heaulme , & quand il vouloit fe rafraîchir fans
oter tout Ion harnois, ainfi que l’on voit en plusieurs
fépultures, le haubert ou brugne ceint d’une
ceinture en large courroie... . . . & pour la dernière
arme défenfive, un elme ou heaulme fait de
plulieurs pièces de fer élevées en pointe, & lequel
couvroit la tête, le vifage & le chinon du cou ,
avec la vifière & ventaille, qui ont pris le nom de
vue & de vent ; lefquels fe pouvoient lever &
baiffer pour prendre- vent ; & ce néanmoins fort
poifant, & fi mal aizé que quelquefois un coup de
lance bien affené au nazal, ventaille ou vifière-,
tournoit le devant derrière, comme il avint en
ladite bataille de Bovines à un chevalier fran-
çois .. . . . . Depuis quand les heaulmes ont mieux
repréfenté la tête d’un homme , ils furent nommés
bourguignotes , pofîible à caufe des Bourguignons
inventeurs ; par les Italiens, armets , fa-
lades ou cetates.. . . . . Leur cheval étoit volontiers
houffé, c’eft-à-dire, couvert & caparaçonné de
foie aux armes & blafon du chevalier , & pour la
guerre, de cuir bouilli ou de bandes de fer ».
C e que cet auteur dit ici du haubert, èft fort
conforme aux figures des chevaliers que l’on voit
repréfentées fur leurs tomheaux, excepté que le
haubert n’eft pas fi long qu’il le d it, c’eft-à-dire
qu’il ne defcend pas jufqu’au deflous des genoux.
On donne ici la figure de Pierre de Dreux, premier
du nom, duc comte de Bretagne, & furnommé
Mauclerc, enterré à Saint Yvedel de Braine. Il
eft vêtu de fon hauber ; mais on ne peut en voir
la longueur, à caüfe de la cotte d'armes qui le
couvre. On voit fes manches & fes chauffes de
mailles, & fon chaperon de mailles qui lui tombe
en arriéré fur les épaules. Ces pièces étoient j
comme le complément de l’habit du chevalier. j
A , Hauber.
B. Chaperon du hauber.
G. Chauffes de mailles.
On comprend aifément, par ces deux defcrip-
tions, en quoi confiftoit l’armure des chevaliers.
Le hauber étoit propre aux chevaliers, comme l’a
remarqué du Cange dans fes obfervations fur l’hif-
toire de Saint Louis par Joinville. La cavalerie
légère, dont il eft parlé fouvent dans nos hiftoires,
r/avoit que la cuiraffe & le pot de fer, ou un cafque
moins pefant ; c’eft pour cela qu’on l’appellok
cavalerie légère.
Le gobeffon ou gambefon dont on vient de
p arler, étoit une efpèce de pourpoint fort long,
fait de taffetas ou de cuir , & bourré de laine,
d’étoupes ou de c rin , pour rompre l’effort de la
lance, q u i, bien qu’elle ne pénétrât pas la cuiraffe,
.auroit meurtri le corps en enfonçant les mailles de
fer dont la cuiraffe étoit compefée. Dans un compte
des baillis de France , de l ’an 1268 , il eft dit :
Tant pour les tafétas & la bourre pour 'faire des
gambefons.
Qn voit combien nos chevaliers étoient chargés
quand ils avoient toutes leurs armes ; ils pôrtoient
p ar-deffus leur habit le gambefon , qui de voit être
fort chaud, étant garni de laine ou de bourre.
Par-deffus étoit la cotte de mailles de fer double ,
& par conféquent d’un grand poids. Les princes
& certains grands feigneurs avoient par-deffus
encore la cotte d’armes, qui tenoit lieu du galu-
damentum des anciens généraux romains ; elle avoit
la figure d’-une dalmatique fans manches , & def-
cendoit jufqu’aux genoux. Elle étoit chargée des
écùffons , ou des pièces des armoiries du chevalier,
& fouvent de drap d’or ou d’argent, de fqurrures
ou de pannes très précieufes. Fauchet a oublié ,
dans fa defcription , une efpèce d'arme défenfive,
qui étoit fous le gambefon ; c’étoit un plaftron
de fer ou d’acier battu. C ’eft ce que nous apprend
Guillaume le Breton, en racontant l’efcarmouche
d’auprès de Mante, où le chevalier Guillaume de
Barres fit le coup de lance avec Richard , alors
comte de Poitiers, & depuis roi d’Angleterre.
Il dit qu’ils allèrent avec tant de roideur l ’un
contre l’autre, que leurs lances percèrent bouclier,
cuiraffe, & gambefon : mais que ce qui les empêcha
de s’entrepercer fut une plaque de fer battu qu’ils
avoient fous leurs . autres armes.
11 peut y avoir un peu d’exagération poétique
dans cette narration. Mais on y voit ce plaftron
dont je parle ; & c’eft ce que le même auteur a
encore marqué ailleurs. L’armure de tête étoit le
heaume , dont les chevaliers fe fervoient à la
guerre &dans les tournois? On appelloit aufli armet
le chapèau de fer qu’ils faifoient porter avec eux
dans les batailles , &. qu’ils fe mettoient fur la tête ,
lorfque s’étantretirés de la mêlée pour fe repofer
&. reprendre haleine , ils quittoient leur heaume.
Guillaume le Breton parle de ce chapeau de fer
dans l’efcarmouche de Mante, où Dreux de Melle
n’ayant que cette armure , fut attaqué par le fei-
gneur de Préaux , vaffal du roi d’Angleterre ,^qui
d’un coup de fabre lui abattit fon chapeau de fer &
le bleffa au front. Mais enfuite s’étant fait panfer
de fa bleffure ,* il revint au combat avec fon
heaume.
Il eft fouvent parlé dans Froiffard de ces chapeaux
de fer. C ’étoit un cafque léger , fans vifière
& fans gorgerin, comme ce qu’on a depuis
appellé bacinet. Ces cafques légers étoient alors
l’armure de tête de la cavalerie légère & des piétons ;
ou bien c’étoit une efpèce de bonnet de mailles,
tel qu’on en voit un au garde-meuble du Roi :
alors on donnoit le nom de chapeau ou de cha-
pellet à ces couvertures de tête.
Les chevaliers, comme fi.leur heaume n’eût pas
été affez pefant, y ajoutoient quelquefois un cimier
au-deffus , c’eft-à-dire quelque figure fem-
blable à celles que l’on voit dans les armoiries
au haut des cafques. C ’eft de-là en effet que le
cimier dans les armoiries a pris fon origine : on
l’appelloit ainfi , parce qu’il étoit à la cime , c’eft-
à-dire au-deffus du cafque.
Guillaume
Guillaume le Breton dit qu’à la bataille de
Bovines, le comte de Boulogne qui étoit fort
grand, voulut encore le paroître plus qu’il n’ctoit,
en ajoutant à fon heaume des cornes de côtes de
baleine.
Ces cimiers furent en ufiage de tout temps &
dans les fiècles les plus reculés.
Les rois mettoient une couronne fur leur cafque
en cimier. Nous en avons un exemple dans les
relations de la bataille d’Azincourt fous Charles
VI. On y raconte que Jean , premier duc d’A lençon,
voyant la bataille perdue , fe mit à la
tête d’une troupe de gendarmes, fe fit jour au
travers des Anglois, pénétra jufqu’au lieu où étoit
Henri, roi d’Angleterre, abattit le duc d’Yorck
aux pieds de ce prince, & lui déchargea à lui-même
un fi grand coup de fabre fur la tête , qu’il lui fit
fauter une partie de la couronne qu’il avoit fur le
haut de fon heaume. Dans un ancien portrait du connétable
de Cliffon , on voit aufii fon cafque orné
d’une couronne fleur-de-liiée, mais non en cimier.
Le cafque eft furmonté de ce qu’on Appelle un
vol en ftile d’armoiries.
Fig, 34. Cimier de Cliffon.
35. Cimier du comte de Dammartin à Bovines.
36. Cimier royal.
37. Bonnet de mailles fous le cafque.
Le heaume , comme l’a remarqué le préfîdent
Fauchet, avoit une vifière, faite de petites grilles.
Elle fe baiffoit durant le combat, & fe relevoit,
en rentrant fous le front du cafque. Cette armure
étoit pefante , & devoit être forte , pour être à
l’épreuve de la hache à'armes & de la maffue. Ce
cafque étoit affez profond , & s’étréciffoit en s’ar-
rondiflant par en-haut , ayant prefque la figure
d’un cône. 11 avoit une mentonière dans laquelle
entroit la vifière quand elle étoit baillée , &. au-
deffous un hauffe g c o l, ou collet de fer qui def-
cendoit jufqu’au défaut des épaules. Il étoit fé-~
paré du cafque , & s!y. joignoit par le moyen d’un
collier de métal, comme oh le voit dans le heaume
du connétable de Cliffon. Ce fut par ce collier,
qu’à--la bataille de Bovines un foldat allemand
tira &. renverfa: Philippe-Augufte de fon cheval,
en engageant le crampon de fon javelot entre le
collier & le cafque.
Le bouclier différa & varia en France , tant
pour la forme que pour la grandeur ; il y en eut
de ronds ou ovales , qu’on appelloit pour cette
raifen rondelles. Il y en eut d’autres prefque quarrés,
mais qui vers le bas s’arrondiffoient ou s’allongeoient
en pointe : on en voit de cette forte dans les fceaux
de nos rois , 8ç de divers princes , & dans les anciennes
tapifferies. Ceux des piétons étoient beaucoup
plus longs que ceux de la cavalerie , & quelques
uns couvraient prefque tout le corps.
Ces boucliers s’appcUoient targes ; nom qui fe
donnoit encore à d’autres boucliers , dont on ne
fe fer voit pas pour combattre, mais pour fe couvrir
Art militaire. Tome I,
par exemple , fur le bord du foffé d*une ville ,
contre les flèches des afliégés. Ceux qui les por-
t ient n’avoient point alors d’autre fonftion que
d les foutenir ÔL de couvrir les archers qui étoient
drrière , & tiroient leurs flèches contre les ennemis.
On appelloit auffi ces boucliers iallevas.
Fig, 38. Rondelle toute ronde ou Rondache.
39. Rondelle ovale.
40. Targe, bouclier de piéton.
41. Autre targe.
42. Bouclier de Cavalier.
Les boucliers dont on fe fervoit dans le combat»
&. dans les tournois , étoient de bois , couverts de
cuir bouilli, ou d’autres matières dures & capables-
de réfifter à la lance. Les chevaliers y mettoient
leurs armoiries fur les bords, ou fur le centre &
à l’extérieur du bouclier. C ’eft ce que nous apprend
Guillaume le Breton , en parlant de Richard
d’Angléterre & du feigneur d’Arondel qui étoit
dans l’armée de ce prince auprès de Mante.
On ne voit point dans nos hiftoires que les-
François fe foient jamais fervi de boucliers de
cuivre ni de certains boucliers quadrangulaires &
extrêmement concaves , à-peu-près comme les
couvercles de certains coffres quoique Cluvier
en attribue de cette forte aux peuples de Germanie
, d’où les Francs étoient originaires. Touts
ceux que l’on voit fur les anciens tombeaux, &
fur quelques autres monuments, peuvent fe réduire
, pour la figure , à ceux dont nous avons
parlé.
L ’invention des armes à feu ne fit point abandonner
fubitement l’ufage des boucliers , quoiqu’il
n’y en eût point qui fût à l ’épreuve , non-feule
ment du canon , mais encore des arquebufes &
du moufquet ; il y en eut encore longtemps après,
parce que ces armes furent d ’abord très imparfaites :
on en voit à Saint-Denis, - dans les bas-reliefs des
tombeaux de Louis XII & de François Ier., où-les
batailles de ces rois font repréfentées. Le maréchal
i: de. Montluc d it , qu’à la camifade de la- bàffe-ville
de Boulogne en Picardie , il avoit une rondelle.
» Cinq,ou fix Anglois, dit-il, vinrent à moi. . . .
ils me tirèrent quelques coups de flèches , & m’en
donnèrent trois dans la rondelle , & une au travers
dé la manche de mailles que j’avois au bras droit ;
lefquelles, pour mon butin, je portai au logis. »
On trouve dans Strada , que plufieurs années
après , les Efpagnols avoient des boucliers dans
j un combat contre les gueux de Flandre: & , au
| fiége de Rouen , l’an 1062 , le capitaine Monnins
fit une fortie du fort de Sainte Catherine , ayant
une rondelle de-velours verd. On fe fervit encore
de ces rondelles ou rondaches au fiége de Saint-
Jean d’Angéli, l’an 1621. Louis XIII dit à cette
occâfion au marquis dé Rofni , grand-maître de
l’artillerie, qu’il vouloit rétablir l’ufage de cette
arme défenfive, qu’il trouvoit très utile dans les attaques
& dans les affauts , &. qu’il fallait que chaque