
villes moins anciennes, & qui, n’ayant été d’abord
que des bourgs , s’étoient peuplées, agrandies,
fortifiées, & avoient par-là mérité le nom de
ville.
Je ne doute point que quelques-uns des citoyens
ne fuffent admis aux charges de judicature , mais
non pas à celle de bailli, ou de vicomte, qui
représentaient le prince, ou le feigneur , & qui
étoient & furent encore depuis exercés par la no-
bleffe. Enfin , dans ces villes il y avoit des ferfs,
gens de-vmorte-main , gens de poëjle , gens de
corps , ainfi qu’on les appelloit alors ; c’eft-à-dire ,
gens qui ét-oient fous la puiffance de leurs maîtres ,
dont les biens ne paffoient point à leurs entants 3
& qui travailloient au profit de ceux à qui ils ap-
partenoient 3 à proportion comme les ferfs de la
campagne.
Pour donner le pouvoir aux villes de lever des
troupes , on fit un corps des principaux bourgeois
des villes , auxquels ce pouvoir fut conféré fous
l’autorité du roi. On inftitua dans plufieurs, tant
grandes que petites villes , un tribunal nouveau de
juftice, féparé de celui des juges roy aux, ou de
celui du vicomte : on lui attribua -certaines ef-
pèces d’affaires, & prefque tout ce qui regardoit
la police , & les perfonnes des habitants, dont ce
tribunal devoit connoître dans le diftriéfc de la commune
, qui avoit fa banlieue.
La jurifdiâion des feigneurs en fouffrit, & cela
caufa des murmures : mais comme le roi diminuoit
en même temps celle des juges royaux, il fallut
aulîî que les feigneurs particuliers fouffriffent la
diminution de celle de leurs officiers.
Ce tribunal était compofé de juges citoyens de
la ville ; dans les unes il y en avoit fix ; en d’autres
dix ou douze ; ils portent dans plufieurs chartes
le nom d’échevins, & leur chef le nom de major ,
qui répond à celui de maire, & leur autorité étoit
annuelle. Il eft vifible que c’eft là l’origine de la
jurifdiéfion des maifons-de-ville, qui fut établie en
même temps quç la milice des communes. On donna
à cette jurifdiéfion un cachet ou fceau particulier ;
le droit de cloche , pour convoquer les bourgeois ;
le droit d’un beffroy , pour faire le g u e t, & plufieurs
autres privilèges , appellés du nom d’immunités,
de libertés , de franchifes , qui n’étoient pas
par-tout tout-à-fait les mêmes. On les peut voir
dans une infinité de chartes qui nous reftent dans
le chartulaire manufcrit de. Philippe-Auguife, &
dans les coutumes de diverfes provinces : car les
fucceffeurs de Philippe I multiplièrent beaucoup
ces communes & les maifons-de-ville.
Plufieurs gentilshommes dans la fuite s’incorporèrent
dans ces communes pour jouir des privilèges ,
& pour être admis au gouvernement des villes
avec les bourgeois ; & c’eft de là que vient l’ufage
dans certaines villes , de donner plâcç dans l’ç-
chevinat à des gentilshommes.
Ces fortes d’établiffements fe firent d?ahord dans
le feui domain? immédiat du roi ; mais dans la
fuite les grands vaffaux, comme les comtes de
Champagne , les comtes de Flandre, les ducs de
Guyenne , de Normandie , & les autres en firent
autant dans l’étendue de leur domination , mais
avec la permiffion du roi ; ôc ils le firent par les
mêmes -raifons , parce que leurs vaffaux n’étoient
pas plus aifés à gouverner , qu’eux-mêmes l’e-
toient à l’égard du l'ouverain, & que par ce moyen
ils pouvoient en peu de temps lever un grand
nombre de troupes. Cet ulage paffa même dans
les pays étrangers, comme en Savoye, en Angleterre
, & ailleurs.
Comme il y a toujours des inconvénients dans
toutes fortes d’inftitutions , & que par les libertés
qu’on leur accordoit, les villes devenoient pour
ainfi dire comme autant de petites républiques,
où le maître 6c les échevins avoient une grande
autorité , elles faifoient quelquefois de la peine au
prince ; 6c leurs milices qui avoient été inftituées
pour empêcher les violences des feigneurs en faveur
des eccléfiaftiques, commettoient elles- mêmes
de femblables excès. Les princes punirent quelquefois
les v illes , en leur ôtant leurs privilèges,
6c le droit de communes ; 6c alors les feigneurs-
rentroient dans leurs droits quant à. l’exercice de
la juftice.
Ces deux établiffements , qui fe firent en même
temps, 6c l’un à l’occafion de l’autre , je veux
dire celui des maifons-de-ville , 6c des communes
pour la guerre , font deux chofes très remarquables,
du règne de Philippe I.
Ces milices des communes n’étoient obligées de
marcher à leurs frais , que jufqu’à une certaine
diftance de leur demeure ; que fi on les. menoit
plus loin , c’étoit au roi à les défrayer : il y en
avoit même qui n’étoient obligées de s’éloigner
de leur ville , que de telle manière qu’elles puffent
revenir le même jour coucher chez elles, C ’étoit
le privilège de la ville de Rouen , ainfi qu’il eft
marqué dans le rôle de 127a. Major & burgejifes
Rothomagenfes comparuerunt, dicentes quod non deb.ent
exercitum nifi tantummodo ita quod pojjînt redire in.
fero in hofpitia fua. C ’étoit la convention que cette
ville avoit faite avec les rois d’Angleterre , qui
la ménageoient beaucoup , par la crainte qu’elle
ne fe donnât aux rois de France. Et comme fes
privilèges lui furent confirmés , quand elle fe rendit
à Philippe-Augufte, elle étoit encore en poffeffion
de celui-ci Jous le règne de Philippe-le-Hardi,
fous lequel ce rôle de 117?. fut fait.
Le nombre des foldats que les villes dévoient
fournir étoit marqué dans les chartes de leurs franchifes
; 6c il ne paffoit guère quatre ou cinq cents.
Le roi convoquoit les communes pour le fervice,
comme il convoquoit fes vaffaux. Nous en avons
un çxefhple dans le rôle de 12.53. Un des titres
eft : les communes qui envoyèrent fergents de pied.
Suit la lifte des villes de Picardie avec le nombre
de leurs foldats : Laon , 300 ; Bruieres , 100 ;
Soiffons, 2>qo y Saint-Quentin , 300 ; reronne
3°Oi
500 ; Mont-Didier, 300 ; Corbie ~3 400 j &c. Ce
nombre fuffifoit pour réprimer les violences des
feudataires laïques contre les feudataires eccléfiaftiques
, 6c pour diffiper les troupes de brigands
qui troubloient le commerce des villes les unes
avec les autres ; 6c toutes ces milices affemblées
pour la guerre , faifoient des corps confidérables :
c ’étoient là les fins pour lefquelles elles avoient
été inftituées.
Il feroit à fouhaiter, pour connoître parfaitement
les réglements 6c la difçipline de cette milice,
que les anciens monuments qui en font mention ,
nous en euffent laiffé un plus grand détail : mais
le grand nombre de chartes qui nous reftent, touchant
l’établiffement des communes, nous en marquent
très peu de chofe ; 8c elles ne contiennent
guère que les privilèges accordés aux villes , 6c
les conventions que nos rois faifoient avec elles
pour régler la jurildiâion , 6c les obligations mutuelles
que les princes ôc les villes contra&oient
dans ces établiffements.
Il eft certain qu’elles n’étoient compofées que
de bourgeois, 6c de ceux qui entroient dans ces j
communautés avec eux. On voit encore que dans
les armées , les communes d’un pays faifoient un I
corps à part , auquel les hiftoriens de Philippe-
Augufte donnent le nom de légion, lntereà 3 dit
Rigord , adveniunt legiones communiarum 3 legio
Troiern 3 la commune de Troÿ es, dit Guillaume-le-
Breton.
On ne peut pas douter que ces corps, qui joints
enfemble, en faifoientain très nombreux, ne fuffent
commandés par quelque feigneur de diftin&ion ,
quand ils étoient réunis dans une même armée •
6c que les gentilshommes , dont plufieurs, comme
l’ai dit, participoient aux droits 6C aux privilèges
des communes, n’euffent avec les plus confidérables
bourgeois les principales charges dans chacun de
ces corps. En effet, je trouve fous le règne de
Philippe de Valois, que dans le combat de Poiffy
de l’an 1346, où les Anglois défirent les milices
de Picardie , la commune d’Amiens’étoit commandée
par quatre chevaliers Picards.
Entre plufieurs chartes qui nous reftent touchant
les communes, je n’en trouve point qui en. établiffent
de nouvelles dans l’étendue du domaine de nos
rois au-delà du règne de Saint Louis : mais on en
voit de plus récentes dans le pays des grands
vaffaux, comme en Champagne ; 6c il y en a une
de Louis , duc de Savoy e, pour la petite ville de
SaintSRlambert en Breffe,^de l’an 1442.
La milice des communes dura tout au plus jufqu’à
Charles V I I , qui en établit une toute différente ,
dont je parlerai dans la fuite. Gn en voit pourtant
encore des reftes dans quelques titres militaires
qui fubfiftent., comme ceux de capitaines de quartier
, de major de la bourgeoifie, d’archers de la
ville , 8cc. qui font encore en certaines occafions
des fondions militair.es : mais l’établiffement des
communes femble avoir donné lieu aux hiftorio-
Art militaire, Tome L " ' " .....9
graphes de Philippe-Augufte , de naûs inftruire
un peu plus particulièrement du refte de la milice
françoife de ce temps-là , 6c principalement de
celle qui étoit compofée de la nobleffe : fur quoi
il y a plufieurs réflexions affez curieufes à faire.
L’établiffement des communes ôc des maifons-
de-ville , ( car ce nom de communes comprend l’un
6c l’autre ) , n’exemptoit pas les feigneurs de faire
le fervice avec leurs vaffaux, comme ils le dévoient,
félon l’ancienne coutume : mais ils affrétèrent de
diftinguer leur milice de celle des bourgeois; 6c
les hiftoriens du temps de Philippe-Augufte , ne
manquent guère de marquer cette diftinétion.
Quand ils parlent de celle des villes, ils l’appellent
communia. , les communes ; communitates
parochiarum , les communautés des paroiffes :
burgenfes, les bourgeois : mais quand il s’agit des
troupes que les feigneurs amenoient au fervice ,
ils les défignent par certains noms, certains titres,
certains ordres de milice , qui n’étoient point pour
la plûpart dans celle des communes. On y voit
fouvent ce mot de. milites , 6c celui à'équités ,
non pas pour fignifier toujours des foldats ou des
cavaliers , mais des chevaliers ; celui d'Armigeri ,
qui fignifie des écuyers ; fervientes , clientes 3 fa -
muli , fatellites 3 8c quelques autres. ( Dan. miU
franc. ).'
C O N C O R D A T . Convention par laquelle les
officiers d’un même régiment s?affurent mutuellement
le payement d’une certaine fomme d’argent
au moment de leur retraite.
On peut diftinguer quatre efpèces déconcordats •
le concordat fimple ; le concordat héréditaire ; le
concordat réciproquefimple , ôc le concordat réciproque
héréditaire.
Par le concordat fimple , touts les officiers qui fe
trouvent après celui qui vient de ceffer de faire
partie du corps , lui payent la fomme qui eft convenue
, pourvu qu’il n’ait point été tué à la guerre ,
ou qu’il ne foit pas mort fans donner fa démif-
fion.
Dans le concordat héréditaire , les membres du'
corps ou leurs héritiers ne peuvent jamais être
privés de la fomme qui eft fixée par la convention
; il n’y a cependant que les officiers qui font
après celui qui n’exifte plus dans le corps qui contribuent
au payement de la fomme convenue.
Dans les deux efpèces de concordats réciproques ^
les officiers qui précèdent celui qui ne fait plus
partie du corps contribuent au payement de la
fomme fixée , comme ceux qui le fuivent.
La fomme fixée par le concordat eft répartie
d’ordinaire au marc la livre, ou, ce qui eft la même
chofe, en proportion des appointements des contribuables.
Elle confifte affez généralement en un
mois d’appointements pour chaque retraite.
Quelquefois les contribuables confentent à payer
argent comptant touts les rangs qu’ils gagneront ;
d’autres fois ils veulent feulement fupporter ,
chaque mois, p | | r^t^uo proportionnée auran*
C c c c c