
pas leurs loifirs a profit, & d’accorder tout l’avancement
a 1 inftruâion , on entendrait fouvent
ae vives déclamations & des clameurs outrées :
la promotion la plus jufte feroit prefque toujours
acculée de brigue, de faveur , ou de baffeffe ; la
concorde * l’amitié dil'paroîtroient des régiments ;
ta haine naîtrait, ôc bientôt fe baigneroit dans le fang.
quelque flanc qu’il fortît, la patrie en verferoit
des larmes ; & , comme la haine s’attacheroit peut-
etre aux hommes les plus inftruits , le fang le plus
précieux leroit celui qui couleroit le premier Ôc
avec le plus d’abondance.
Comment puniroit-on d’ailleurs l’officier inappliqué
? comment révèilleroit-on l’aéfivité de l’of-
ncier parefleux ? On pourroitles priver d’un congé,
leui oter la linerté pendant quelques mois , les
empecher de monter à leur tour aux grades plus
qleves , leur fermer pour toujôurs l’entrée des
grades fuperieurs ; enfin les rayer du nombre des
militaires. Mais tout le corps ne prendroit-il pas
enA main la caufe des coupables ? .Les chefs eux-
memes., animés par un amour propre aveugle ,
ne feroient-ils pas leurs premiers défenfeurs ? Et,
dans les cas extrêmes, l’officier général qui en
ta10**. ta juge ne fe laiflferoit-il pas toucher par
la pitié ? Les qualités foetales de l’officier peu instruit
, quelques vertus militaires qu’il auroit en
partage , fa naiffance, fon nom, d’autres confidé- ;
rations perfonnelles , ne feroient-elles pas illufion
au général qui auroit dû juger feulement de I’inf-
truéfion ? Les examens peuvent feuls prévenir ces
abus divers.
Le maréchal de Montluc avoit bien fenti touts
les avantages que dévoient produire les examens.
Dans un difeours qu’il adreffe à Charles IX, il
confeille à ce prince de faire examiner les gouverneurs
, les lieutenants de roi, les maréchaux,
& les meftre-de-camp, par un confeil de guerre
compofé de do&eurs , « qui font les vieux capitaines
, qui de longue main font expérimentés aux
armes,.... j entends ceux qui ont toujours fuivi les
guerres , qui ont force paragraphes, c’eft-à-dire ar-
quebufades ou coups d’épée fur le corps. Quant au
capitaine des gendarmes , vous le créés auffi facilement,
pour l’amour de celui qui vous l’aura nommé,
comme vous feriez un fergent du ehaftelet de
Paris ; & celui-là fe trouvant en une bataille, vous
lui baillerés quelque coin à deffendre ; & ce pauvre
homme qui ne connoîtra fon avantage | foit pour
faute de coeur ou d’expérience , vous fera perdre ce
coin, & donnera courage aux ennemis de fauver
leur viéfoire, & fera caufe que les vôtres perdront
coeur. Car quatre coyons , prenant la fuite, font
fuffifants pour attirer le refte , mefmement les
chefs , & encore qu’ils foient vaillants de leurs
perfonnes & qu’ils veuillent faire tête , fi eft-ce
que , s’ils ne ff avent fe réfoudre &, prendre leur
parti, tout ira en défordre : car lors cela dépend
de lui j & non du général qui ne peut avoir l’oeil
par-tout, & parmi la grande çonfufion qui eft aux
batailles , il ne peut pourvoir , à toutes cliofes.
Celui donc qui a charge , ou d’un coin ou d’une
aille , s’il n’a de l’expérience pour s’être trouvé en
telles affaires, comment conduira-t-il fon fait ou
fa troupe ? & voilà une bataille perdue. Il n’en
faut efpérer moins aux autres entreprifes que l’on
lui baillera à exécuter. Prenés donc garde , lire, a
qui vous donnerez des compagnies de gens
d’armes à conduire : il faut que les jeunes demeurent
apprentifs , & obéiffent aux vieux.
Vous avés après , lire , les capitaines des gens
de pied. De ces charges peuvent advenir autant de
malheurs prefque que-des autres, foit à la deffenfe
d’une brèche, ou bien à mener une troupe d’ar-
quebufiers à une bataille , ou à quelque entreprife
qui vous fera de grande importance : car, fi celui
qui prend telle charge n’eft tel qu’il faut, il fera
deffait par fon défaut, & touts ceux qui font avec
lui perdus ; vous en aurés de la deffaveur ; la
hardieffe & le courage de vos ennemis croîtra
tous les jours ; vous en avés vu & voyés les
expériences.
Or , fire, que veut dire c e c i, que pour juger
les procès , vous faites examiner touts ceux qui
prennent de vous office de judicature , & vous
ne pouvés rien perdre de quelque côté que le
jugement tourne; & là oîi il y va de votre v ie ,
& de celle de meffieursvos frères^ & de touts les
princes & grands capitaines qui feront en votre
camp , & par conféquent de votre état , facilement
vous baillés les charges à qui les vous demande
fans aucune confidération.
Doncques , fire , avant que donner aucune
charge dont & defquels dépendent tant de malheurs,
à l’appétit d’homme du monde ne la donnés
jamais que premièrement vous n’ayés mis la per-
fonne à* l’examen ».
Après avoir ainfi prouvé la néceffité des examens
, Montluc parle des avantages qu’ils doivent
produire. Nous nous difpenferons de le fuivre dans
ces détails , nous n’examinerons pas non plus av.ee
lui les objets fur lefquels les examens pourroient
porter : l’art de la guerre a éprouvé des changements
fi confidérables que ce qu’il nous diroit ne
nous feroit pas très utile. Voyons plutôt quelles,
font aujourd’hui les connoiffances néceffaires aux
capitaines : cet apperçu fixera nos idées relativement
aux examens. En effet, les officiers fubal-
ternes devant un jour obtenir le titre de capitaine ,
& étant fouvent dans le cas de remplir les fonctions
de ce grade, il eft bon qu’ils ayent acquis
d’avance toutes les connoiffances qui font indifpen-
fables à ceux qui commandent des compagnie^.
S E C T I O N I I .
Des connoiffances néceffaires aux capitaines.’
Après avoir vu dans la feéfion première combien
les connoiffances font néceffaires aux capilaines,
après avoir indiqué le moyen de les leur
procurer , examinons quelles doivent être ces
connoiffances.
Ordonnances militaires...........Tout militaire qui
ne connoît pas à fond les loix qu’il doit obferver à
ta lettre, & auxquelles il doit obéir fans ceffe , peut
commettre à chaque inftant des'fautes très préjudiciables
au bien du fervice : nous mettrons donc
les ordonnances militaires à la tête des connoiffances
neceffaires aux capitaines.
Art militaire. Si les ordonnances militaires
peuvent pendant la paix fuffire aux capitaines, il
n en efl: pas de même pendant la guerre. Les ordonnances
donnent bien quelques principes généraux,
mais elles n’enfeignent pas a en faire une application
heureufe. Elles difent qu’on doit dans telle ou telle
occafion conftruire une redoute ou un redan : mais'
elles n’apprerînent point à élever l’un ou l’autre de
ces ouvrages : le légiflateur ne peut'ni ne doit
entrer dans ces détails.' Il faut donc que le capitaine
ait appris avant que d’entrer en campagne,
quelles font les règles qui doivent le diriger dans fes |
operations. Nous difons que le capitaine doit être
inftruit, avant d’entrer en campagne, parce que
1 expérience feroit, ainfi que nous l’avons prouvé
en plufieurs endroits de cet ouvrage, une inftitu-
trice ou tardive ou défeétueufe. Il faut que le capitaine
fçache encore quels font les ouvrages qu’il
peut employer dans telle ou telle circonftance ;
quelle doit être leur forme & leur deftination ;
quelle efl la manière de les tracer ; quels font les
matériaux néceffaires pour les revêtir ; les outils
dont on a befoin pour les conftruire ; en un mot,
comment il doit s’y prendre pour fortifier une pofi-
tion quelconque. Le capitaine aura appris auffi
quels font les moyens d’augmenter la force d’un
pofte , en faifant ufage des eaux, des fougaffes, des
paliffades, des fraifes, des abattis, des chevaux de
frife, des puits j des vignes, des chauffe-trappes,
& c . &c. Il aura appris encore à mettre en état de
défenfe une ville ouverte, un bourg , un village ,
une maifon, une églife, un vieux château, un
cimetière, une ferme, un moulin , un chemin, un ;
défilé , une digue, un ravin, un paffâge de rivière, •
un gué, &c. 11 compromettroit fa vie , fa gloire, & :
fon honneur , s’il ignoroit la manière de garder & j
de défendre touts les objets que nous avons nommés
, & de les arracher des mains de l’ennemi par
force ou par firatagème. Il en feroit de même s’il
ne connoiffoit pas l’art de faire une reconnoiffance
militaire, & de dreffer un mémoire des objets qu’il
a obfervés. Il fçaura diriger ta marche 8t ta retraite
de fa «troupe, former des embufeades, découvrir
celle de fes adverfaires & les éviter, conduire ,
attaquer, & défendre un convoi , & lever des contributions.
Quelle foule de connoiffances ! & on
a cru cependant qu’un officier particulier étoit inf-
truit, quand il fçavoit manier avec adreffe un mouf-
quet qui lui eft inutile, ou défiler avec grâce fur un
terrein uni 9 au fon d’une mufique agréable.
Pour acquérir ces connoiffances, le capitaine
doit recourir à l’étude. Il prendra.quelques inftants
fur fon ennui journalier,pour les donner à fon inftruc-
tion. D ’abord le travail ne fera pour lui qu’un ennui
diverfifié ; mais bientôt il fe changera en plaifir.
Le capitaine lira avec foin les ouvrages du chevalier
Folard : il y trouvera des leçons utiles. Il verra avec
peine que ce qui lui eft néceffaire eft noyé dans
une vafte & profonde érudition; mais il diftinguera
bientôt avec facilité ce qui lui eft véritablement
utile d’avec ce que l’auteur a mis dans fes commentaires
, pour prouver qu’il étoit fçavant. ( Voye\[
Science militaire. ).
L’ouvrage que M. Gaudi a compofé en allemand,
&. qui a été traduit par des officiers au fer-
vice de France , fournira au capitaine de bons principes
fur la conftrùâion des poftes : il y trouvera
des avis lumineux fur la défenfe des ouvrages en
terre, & fur celle des ouvrages en maçonnerie.
La fcience des poftes de M. le Coin te fournira au
capitaine de bonnes idées fur l’attaque &. fur la
defenfe des petits poftes : il fera fâché que cet auteur
eftimable n’ait pas donné à fon ouvrage plus
d’ordre, de clarté, & d’étendue.
Quoique le livre intitulé, l'ingénieur de campagne
, ne tienne pas exactement tout ce qu’il
promet,&. que fori auteur, M. de Clairac, ait oublié
quelquefois qu’il avoit projetté d’écrire pour des
officiers particuliers, le capitaine rencontrera cependant
dans cet ouvrage des chofes excellentes fur
la défenfe des villages, des bourgs, Ôc des villes
fortifiées à l’antique.
Quelque fuperficiel que foit lè traité qui porte
le titre de Xécole de Vofficier, ouvrage que M. le
comte de Brühl a traduit de l’allemand, le capitaine
le parcourra ; il renferme en effet quelques leçons
utiles à l’officier particulier, principalement fur la
carte militaire &. fur les opérations de géométrie-
pratique , qu’un capitaine doit fçavoir exécuter.
Les maximes de Kevenhuller, traduites de l’allemand
par M. de Saint-Clair, donneront fouvent &
en peu de mots au capitaine des inftruétions crue
quelques autres écrivains ont délayées dans un
long chapitre. S’il entreprenoit de commenter celles
qui font relatives aux objets qui le concernent, fl
pourrait fixer fes idées fur plufieurs parties importantes
de fon métier.
M. Trincano, profeffeur de mathématiques à
l’école des chevaux - légers & des pages de la
chambre, a donné dans les numéros de fon ouvrage,
qui font compris entre le 159e & le 180e,
un bon effai fur la fortification des petits poftes, &
dans les numéros qui font compris entre le 2,2.9e 8c
le 2.33e, une taée générale de l’attaque & de la défenfe
de ces mêmes poftes.
Si l’ouvrage que M. le comte de Bacon a donné
depuis peu au public, fous le. titre de manuel du jeune
officier, rempliffoit les efpérances. qu’il fait concev
o ir , les capitaines devroient le feuilleter nuit 8c
jour ; mais çe militaire éclairé a fouvent oublié,