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La confidération perfonnelle dont les chirurgiens- |
majors jouilTent dans leurs corps eft dépendante .
du hafard Ôc iujette à des viciffitudes. Celui qui j
réuffit bien dans un corps n'auroit point eu dans
l ’autre le même fuccès ; cependant, en général, |
cette confidération a pour melure l'opinion qu’ils !
donnent de leurs connoiffances. La bonne conduite,
les qualités morales , 6c l’éducation y con- j
tribuent beaucoup ; de forte que . pour être avec j
agrément Hans un corps , il ne iuffit pas d’être-j
inftruit, Convenons cependant que les chirurgiens- j
majors troiiyent une grande reffource dans cet i
amour-propre qui attache touts les hommes à la j
fociété dont ils font partie. Les officiers de tout
corps regardent ordinairement leur chirurgien-
major commz le meilleur de ceux qui font dans
les trOupêS , ou du moins comme des meilleurs :
ils lui accordent en conféquence un mérite particulier
pour la médecine , ou la chirurgie , ou
pour telles ou telles parties de ces deux branches
de l’art de guérir. Mais il peut arriver que les
officiers , foit en totalité , foit en partie , prennent
de leurs chirurgiens-majors une opinion différente
de celle que nous venons d’expofer : dans ce cas
fâcheux, les mauvais propos 6c les défagréments
multipliés qu’ils peuvent avoir à éprouver journellement
, feroient capables de les contraindre à
fie démettre de leur emploi. On éviteroit ces inconvénients
par les moyens que nous avons indiqués
pouf s’affurer de leurs talents, qualités , 6c
moeurs , 6c pour leur donner dans les corps plus
de confiftance.
§ . V I.
Stabilité des chirurgiens-majors.
L’emploi de chirurgien-major femble avoir une
forte de fiabilité , depuis que la cour s’occupe de
les placer dans les régiments , qu’elle leur donne
des brevets , 6c qu’elle doit être prévenue de
leur renvoi. Quelque favorables que foient ces
précautions , nous penfons quelles-feront prefque
toujours infuffifantes fi le miniftère n’attache à
l ’emploi de chirurgien-major une confidération telle
qu’elle rende les officiers plus attentifs à leur égard ,
©c les bas-officiers 6c foldats plus honnêtes, plus
refpeâueux, 6c plus fournis ;
Si leurs devoirs ne font pas réglés d’une manière
qui. ne foit fujette à aucune interprétation : ( le
contraire caufe fouvent des innovations plus
©u moins préjudiciables à l’ordre 6c au bien du
fervice. Ajoutons que les obfervations qui ont
été faites à cet égard par les chirurgiens-majors leur
ont plus d’une fois caufé du aéfagrément ) ;
S’il ne leur eft accordé un traitement plus avantageux
que celui qu’ils ont , afin qu’ils puiffent fe
paffer de celui que les officiers leur fo n t ,5c dont
la plupart s’autorifent pour leur manquer , foit
en exigeant d’eux des chofes contraires au bien du
Service , ou affnjettiffantes, ou ayiliffantçs ? foit
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par des queftions indifcrettes, des propos in jurieuxï
des cabales, des reproches injuftes , dont fouvent
la. feule caufe a été des repréfentations convenables
, une réfiftance honnête, 6c une difcrétion
néceffaire , parce qu’elle eft un devoir. Plufieurs
chirurgiens-majors fie font vus forcés de quitter
leur emploi au moment de jouir de la récompenfe
accordée à l’ancienneté de leurs fervices , ôc meme
il y en a eu , ( nous femmes obligés de le dire a la
honte des coupables , parce que nous devons la vérité
, fur-tout dans un écrit public ) ; il y en a eu que de
mauvais traitements, ont contraint de fe retirer.
Il faudroit auffi leur donner pour uniques chefs
les commandants de leurs régiments , 6c les charger,
de prévenir ôc empêcher touts propos 6c cabales,
contraires à la tranquillité 6c à la réputation.de
leurs chirurgiens-majors, ainfi que de fevir contre
ceux des officiers qui leur manqueroient ; parce
que, n’ayant ni ne devant avoir, de démêles en-
femble , il doit régner de part 6c d’autre une réciprocité
d’égards , 6c rien de plus.
Il faudroit encore donner aux chirurgiens-majorsf
le droit de punir tout bas - officier 6c foldat qui.
leur manquerait, ou qui défobéiroit aux ordres
qu’ils lui donneroient concernant le fervice de
'ianté : il faudroit leur confier le choix de leurs
aides, le foin de les infpeéler, ôc de maintenir
parmi eux la difcipline, fous l’autorité du commandant
du régiment.
Il faudroit enfin oter aux corps le pouvoir de
deftituer leurs chirurgiens-majors, 6c que le miniftre
fe réfervât de faire juftice iur les accufations qui
leur feroient intentées.
Sans toutes ces conditions les chirurgiens-majors
feront toujours expofés à devenir le jouet du caprice
6c de la circonftance. La confidération dont
ils peuvent jouir, dépendant moins de leurs emplois
que de leurs talents 6c de leurs qualités ,, elle n’efl:
rien auprès de l’efpèce d’homme qui ne peut les
apprécier. Ils font donc en général peu refpe&és
du bas-officier ôc du foldat. Il eft arrivé plus d une
fois qu’ils en ont été vmal-traités , pour avoir voulu
les empêcher' de commettre des fautes graves *
6c avoir tenté de prévenir des combats particuliers.
De pareils défagréments n’auroient pas eu lieu ,
fi les chirurgiens - majors avoient plus d autorite,
6c fi les bas-officiers ôc foldats n’étoient prefque
affurés de l’impunité des fautes qu’ils commettent;
à leur égard.
S . - V I L
De la connoifjance des ufages s des qualités , de la
jubçrdination , & du pojle des chirurgiens-majors.
Les chirurgiens-majors, vivant avec les officiers
de leurs corps, Ôf. d’ailleurs étant portés ] par état
dans les fociétés les plus honnêtes , ne peuvent
manquer d’y acquérir la connoiffance des ufages
qui y font reçus. Mais , n’ayant ni rang, ni titre
pour y être admis, ils ne peuvent y paroître aveq.
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tme forte d’avantage qu’autant qu’ils réuniront à
leurs talents la plus grande honnêteté, ôc l’ufage
que donne la meilleure éducation. Palîons à leurs
qualités morales 6c phyfiques.
Les morales, en général, font la difcrétion ,
la fagefiè, l’humanité , la patience , le courage ,
le défintéreffement. Ils doivent les perfeélionner
en eux par un exercice continuel, comme les vrais
ôc uniques moyens d’acquérir 6c de conferver
l’eftime, 6c la confidération univerfelle. Si à ces
qualités ils réuniflbient l’avantage d’appartenir à
des familles honnêtes, ( ce qui arriveroit, fi l’état
de chirurgien-majorétoit confidéré comme il devroit
l’être ) ; ôc s’ils étoient pourvus d’une figure ôc
d’un maintien capables de plaire , ce feroient de
nouveaux moyens d’obtenir des officiers plus d’égards
6c de réciprocité , des bas-officiers 6c foldats,
plus de refpeél, 6c de remplir avec plus de futcès
les fondions multipliées, variées, importantes, Ôc
pénibles que leur état leur impofe , principalement
lorfqüe les régiments ne font point cafernés,
6c en temps de guerre. -
Les chirurgiens-majors ont ordinairement autant
de commandants qu’il y ad’officiérs dans leurs corps :
ils fondent fans doute cette efpèce de droit fur l’énorme
diftance qu’ils croient appercevoir entre eux
6c leur chirurgien - major. La portion dont ils
contribuent à l’augmentation de fon traitement,
peut auffi donner lieu à leurs prétentions. Si elles
étoient autorifées , elles deviendraient J a fource la
plus féconde d’inconvénients relatifs à l’ordre ,
au bien du fervice , 6c aux officiers de fanté.
Les commandants des places, 6c même les
commiffaires des guerres, croient aufli pouvoir
difpofer à leur gré des chirurgiens-majors ; fur-tout
les derniers qui veulent avoir fur eux la police.
Il feroit néceffaire que le miniftrë prononçât au
fujet de cette autorité, qui n’étant point limitée
devient defpotique ; il paroît jufte que les chirur-
giensAmajors ne foient affujettis qu’aux chefs des
corps, 6c ne foient fournis à leur autorité que dans
ce qui concerne le fervice de fanté.
Quant à la difcipline militaire , impérieufe ,
prompte, abfolue , elle eft incompatible avec
leurs fondions , qui demandent du temps , de la
patience , de la réflexion , de la temporifation.
. La cour, en prononçant auffi fur ce point, préviendrait
les abus d’autorité qui font très fouvent
commis envers eux.
Le .pofte quj doit leur être affignéeft relatif au
temps de paix ou de guerre , 6c dans celui de
paix à deux cirtonftances ; fçavoir la réfidence en
garnifon 6c la route.
Les régiments étant en garnifon 6c cafernés, il
convient que les chirurgiens-majors logent au quartier
, afin d’être plus à portée de remplir les devoirs
de leur emploi. Mais , fi les régiments étoient ;
difperfés chez les habitants , il feroit néceffaire que !
les chirurgiens-majors fuffent logés au centre de la.
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troupe ; 6c le plus près poffible du commandant
pour les raifons indiquées.
Lorque les régiments font en route , les chirurgiens
majors , ayant placé leurs aides , l ’un aux
équipages 6c l’autre à la fuite du régiment., doivent
fuivre immédiatement leurs corps, pour être plus
à portée de fe rendre où leur fecours feroit né-
ceflaire. Ils peuvent cependant aller de la queue
à la tête du régiment, 6c revenir à leur premier
pofte , ôc même paffer outre avec l’agrément du
commandant. Au lieu du logement, il eft néceffaire
de les placer comme lorfque les foldats font
difperfés dans les villes de garnifon, & pour leS
mêmes raifons.
Le pofte des chirurgiens-majors à la guerre doit
être déterminé fuivant les circonftances luivantes ;
fçavoir la rpute , le quartier, le camp , 6c 1«
combat.
Dans les deux première^ ils doivent être placé#
comme nous l’avons dit pour le temps de paix*
Dans la troifième, ils doivent occuper une portion
de l’emplacement affigné à l’état-major de leur#
régiments, ou des maifons très voifines, fi leur#
commandants le permettent.
Dans la quatrième ils doivent être derrière
leurs régiments, auffi près qu’ils eft poffible pour
que les fecours foient très prompts , mais en des
ravins , ou derrière des épaulements ôc des maifons
, à l’abri du feu 6c des incurfions de l’ennemi.
Ils n’y font point pour combattre ; mai#
l’état ôc le roi les y place pour des fondions non
moins importantes. 11 eft aè leur devoir d’éviter,
6c on doit éviter pour eux tout ce qui les empê-
cheroit de remplir ces fondions. Ainfi les généraux
ôc lès commandants ne doivent dan$ aucune
^occafion les expofer à compromettre leur v ie , qui
dans ce moment de crife devient effentielle aux
individus ÔC au public. Nous penfons auffi que
leurs chefs ne devraient les contraindre à quitter
les drapeaux pour quelques membres de leurs
corps, qu’autant que les circonftances font urgentes
, 6c qu’ils leur procureroient les moyens
néceffairès pour leur -déplacement,
§ . V I I I .
Des honneurs, droits , autorités. , prérogatives, 5*
uniforme des chirurgiens-majors.
Les brevets dont les chirurgiens-majors font pourvus
portent qu’ils jouiront des honneurs, droits ,
autorités , 6c prérogatives relatifs à leurs fonctions,
l’intention delà majefté eft fans doute qu’ils
jouiffent en effet de ces avantages ; mais , comme
ils n’ont pas encore été déterminés , nous croyons
devoir entrer dans quelque détail à cet égard.
L’ordonnance du a mai 17 8 1 , pag. 147 , porte
ce qui fuit. « Les chirurgiens-majors feront honorés
6c refpedés par les foldats, cavaliers, dragons , &
huffards, fous peine d’être punis exemplairement, »,