.,cs avoient été mouillées.
Choififfez encore un jour de pluie pour le combat,
. lorfque votre infanterie eft meilleure pour l’arme
. de. main, & moins habile pour le feu que l’infanterie
ennemie ; ou , lorfque l’arme d’une grande
partie de vos troupes eft. la pique , & celle des
ennemis le fufil & la baïonette : la “pique prévaut
à la baïonette ,: lorfque celle-ci n’eft pas aidée par
le feu du fufiL
S U P É R I O R I T É D U N O M B R E .
Lorfque vous ferez fupérieur en nombre, choififfez
un terrein vafte ; & , après avoir donne a vos
lignes la hauteur accoutumée , étendez votre Iront,
afin de pouvoir, avec vos ailes , envelopper celles
de l’ennemi.
C ’eft ce que fit le prince Edouard , qui fut en-
fuite en Angleterre premier roi de ce nom-,
& gagna en 1.265 la bataille d’Evesholm , contre
Simon de Montfort, comte de Leiceftre. Celui-ci-,
voyant l’armée du prince fupérienre- en troupes-,
s’avancer avec un front plus étendu que le lien,
& prévoyant fa défaite, s’écria \ Je leur ai appris
à venir à la charge en bon ordre.
Il eft fur-tout important de prendre les ennemis
en flanc, lorfque leur armée paroît plus forte
q.ue. la vôtre pour un combat de front a fronts:
ce qui peut venir de leurs armes defenfives plus
propres à réfifter aux coups qu’on leur porte-,
ou de leurs piques &* de leur baionettes , qui
peuvent atteindre de plus loin, ou principalement
de ce que voslignes ont moins, de hauteur.
Polybe remarque que la phalange macédonienne,
qui étoit armée de fortes armes defenfives
,: hériffée d’un grand nombre de longues
piques, & qui avbit leize hommes de hauteur,
étoit invincible, à moins que,le terrein ou quelques
autres cireonftances ne l’cbligeaffent à rompre
cet ordre de bataille & ne l’expofaflent à être
attaquée en flanc.-
Dans les. premiers combats entre la cavalerie
efpagnole & allemande , on éprouva que celle-ci
avoit beaucoup d’avantage en combattant de
front, parce que leurs gros chevaux étoient affermis
par leur'propre, poids ; mais, dans peu la cavalerie
efpagnole eut appris à fe battre contre
eux: les- Efpagnols, profitant de la légèreté de
leurs chevaux , faifoient des détachements qui
gagnoient du terrein fur les ailes ,,Ô£ chargeoient
en flanc la cavalerie allemande, en même temps
que le gros de leur cavalerie attaquoit de front.
Lorfque vous ne pouvez étendre que d’un côté le
front, de votre armée, choififfez celui? où aucun-
obftacle ne vous empêche de faire les mouvements
de. converfion néceffaires pour charger en
flanc l’armée ennemie : autrement votre Supériorité
■ en nombre vous deviendroit inutile.
Dans la bataille, que M. Livius & Claudio»--
Néron donnèrent en Elpagne contre Afdrubal, les
obftacles du terrein empêchèrent Claüdius d’envelopper
l’aile gauche des Carthaginois auffi-tôt