
5 6 A I L
village dont la pofition foit avantageufè, dont
l’enceinte foit bien retranchée, défendue par du
canon qui puiffe faire taire celui de l'ennemi ; ou
en les couvrant, fauté de meilleures défenfes, par
des abattis, des charriots , des retranchements, ou
des troupes.
Je dis faute de meilleures défenfes, parce que
le grand nombre d’artillerie qu’on a ajourd’hui a
bientôt rafé des abattis & des parapets de terré,
s’ils ne font pas fitués fur des hauteurs d’accès
difficile 8c bien défendues. J’obferverai de plus que
ce qui eft un appui fuffifant pour Y aile d’un corps
nombreux ne l’eft pas pour celle d’une grande
armée telle que les nôtres : la foiblelTe des ailes
augmente en proportion de leur éloignement. Un
bois bien fourré, bien garni de troupes fera un
bon appui pour un corps de fept ou huit mille
hommes, & un appui très foible pour une armée
de quatre-vingt mille.
On place ordinairement la cavalerie aux ailes ;
parce que , plus rapide en fes mouvements, elle
convient mieux, loit à i’attaque, foit à la dé-
fenfe j dans cette partie. Mais, li l’armée' eft dans
un pdfte que le général veut garder , & fi une de
fes ailes eft fuffilamment garantie; il tranfporte à
l’autre toute fa cavalerie ; ou l’emploie en quelque
lieu ou il la juge plus utile ; & cette difpofition
n’empêche pas qu’il ne refte encore deux ailes à
l’armée, malgré le fentiment du maréchal de Puy-
fégur à cet égard. Voici ce qu’il dit dans fon
Art de la Guerre*
«Céfar, dans fes Commentaires^ ne fe fert point du
mot ala ou alce. Il dit : Cornu dextrum, cornu finif-
trum. Le ternit aile-droite , aile gauche, ne convient
encore aujourd’hui qu’à un corps de cavalerie; 8c
même Vég èce, dans le premier chapitre dé fon
fécond livre de Y Art Militaire, nous dit que la
cavalerie s’appelle les ailes 3 parce qu’elles couvrent
le corps de bataille de droite 8c.de gauche......
( étrange préjugé, que celui de vouloir que nous
parlions en françois la langue de Végècç. ) Le maréchal
continue.
Quand Céfar décrit fon ordre de bataille, il
dit : Je mis la dixième légion cornu dextro -, la
quinzième coraw Jînifiro 3 & continue toujours de
même parlant de fon infanterie ; quand il s’agit de
fà cavalerie, il dit equitatus.... Quand Dablancourt
dit que Céfar marcha fur deux lignes, pour attaquer
la légion de Pompée qui s’étoit renfermée
dans un fort, & qu’avec Y aile gauche qu’il com-
mandoit, il força le premier retranchement ; je
vois bien que c’eft de l’infanterie qui a forcé ce
retranchement, & non pas une aile de cavalerie ;
auffi Céfar dit-il : Tamen Jinifiro cornu ubi erat ipfe 3
çeleriter aggrejjus dextrum Ccefaris cornu, ignorantia
loci, &c.... Eodemqùe tempore equitatus ejus nofiris
equitibus appropinquabqt.
Céfar s’explique par-tout de même. Aujourd’hui
Je terme d’ailes ne fe donne qu’à des corps de
cavalerie, foit qu’ils campent, comme ils le font
A I L
ordinairement , l’un à la droite & l’autre à la
gauche de la ligne, foit qu’on les place ailleurs
pour quelque raifon ; auquel cas ils confervent
toujours le nom d'ailes ; mais , lorfque la première
ligne eft toute d’infanterie, on dit droite & gauche
d’infanterie , & non pas aile ». '
Il fe peut, comme l’ont dit Végèce & Aulugelle,
que le nom d'aile ait été donné d’abord à la cavalerie
feulement 3 parce qu’elle eft placée aux côtés
de l’armée, comme les ailes à ceux d’un oifeau.
Je ne difputerai point d’étymologie. Il fe peut que
l’idée de la promptitude de fes mouvements foit entrée
dans cette dénomination. Il paroît auffi que
les Romains donnoient le plus fouvent le nom ala
à la feule cavalerie. Cependant, ce n’étoit point
d’une manière exclufive. Comme ils difoient alarii
équités 3 ils difoient auffi , cohortes alarice, cohortes
alares (Liv. liv. io , c. 40 3 41.) Céfar dit qu’il fit
mettre en bataille touts fes alariens ( omnes alarios)
devant fon nouveau camp, en préfence d’Ario-
v ifte , pour l’apparence feulement, parce qu’il
n’avoit pas un nombre de foldats légionnaires proportionné
à celui des ennemis. Ces alarii étoient
donc en bataille comme infanterie. ( Ccef. liv. 1 ,
c. f i 3 pag. 80. Oudendorp. 1737. 4°.)Polybe nous
explique c e c i, & n’y laiffe aucun doute. « L e
nombre des alliés , dit-il, eft pour le plus fouvent,
quant à l’infanterie , égal aux légions romaines, &
quant à la cavalerie , le double. On tire de ce
corps le tiers des cavaliers qu’on nomme extraordinaires
ou choifis3 & le cinquième de l’infanterie.
Le refte, (tant cavalerie qu-’infanterie ) , eft
divifé en deux parties, qu’on nomme aile droite
Sc aile gauche. (Polyb. liv. P7 , c, 24. Errteft. 8°.
1763 , tom. 2 , pag. 37.') Voilà pourquoi les auteurs
latins diftinguent foigneufement . les cohortes
alaires, les cavaliers alaires , ou Y aile de cavalerie
( equitum ala') , &; les cavaliers romains ou
légionnaires. ( Liv. liv. 3 5, c. $. Veg. liv. 2^c. 1. )
Voici quelque chofe de plus. T ite -L iv e d it,
qu’à la bataille de Cannes, la cavalerie romaine
fut placée à Y aile droite ,in dextro cornu ( Ub. 32 3
c. 45. ) Dans l’ordre de bataille d’Afdrubal contre
Cneîus Scipion, la cavalerie numide , dit le même
auteur, ne fut pas toute placée in dextro cornu,
( liv. 33, c. 19 ). Il eft donc évident que les Ro-,
main$ donnoient le nom d'ala, & de cornu à des
troupes d’infanterie 8c de cavalerie , avec cette
différence qu’ils n’appliquoient celui 8 ala qu’aux
troupes de leurs alliés , tant infanterie que cavalerie
; & q u e , lorfqu’ils parloient d’une armée
romaine, le mot cornu fignifioit le plus fouvent
la gauche & la -droite de l’infanterie, mais non pas
toujours.
J’ai cru devoir éclaircir ceci, afin que les militaires
ne fuffent pas induits en erreur par l’opinion
d’un écrivain refpeélable, & ne confondit-
fent pas des chofes très bien diftinguées dans les
auteurs latins. Comme ce font les mots qui nous
;repréfentent les chofes;pour entendre clairement
celles-ci z
A L A
celles-ci,. il eft .néceffaire d’attacher à ceux-là un
fens précis.
Quant à nous , le mot aile, s’applique à la
cavalerie comme à. l’infanterie. Je ne fçais pas
fi nous ferions mieux d’y mettre la diftin&ion
q u y faifoient les Romains.; rn^is, il eft certain
que nous n’avons point la.raifon qu’ils en avaient ;
& je m’en rapporte à- l’ufage qui eft- la règle des
langues. Si une de nos armées étoit toute infanterie
, elle n’en aurbit pas moins fes ailes. Lorfque
nous difons que Y,aile droite d’une armée plia
ou fut viâorieufe , nous ne parlons pas feulement
de la cavalerie , mais d’une partiè de l'infanterie.
Un corps de cavalerie ifolé a de même
fon centre & fes ailes. Lorfque nous difons , la
droite ou la gauche d’une troupe , c’eft une ex-
preffion abregee , pour dire Y aile droite- ou gauche.
Il me paroît vraifemblable qu’Aulugelle & Vé-
gecè ont bien rencontré l’étymologie du mot
ala ; mais il eft certain que l’idée de légèreté
ne s y joint pas dans notre langue, & ces deux
auteurs ne le ..dilent point auffi pour, la • leur ;
c’eft affurément fans penfer à la ftmilitude très
eJoigne<2 de la légèreté des. ailes d’un oifeau q,ue
nous difons, aile d’un batiment, d’une cheminée,
a un ouvragp à corne.
v A ile , côté ou branche d’un ouvrage à corne,
a couronne , ou à tenaille.
■ ■ g « > foible par elle-même, tire fa
aefenle du corps de la place & des ouvrages exté-
rieurs On l’aligne ou fur la face du b9ftion,.oü
iur celle de la demi-luné.
La défeçfe de l'aile eft d’autant ptus.ïàcile qu'elle
a moins de longueur. Cependant il ne faudrait pas
U diminuer tellement qu’il reliât trop peu dref-
pace pour les. troupes dans l’intérieur de l’ouvrage.
Un doBne ordinairement depuis cent dix.iufqu’à
cent quarante toifes. Si le terrein oblige à les
S 11® P11»5, longues,, quelques ,auteu'r.s con'feillent
? 7 v?lre r"", K l °-u cpaulement. Cettereffource
elt bien foible; le redan,étant lui-même fans dé-'
renie , expofe au feu: de l’ennemi., eft bientôt
urne, 1 vaut mieux défendre l'aile trop alongée
par quelque^-ouvrage extérieur , comme contre-
g A T a u Ï 5 i ° u t e ’ f m v a n t l a nature du terrein.
1-a ' j . K j E ’ mouvement de l’ame caufé. par
t mee dun danger imminent, dont il paroît poffible
de le garantir. Ce mouvement imprime à une
troupe la fait courir aux armes,: . '
j j v l qu’ :1 Y i de plus à craindre dans une alarme,
ce il la confufion. Celle-ci mène ordinalrement à
1 épouvanté, qui produit une fuite foudaine. La con-
tulion s évité en înftruifant les chefs & les troupes
W M B dosent faire en cas d’alarme, d e la
polition quils auront à prendre , des ordres, qu’ils
auront les uns.a donner , les autres à exécuter.
51 l alarme, eft donnée dé" jour , il eft plus facile
d y maintemr. l’ordre, & de voir les difpof.tions
fubftquentes qu’il fera utile de faire. Lorfqù’elle
en donnée par un corps de troupes fur lequel ïl
&rt militaire* Tome 1» :
A L A j j
paroît qu’on peut entreprendre, il feroit imprudent
de s’abandonner fur lui : on doit feulement le faire
ôbferver, à moins qu’il ne s’engage avec une témérité
qui pareille évidemment pouvoir être punie.
Si l’ennemi eft allez en force pour attaquer,
faites les difpofitiqns que vous devez avoir prévues
pour la défenfe. Durant la nuit Y alarme eft
pli^ dangereufe' , les troupes plus difficiles à contenir
&. à conduire, la crainie plus contagieufe.
Comme on ne voit nulle p a r t , il y a lieu de
craindre par-tout. Redoublez alors votre vigilance
ordinaire. Faites garder un profond filejice , afin
q-eî1-^1?^re ^ diftffiguer plus sûrement les bruits
T 0?.§” e;s‘ Faites faire par des hommes sûrs autant
de patrouilles qu’il.fera poffible , relativement au
n?.mj)re vos troupes ; combinez les différents
avis que vous recevrez, & fur-tout gardez-vous
de la précipitation. N’agiffez qu’après avoir pénétré
ce qu il y a de plus probable, pour ne pas
etre attiré dans le piège par une fauffe alarme , 8c
vS“ siexP°fer a Porter yos. principales forces d’un
cp.té, tandis que l ’ennemi n’attend que. çe mouvement
pour fondre fur vous de, l’autre.
Un ennemi aéiif tentera de vous fatiguer par
de,fa.uffes alarmes. Mais, lî vos.diljpofitions ont
ete faites avec prudence & fuivant les régies dç
la r t , vous navez pas fujei: de craindre , & voué
devez laiffer repofer vos troupes fur la foi de
votre prévoyance. Cependant, prenez alors les
précautions neceffaires , & veillez vous- même*
Qn périt chercher a vous induire en. fécurité par
• #àlqrmes> inutiles’, afin de vous, attaquer
avec avantage. ■ - ' ’ ........... ^
Si votre adverfairè eft inquiet, tentez vous-
même de le troubler , de le harceler par de fauffes
alarmes, de le tromper , en faifant attaquer dç
puit fes poftes , pour l’exciter à faire prendre
les , armes à toutes fes troupes. ,Çi , après avoir
obfédé long-temps; un général dé ' cé caraâère ‘
yous le voyez tranquille., & accoutumé, ainfi que
9 a votre faux bruit , comptez que la
fecürjte fera plus grande en lui qu’en tout autre.
Alors donnez une alarme qu’il croira fauffe comme
les précédentes , & profitez de fon’ erreur, pour
l’attaquer avec de grandes forces. Vous pouvez
efpérer; auffi de le tromper plus facilement quë
tout autre , lors même qu’étant dupe des [alarmes
réitérées que voiis lui donnez » il, met toutes fes
troupes fQUS les armes. :Tentez ’de fattirer d’un
côté par de 'grands' Bruits fimulés ’ de ■ chariots ,: de
trains d’artillerie, .de cavalerie, <îè marche d’ar-
mee ; tandis que faifant avancer d’une autre part 8c
en grand filence une troupe nombreufe & choifie ,
vous tomberez fur le coté qu’il aura dégarni, ÔC
Jui enlèverez un pofte important , une divifion,
pu vous attaquerez ave'c. avantage la partie la
plus foible de fes troupes.
Il y a des efprits inquiets, timides, irréfolus:
fémblables au lièvre de la fable.
Unfaufflt, une mire, un rien, ttia leur donne la ferre.