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■» Premièrement, le conneflable eft par-deffüs tous i
autres qui font en l’oit, excepté la perfonne du roy ;
& s’il y e ft, foit ducs, barons, comtes , chevaliers
, écuyers, foudoyers, tant de cheval que de
pied , de quelque état qu’ils foient, doivent obéir
à lui.
» Item. Les marefchaux de Toft font deffous
lu i , barons , chevaliers, écuyers, & leurs compagnons;
( je crois que cela veut dire, que c’étoit à
eux à aller au-devant des troupes qui arrivoient
au camp pour leur diftribuer leurs quartiers ) , &
ne peuvent ni ne doivent chevaucher, ni ordonner
bataille , fi ce n’eft par le congé, ne faire bans
ni proclamations fans la fentence du roi ou du
connectable.
hem. Le conneflable doit ordonner toutes les
batailles, les chevauchées , & de toutes les établies
( c’eft-à-dire ) des garnifons , & peut - être
auffi des quartiers dans le camp.
Item. Toutefois que l’oft fe remue de place en.
autre , le conneflable prend & livre toutes les places
de fon droit au r o y , & autres de l’oft devant les
bataillons, tantôt après les maîtres des arbaleftriers ,
puis les bataillons, & doivent eftre les marefchaux
en fa bataille ( c’eft-à-dire que le connétable en
vertu de fa charge range l’armée pour la marche,
& afligne au ro i, & aux autres chacun leur polie ) .
Cet article qui eft énoncé d’une manière affez
•bfcure , eft éclairci dans un ancien manufcrit que
j ’a i, à la tête duquel eft une ordonnance de Phk
lippe le-Bel de l’an 1306 , touchant les gages dé
batailles. Plufieurs autres matières y font traitées ,
& entr’autres on y voit ce titre : ordonnance du
roy quand il va en armez. Et voici ce qui fuit r
Quant le roi fault en armée fur les champs
il doit chevaucher en bataille. . . . . & premièrement
le conneflable ou marefchaux doivent mander
( c’eft-à-dire envoyer), les découvreurs par le pays-
qui doivent eftre gens de guerre & bien à cheval*.
Après eux ung marefchal, ou autre vaillant homme
qui conduife une efchelle de bonnes gens. ( G’eft-à-
dire une troupe de braves 'foldats rangez par rangs^
&. par files ) , oh ait de trait fuffifamment ; c’eft-à-
elire des archers), pour leftour des découvertes,
( c’eft-à-dire pour le combat, au cas que les découvreurs
y fuffent engagés ) , & là font les rnaif-
ires d’offices, prevoft, fourriers, & ces gens pour
départir les longis. Après ce vient le conneflable■
èn l’avant-garde, & font barons affez & bonne»
gens ; & là font leurs pennons , bannières & éten-
darts, & leur grand trait ( c’eft-à-dire leurs archers
) qui va devant. Après eux vient le maiftre:
des arbaleftriers avec le trait qui. leur appartient :
puis vient le premier efcuyer d’efeurie qui porter
ôu fait porter l’eftendart royal jufques au befoing p
& après lui font les paiges fur les deftriers couverts
, ( c’eft-à-dire fur le» chevaux dè bataille
bardez ) , & les chevaux du roi qui portent les
fiches bacinâs, heaulmes, lances , falades & chapeaux,
( c ’eftàr dire. toutes les armures de tête.)*
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Après eux viennent les trompettes , & puis là*
bannière du roi; que portoit ou doit faire porter
jufques au befoin le premier chambellan environné
des rois d’armes, heraulx &. pourfuivants : & après
tout ce vient la perfonne du roy accompagné des
ducs, comtes, barons, & princes, &. autres nobles
hommes à grant pouvoir; & le premier varier
tranchant doit'eftre le plus pronchain derrière lui
portant fon panon, qui doit aller çà & là , partout
où le roy v a , afin que chacun connoiffe oh
le roy e ft, & les chevaux de la bannière ., panon ôc
eftendart font au reftour , ( c’eft-à-dire au retour
de la campagne, ) , de droit à eux , qui les ont
portez; &. à deux couftez de la bataille, font les
deux elles; ( c ’eft-à-dire les deux ailes du corps
de bataille,.) , & leurs gens de trait conduire par
deux princes, amiral ou marefchaux,, ou autres
capitaines faiges & vaillans , qui doivent prefte-
ment mander ; ( c’eft-à-dire envoyer, ) , à droite
& à feneftre bons & fuffifants hommes bien à
cheval pour découvrir bien la contrée, & le pays
& après tout ce vient l’arrière-garde T ou à ducs ,,
comte, ou marefchal , bien accompaigné de vaillants
gens avec le trait qui fe appartient, qui derrière
eux doivent avoir une petite efquierre ; ( c’eft-
à-dire un petit corps rangé en bataille,), de bonne
gens, & après-iceux des gens à cheval bien montez
, pour avoir regard à qui. les voudroit affaillir
par derrière.
On voit affez diftinfiement par cer extrait ce
qui eft dit çonfuféraent dans l’article, comment
l'e connétable en vertu de fa charge & de fon droit
aflignoit au roi &. aux officiers le pofte que chacun
devoit tenir dans la marche de l’armée. Premièrement
, le connétable faifoit un détachement qui
marchoit devant l’armée, & dans ce détachement
étoient les fourriers & autres officiers- deftinés
pour départir les logis dans le lieu oh Ton devoit
camper. Secondement, le connétable marchoit à la
tête de l’avant-garde. Troisièmement, après l’avant
garde , & avant le corps de bataille mar-
.choit le grand-maître des arbalétriers dont le corps
étoit fort nombreux -, & puis fuivoit le corps dé
bataille oh étoit le roi après le corps commandé
par le maître des arbalétriers ; & enfin fuivoit l’arrière
garde, derrière laquelle il y avoit un détachement
de braves foldats pour empêcher que
l’ennemi ne la troublât dans fa marche. Je reviens-
à là fuite des- fonctions ou prérogatives du* connétable.
hem. Le roi’, s’il eft en oft, ne doit’chevaucher,
ne les autres bataillons ne doivent chevaucher,
fors par l’ordonnance & confeil du conneflable.
» hem. Le conneflable à la. cure d’envoyer mef-
fager & efpies pour le fait de l’oft par tout oh il
voit qu’i l appartient à faire, les arcreurs & autres
chevaucheurs, quand il voit que meftier en eft ».
Les quatre articles fuivants regardent le droit
que le connétable avoit de prendre la fblde d’un jour
de chaque homme de guerre qui étoit aux gages ou
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a la folde du roî, dont il a été fait mention dans les
autres aétes..
Dans un compte de Guillaume Charrier de l’an
1424, fous Charles V I I , tiré de la chambre des
comptes, j’ai remarqué un privilège du connétable ;
fçavoir /qu’il devoit avoir par chacun mois comme
fes prédéceffeurs, le payement de cent hommes
d’arm e sfan s en faire monftre ne revue, étaht
feulement tenu de bailler chaque mois , en un
rôle de parchemin , les noms &. furnoms defdits
gendarmescertifiant fous- fon fcellé les avoir tenus
£n fa compagnie.
Il1 eft manifefte par toutes ces pièces, que le
connétable ayant le commandement général de
l’armée, même loxfque le roi y étoit préfent, il
étoit en fon pouvoir d’y choifir tel pofte qu’il ju-
geoit à propos : il le prenoit toujours à-’ l’avant-
garde , ou à la première ligne dans les batailles,
& dans les retraites, à l’arrière-garde : e’étoit un
ancien droit du grand-fénéchal, auquel le connétable
avoit fuccédé pour le commandement des
armées. Ce droit étoit marqué par ces paroles que
j ’ai rapportées , en parlant des prérogatives du
grand fénéchal : Cum in exercitu regis fuerit vel
ierit, protutelamfaciet ei, & in reditu retutelam.
Charles V I ayant propofé au connétable de Clif-
fon de demeurer auprès de fa perfonne durant la
bataille de Rofebeque, ce feigneur s’en excufa, &
dit an roi, ainfi que le rapporte Froiffart : « Cher
lire , il viendroit à grant contraire à mes compagnons,
( c ’eft-à-dire, à une troupe de gendarmes
d’élite qui dévoient Raccompagner dans la bataille),
&. à l’avant'garder s’ils ne m’avoient en leur compagnie
»..
Une des raifoiis- du mécontentement du connétable
de Bourbon ,• qui eut de fi fâcheufes fuites
fous François Ier, fut que dans la marche de l’armée
en Flandres, contre celle de Charles V , l’an 15 2 1 ,
le roi fit commander l’avant-garde au maréchal
de Châtiilon,. qui avoit la faveur de Louife de-
Savoye, mère du roi , au duc d’Alençon , ainfi que
je l’ai remarqué dans mon hiftoire de France;-
Après to u tn o s rois ne fe crurent pas toujours
tellement aftreints par les droits que leurs prédéceffeurs
avoient attachés à la dignité dé connétable
, qu’ils ne paffaffent quelquefois par-deffus;-
P hilip p e -le -B e l, en Tan 13 &21 r fit' commander
•l’armée françoife par Robert d’Artois à la fameufe
& funefte. journée de Courtray , quoique- le connétable,
Raoul de Clermont,, leigneur de Nefle , y
fut p r é l e n t& touts deux y périrent ; & j’ai remarqué,.
dansThiftoire.du règne d’Henri I V , que
ce prince- faifant lé: fiége d’A m ie n s o h le. connétable
Henri de Montmorenci fe: trouva ,• voulut:
que le maréchal-général des camps & armées du:
roi , commandât à fa place ; mais communément:
les rois à moins- qu’ils n’euffcnt des raifons par-'
ticulières d’en ufer autrement, ou que ces grands*
officiers ne l’agréaffcntles laiffoient jouir de tout»
4eurs droits*.
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La dignité de connétable donnoit un fi grand
relief à celui qui la poffedoit, qu’un attentat commis
contre fa perfonne étoit cenfé être un crime
de leze-majefté. Sous le règne du roi Jean, Charles,
roi de Navarre, ayant affaftiné le connétable Charles
d’Efpagne, fut obligé, tout fouverain qu’il étoit,
d’en prendre rémifnon ; & le même Cliffon ayant
été attaqué & bleffé par Pierre de Craon , ce feigneur
& fes complices furent condamnés comme
criminels de leze-rciajefté.
Le connétable avoit encore une prérogative
qui , bien qu’elle ne regarde pas la guerre, mérite
d’être inférée dans Thiftoire de cette dignité ; c’eft
qu’en vertu de fa charge il affiftoit, avec les pairs
du royaume, aux jugements oh il s’agiffoit de juger
quelque pair. Ce privilège lui fut confirmé, aufli
bien qu’au bouteiller &. au chambrier Tan 1324,.
fous le règne de Charles IV , dit le B e l, ainfi que’
je l’ai vu dans un mémorial de la chambre des-
comptes de Paris, qui eft auffi rapporté dans l’hifi-
toire des grands officiers de la couronne. £n voicfc
l’extrait :
Les grands officiers de la couronne, du nombre’
defquels eft le connétable doivent juger les pairs de?
France avec les autres pairs.
« Comme contens fut entre Jeanne comteff<j|
de Flandres , de une part, & Jean de Néelle’
d’autre ; icelui Jean appella la comteffede défaut
à la court de notre fire le roy , li: roy fit la
comteffe femondre par - devant lui par deux
chevaliers ; la comtefle- comparant à jour,- pro-
pofa qu’elle n’avoit- pas été fuffifamment femonfe-1
par deux chevaliers ; quar elle devoit être femonfe-’
par fes per», lés- parties eux appayant en juge--
ment. Sur ce fut jugié en la court le roy que-’ la1
comteffe avoit: été lumfamment & convenablement
femonfe par deux chevaliers, & que la fus-monitiort
faite par iceus de la comteffe venoit & valoit. hem &
là comteffe propofa que Jean de Néelle avoit
pers en Flandres , par lefquieux il devoit eftre:
jugée en la court de la comteffe, & que elle eftoit
| appareillé li faire droit en fa court par les pers>
d’icelui Jean, ni icil Jeanine difoit mie que elle:
li ait failli de droit’ par lés pers d’icil,- par lef--
quiex- il devoit’ être jugié en la court de Jean1
de Néelle. IciT Jean répondit au contraire , en-
difant que en nulle maniéré il ne vouloit retourner*
à la court la comteffe, quar elle li avoit défailly"
de droit, & de défaut de droit il avoit appellé la1
comteffe à la1 court le ro y , oh il eftoit appareillié'
convaincre la comteffe de défaut de' droit ,• de la1
confidération de la court le roy fur ces chofes, fut:
jugié que Jean de Néelle ne devoit pas retourner'
a la- court la comteffe que elle li devoit ref--
pondre en la court le.roy-,-oh il la avoir appelle:
de défaut: de droit. Après c e , comme-les pers de-’
France1 diffent que le- chancelier,- le bouteiller
le chamberier & le conneflable-, qui font des offi--
ciers dé Thoftel le ro y , ne doivent-mie-’ eftre avec:
à i à w jugement fu r pers de prance.&^