dirons reniement, venez & voyez. Pour prouver
qu’ils ont préfque toujours été depuis leur création,
tels qu’ils font aujourd’hui ; il nous fuffira d’offrir
quelques traits tirés de leur hiftoire.
Si les carabiniers n-avoient pas eu des principes
d’équitation, au moins aufii bons que les autres
régiments de cavalerie françoife , on n’auroit pas
envoyé -, 'depuis 1763 julqu’en 1771 , un détachement
de chaque régiment de cavalerie, puifer
dans ce corps les' principes de l’art de monter à
cheval.
Si les Cizraimwrj'n’avoient pas été fournis à une
difcipline exaéle, un maréchal de France , commandant
dans une province, ne leur auroit pas
écrit en 1773 , « qu’il entendoit dire par-tout du
bien des carabiniers ; qu’il les avoit vus à la guerre,
dans les allions vives , montrer l’exemple à toutes
les troupes, par leur valeur & leur fermeté , &
qu’il les v o ÿ o it, pendant la paix , être l’exemple
de toute l’armée par leur fageffe & leur bonne
difcipline j qu’il avoit appris, fans en être étonné,
qu’aucun officier de ce corps ne s’étoit trouvé dans
line avanture de jeu qui étoit arrivée dans fon
département , &c.
Si le corps des carabiniers n’avoit pas été d’une
beauté frappante , lorfqu’il paffa la-revue de Louis
X V ën 1767 , fa majefté n’auroit pas dit à M. de
Poyanne quil vôuloit que fes carabiniers fuffent
vus par fa bonne ville de Paris, & qu’ils la tra-
verfaffent en corps ; ils n’auroient pas reçu les
éloges de Louis X V I , lorfqu’ils paffèrent la revue
de fa majefté en 1774 ; & enfin, ceux de Monfieur )
c l de toute fa fuite , lorfqu’ils furent vus par ce i
prince, en 1782 , dans les environs de Brunoy. '■
Lors dé la revue que les carabiniers paflerent :
a Brunoy en 1782/ ils prirent des étendarts nouveaux.
( Voye^feElion l ere, §. XIX. ). Ces étendarts
furent bénis par monfeigiieur l’évêque d’Angers.
Monfieur tenoit le premier étendart & neuf
officiers fupérieurs tenoient les autres. Les officiers
des carabiniers reçurent chacun de la main de
Monfieur une cocarde que Madame leur auroit
diftribuée fi fa fanté le lui avoit permis.
Dans ces trois circonftances brillantes , la tenue
& les manoeuvres des carabiniers ont égalé la
beauté dés hommes dont ce corps eft compofé.
Nous ne diffimulerons point cependant ; car ce
n’eft pas un éloge que nous faifons ; nous ne dif- J
fimulerons point que les carabiniers ne répondirent'
pas en 1755 * Fidée que nous venons dé donner
d’eux. A cette époque , on forma fur la Sambre
proche de Barlemont un camp d’évolutions : les
carabiniers furent du nombre des régiments de cavalerie
qui le composèrent. Les généraux trouvèrent
qu’ils avoient négligé de mettre de la pré-
cifion dans leurs manoeuvres , dë l’attention dans
leur tenue , du foin dans leur équipement ; qu’ils
étoient èn un mot moins bien que le refte de l’ar-
mce : dès ce moment, leur renvoi dans les régiments
de cavalerie fut prémédité. La mort du
prince de Dombes affermit encore le miniftère
dans ce projet. L’orage étoit prêt à fondre , lorsque
le fouvenir des faits d’armes des carabiniers
parvint à le diffiper, & à faire oublier ce moment
de négligence. Retraçons ces actions glorieufes;
elles produiront le même effet fur l’efprit de no$
leéleurs.
§* I I.
Des actions des carabiniers pendant la guerre.
Pour bien faire connoître les a&ions des carabiniers
pendant la guerre , il faudroit donner une
hiftoire détaillée de toutes les campagnes que les
françois ont faites dans les différentes parties, de
l’europe, depuis 1690 jufqii’à nos jours. Les carabiniers
ont toujours été employés , ôt ils ont
même été fouvent répartis dans les différentes armées
que nous avions en même temps fur pied. Ce
que nous allons rapporter doit donc être confi-
déré plutôt comme des anecdotes fur les carabiniers
que comme une hiftoire militaire de ce corps*
1690. Le maréchal de Luxembourg fut fi fa-
tisfait à Fleurus de la conduite des carabiniers qu’il
avoit raffemblés , qu’il follicita la création d’une
compagnie de carabiniers dans chaque régiment de
cavalerie.
1691 & 1692. Les carabiniers foutinrent pen*
dant ces deux campagnes l’idée qu’ils avoient donnée
de leur valeur : ils furent principalement occupés
à la guerre de parti.'
1693. Ce fut à la bataille de Nerwinde ou de
Landen que les compagnies de carabiniers méritèrent
par leur valeur de former un corps toujours
fübfiftant.
1694. Une partie du corps des carabiniers qui
fervoit en Efpagne foüs les ordres du maréchal
Jules de Noailles paffa le Ter à la nage , pour aller
affaillir les retranchements des Efpagnols : ceux-ci
les reçurent au fon des inftruments ; mais leur fierté
céda bientôt à la valeur & à l’impétuofité fran-
çoifes. Les carabiniers pénétrèrent dans les retranchements
avec les grenadiers ; tout ce qui fit ré-
fiftance périt. Le commandant de la cavalerie ef-
pagnole fut percé de plufieurs coups», d’épée par
le commandant des carabiniers. Ces détails font
tirés d’une lettre que le maréchal de Noailles écrivit
au roi après cette journée.
1708. Les carabiniers çompofoient une grande
partie du détachement q u i, par fa bravoure & fa
fageffe, parvint à faire entrer dans Lille un fe-
cours de munitions de guerre dont le maréchal de
Bouflers avoit befoin. Pendant le même fiège , un
détachement de deux cents carabiniers, efcortant
M. de Mézières, lieutenant-général des armées du
r o i , qui de Lille fe rendoit à Arras , rencontra
huit cents houffards de l’armée du prince Eugène.
Ils voulurent lui fermer le paffage, & faire pri-
fonnîer de guerre l'officier-général qu’il efcortoit ;
mais leurs efforts furent vains} les carabiniers les
culbutèrent #
culbutèrent, firent beaucoup de prîfonniers, &
conduifirent le même jour M. de Mézières au lieu
de fa deftination.
L’avant-garde des carabiniers n’étoit compofée
dans cette circonftance que d’un brigadier nommé
la Salle & de quatre carabiniers : ils furent pris
& menés devant un officier général des ennemis.
Celui-ci demanda au brigadier fi M. de Mézières
arriveroit bientôt , parce .qu’il l’attendoiî pour
dîner. La Salle répondit d’un ton énergique ; « mon
général, vous ne dînerez pas , ou vous dînerez
tard ; car ils fe battent comme des enragés ». Le
général autrichien ayant bientôt appris que les
carabiniers avoient battu les houffards , ainfi que le
brigadier la Salle le lui avoit prédit, lui rendit la
liberté', & lui dit : « des hommes aufii braves
que vous ne font point faits pour refter prisonniers
».
1709. Les carabiniers & la maifon du r o i, aux
ordres du chevalier de Luxembourg, & chargés ensemble
de faire l’arrière-garde de l’armée françoife
, repouffèrent quatre mille chevaux des alliés
qui vouloient troubler la retraite que le maréchal
de Bouflers faifoit vers le Quefnoi.
Depuis 1710 jufqu’en 1733 , la Francé fut en
paix , & les carabiniers firent v o ir , pendant ce
long efpace de temps, qu’un corps militaire bien
compofé eft utile à l’état pendant la guerre , &
jamais à charge au citoyen pendant la paix.
1734. Les carabiniers , deftinés à Soutenir la
gauche de l’armée, effuÿèrent à la bataille de
Parme un feu long, v i f , & fourni ; ils y perdirent
beaucoup d’hommes, fans pouvoir fe mefurer avec
l’ennemi. Il n’en fut pas de même à Guaftalle : les
Impériaux qui vouloient couper des poiits que nous
avions fur le Po , & nous attaquer par notre flanc ,
firent embarquer dans vingt-cinq grands bateaux
un nombre confidérable de grenadiers de leur armée.
Le feu v if & foutenu que firent cinq cents
carabiniers , à qui on avoit fait mettre pied à terre
& qu’on avoit placés für le bord du fleuve, commença
d’abord à diminuer le nombre de ces grenadiers
; & , quand ils voulurent enfuite travailler
à détruire les ponts, les carabiniers marchèrent à
eux , coulèrent bas quelques bateaux, forcèrent les
Impériaux d’abandonner leur entreprife , & décidèrent
ainfi le fuccès de la journée : aufii le roi
de Sardaigne cria-t-il après la bataille , vive les
carabiniers,
M. de Savinne, lieutenant-général des armées
du ro i, qui fut témoin de la conduite des carabiniers
à Guaftalle, difoit fouvent : « je ferai, tant
que je vivrai , l’éloge des carabiniers & de leur
commandant, M. de Valcourt ». Ce fut après la
bataille de Guaftalle qu’on donna la baïonnette
aux carabiniers.
1740. Les premiers coups de la guerre furent
portes par les carabiniers. Cent maîtres de ce corps
renversèrent & pourfuivirent jufques fur le glacis
de Vienne une troupe confidérable de houffards au-
Art militaire. Tome /.
trichiens. Un autre détachement de cent hommes
battit èncore'Cinq cents houffards proche de l’abbaye
de Melle. Ils fe trouvèrent dans la même campagne
à la furprife de Prague , & ils efcaladèrent la place
avec les grenadiers.
1742. Le combat de Sahai eft une des journées
dont les carabiniers fe glorifient avec raifon. Cinq
cents maîtres de ce corps , fécondés par trois cents
dragons des-régiments du Meftre-de-Camp & de
Surgères, attaquèrent dix-huit cents cuiraftiers ennemis
: ces cuiraftiers étoient l’élite delà cavalerie
autrichienne. Us étoient fur fept rangs , & pré-
tendoient n’avoir jamais été battus. En moins de
huit minutes', leur gloire fut éclipfée ; ils furent
obligés de fe replier fous le feu d’un corps d’infanterie"
qui étoit dans le voifinage. Le prince de
Lobkowitz , qui avoit "fondé l’efpoir du fuccès fur
les cuiraffters , fit fonner la retraite , dès qu’il les
vit en déroute. Les carabiniers durent la gloire qu’ils
acquirent dans la plaine de Sahai à la préfence
d’efprit d’un officier de ce corps , dont le nom ne
nous eft pas parvenu. Les cuirafliers étoient tellement
couverts de fer que touts les coups qu’on leur
portoit devenoient inutiles : au plus fort de la
mêlée, une voix fe fait entendre : « au vifage,
cria-t-elle , au vifage, camarades » , .& le fuccès
de cette manière de frapper fut le même qu’à
Pharfale.
Bientôt après l’affaire de Sahai, de grands intérêts
ayant engagé le roi de Pruffe à changer de
parti, l’armée françoife fut obligée de fe retirea
fous le canon de Prague. Cette retraite fut fouvent
retardée par les vives attaques des ennemis ;
mais l’armée ne fut point entamée, parce que lés
carabiniers firent des prodiges de valeur. Voici les
expreflions de l ’hiftorien du maréchal de Saxe*
« L’armée françoife & la ville de Prague ayant été
invefties par les autrichiens ; les carabiniers , à qui
il ne reftoit plus que fix chevaux par compagnie ,
, follicitent l’agrément de faire le fer vice de grenadiers.
On leur accorde leur demande ; on les arme
de la même manière que l’élite de l’infanterie ; &
bientôt les yeux les plus clairvoyans ne peuvent
plus diftinguer à la tranchée , un carabinier d’avec
un grenadier ». ,
Lors de la célèbre fortie du 22 A o û t, fortie
qui décida fur-tout les ennemis à lever le fiège ;
trois cents carabiniers à pied marchèrent à la tête
d’une des colonnes d’attaque ; ils pénétrèrent des
premiers dans la tranchée , la comblèrent, en—
clouèrent plufieurs pièces de canon , firent beaucoup
de prifonniers ; & , en rentrant dans la place ,
reçurent des maréchaux de Belle-Ifle & de Broglie
le tribut d’éloges que leur conduite avoit mérité.
Pendant que l’armée françoife refta fous le canon
de Prague , les carabiniers fournirent plufieurs détachements
, & fe trouvèrent à plufieurs combats., Iou ils foutinrent la gloire qu’ils avoient acquife dans
la fortie du 22. Le feul détachement dont nous
parlerons eft celui que commanda_M. de la Va**