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Chemin couvert qui eft en avant de celui du corps
principal de fortification. ( V. F o r t if ic a t io n .).
A V AN T -FO S SÉ . ( Fortifie.). Foffé fait au pied
du gla,cis d’une place, ou en avant d’un retranchement.
( Voye^ Fo r t if ic a t io n . ).
A V A N T - GARDE. Détachement qui marche
en avant d’une troupe en marche.
L’objet & la fonction de X avant- garde font de
garantir des furprifes la troupe qui eft en marche.
E t, comme a la guerre on doit toujours craindre
la furprife ; toutes les troupes quelconques , depuis
celle ^de douze hommes, jufqu’au corps d’armée,
doit être précédée par ce détachement. Uavant-
garde du corps d’armée, ou d’une divifion confi-
d érable , détachée de l’armée , doit elle - même
avoir fon avant-garde.
L’avant - garde du corps d’armée , ou d’un gros
corps détaché , fera compofée d’infanterie , cavalerie
, St troupes légères , en quàntité relative à la
nature du terrein qu’elle doit travetfer , vifiter,
fouiller, 8c dans lequel elle peutavoir à combattre.
S i , l’ennemi étant à proximité , il eft vraifem-
blable qu’elle fera attaquée, on la çompofera de
troupes d’élite,, dont le commandement fera con-
né a un chef habile, prudent,courageux, & on y
joindra de l’artillerie.
Le chef de Xavant-garde détachera de petits partis
de .cavalerie dans les plaines, d’infanterie dans
les montagnes, pour vifiter en avant 8t fur les
flancs de fa marche , * les hamqaux , villages,
Lois, ravins, digues , enfoncements de plaine ,
lieux coupés de haies , bords de rivières &
ruiffeaux couverts, & autres endroits propres à
cacher des troupes. Il fera mettre tout le foin
poftible à cette reconnoiffanée ; fe rappellant que j
.les lieux les moins fufpeéts ont quelquefois été
ceux ou l’ennemi s’eft le plus fûrement embuf-
qué , .parce qu’on s’en défioit.le moins , & qu’il
eft arrivé que des digues & quelques haies ont
couvert toute une armée.
Sa marche doit être lente & circonfpeâe. Il
s’arrêtera de dift an ce en diftance, pour donner à
fes partis le temps de faire avec foin la recon-
noiffance dont ils font chargés. Il interrogera- les
payfans qui viennent du côté de l’ennemi , afin
d’en tirer quelques lumières. S’il découvre .des
partis ennemis , il tâchera , dans la même v u e ,
de faire des prifonniers ; & , lorfqu’il apprendra
quelque circonftance importante , il en fera donner
avis aufli-tôt à fon général, par des cavaliers bien
montés, ou par un ftgnal convenu, qui peut être
un certain nombre de coups, de canon.
Il obfervera de ne pas trop s’écarter du gros de
/armée , afin d’en recevoir des fecours à temps,
s’il eft attaqué.par des forcesSupérieures.
Lorfque Charles V I I I , féduit par'les flatteries
de fes courtifans , marchoit à Fornoue avec peu de
forces, contre celles de I’Efpagne & de l’Italie,
liguées contre lui ; fa négligence 8t celle de fes
généraux étoient fi grandes , qiîe fon avant-garde?
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peu nombreufe, étoit fort en avant de l’armée, &
qu’elle paffa deux jours entiers feule en préfence
de 1’ armée des confédérés , forte de quarante mille
hommes. Il leur étoit facile de la défaire : mais ,
foit ignorance de leur part1, foit qu’ils craigniffent
quelque piège, 8c ne cruffe.nt pas les généraux
françois capables d’une auffi grande faute , elle ne
fut pas attaquée. Le comte de Saint - Pol fut moins
heureux à Landriano. Les pluies avoient tellement
augmenté la rivière, que l’artillerie & les bagages
ne purent la traverser, 8c que l’armée fut obligée
de s’y arrêter tout un jour. Antoine de Lève étoit
informé par fes efpions des moindres circonftances,
& fçavôit en tirer avantage. Il fortit de Milan avec
toutes fes troupes , mafeha toute la nuit, 8t attaqua
l’armée françoife avant le jour. Saint-Pol avait
pris les mefures néceffaires pour être informé des
mouvements de l’ennemi ; mais ceux qu’il avoit
chargé de les obferver firent mal leur devoir.
La rivière ayant beaucoup baiffé pendant la
nuit, on fit paffer l’artillerie 8c les bagages. Mal-
heureufement une pièce de gros canon , qui s’embourba,
rétarda l’opération. Tandis qu’on fe prépa-
roit à la relever, les Efpagnols chargèrent l’arrière-
garde dé l’armée françoife. ils furent d’abord re-
pouflés par la gendarmerie , Scies lanfquenets les
chafsèrent jufqu’au-delà d’un ruiffeau qui féparoit
les deux armées. Mais le feu de la moufqueterie
efpagnole les en éloigna bientôt. Les troupes italiennes
qui étoient dans l’armée françoife prirent
la fuite. Le général ennemi faifit ce moment de
défordre , pour porter fa cavalerie au-delà du ruiffeau.
Elle eut bientôt fait plier la nôtre , qui étoit
en fort petit nombre. Les lanfquenets inveftis
mirent bas les armes ; le comte de Saint-Pol & fon
frère furent faits prifonniers , les bagages pris , ainfi
que l’artillerie. Et , pendant cette expédition,
Xavant-garde , qui avoit eu- ordre de prendre les
devants , fe .rendit à Pavie , fans avoir la plus légère
connoiffance de ce qui fe paffoit à Landriano.
La conduite du général françois fu t, en cette
occafion, un tiffu dè négligences & de fautes. Quoiqu’il
eût pris des précautions contre Taâivité
d’Antoine de Lè ve, il ne devoit pas y compter
tellement ? qu’il ne prît encore celles qui pou-
voient l’empêcher d’être furpris au paffage de la
rivière , 8cii nauroit pas dû faire partir fon avant-
garde avant que/on artillerie, fes bagages , Sc fon
arrière-garde euffent paffé la rivière.
Quand une troupe ennemie fe préfente & fe
retire précipitamment, il faut fe garder de la pour-
fuivre. Ici, comme en tonte autre circonftance ,
un chef doit faire exactement ce dont il eft chargé:
il fe trouve peu d’occafions oh il puiffe & doive
aller au-delà. S i, oubliant les fondions 8c l’objet
d’une avant - garde, il l'emploie à pourfuivre un
corps ennemi , il peut tomber dans une embuf-
cade, être enveloppé 8c défait, avant que l’ârmée
puiflè le fecourir , ou être détourné de la route
qu’il doit fuivre, 8c livrer le paffage à un autre
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corps qui viendra attaquer l’armée, inopinément,
âi ayec avantage.
Si l’ennemi le préfente à lui en force, il fera
halte , choifira un pofte , y difpofera fes troupes,
8c informera le général de ce qui fe paffe. S’il
apperçoit que c’eft une partie deTarmée ennemie,
que le relie fuit, & qu’une affaire générale eft inévitable,'
il foutiendra l’attaque aqfli long-temps qu’il
le pourra, pour donner au général le temps de
faire fes difpofitions. Si ce n’eft,au contraire,qu’une
forte arrière-garde qui veut l’arrêter "à deflêin de
ïaifïer gagner de l’avance, par le refte des fiens
■ qui font retraite ; il doit la, charger avec touts
les avantages' qu’il pourra prendre , foit avant
•qu’elle fe loir formée, foit dans un terrein affez
ferré pour qu’il combatte à front égal , 8t fans
crainte pour fes ailes. E t, lorfque l’objet eft important,
lorfqu’un avantage fur ce corps, 8t fur
l’armée qui fe retire, peut en produire de très
.grands , il faut alors employer l’audace, 8c même
la témérité ; mais cependant la feconder par tout
ce que l’art peut fournir de reffources , pour
en impofer à l’ennemi. Celui qui fe retire a toujours
moins d’affurance : on tentera de la diminuer
encore par une apparence de forces fupé-
rieures , par celles d’un prompt fecours, par des
démonftrations qui faffent craindre à ]a troupe
qu’on açtaque, d’être enveloppée. Si on la contraint
à fuir, il faut la' pourfuivre avec la plus
grande vivacité , l’empêcher de fe rallier ; &
tâcher de joindre le .gros de l’armée-ennemie,
de l’attaquer, de l’arrêter, & de donner le temps
d’arriver à l’armée qui la pourfuit.
Quand Xavant-garde , au contraire , eft con-'
trainte de plier ; ii elle n’eft attaquée que par
un fort détachement, elle fera fa retraite vers le
gros de fon armée. Mais, fi l’ennemi vient avec
toutes fes forces pour engager une aélion , elle
peut, en fe retirant par une route * différente de
•celle quelle a tenue , 6c que fon armée fuit ,
lui donner plus de temps pour . fe former, en
attirant loin d’elle une partie des troupes ennemies
Outre X avant-garde de toute l’armée , chaque
colonne de troupe doit avoir fon avant-garde particulière;
& les chftanoes de ces avant -gardes, tant :
.à leurs colonnes refpeélives , qu a Xavant-garde '
•générale, doivent être réglées de forte qu’elles puif-
fent toutes recevoir & donner du fecours,8t que :
toutes les parties du corps entier fe foutiennent 8c
fe protègent.
A V E N T U R I E R S . Troupes foudoyées fous
Louis V I I , Philippe-Aügufte , 8c les rois fuivants
jufqu’à Charles V . O n les nomma auffi cotereaux,
■ brabançons, bandits, tardyenus , malandrins , routiers
, fimdoyers. Ils étoient de toutes nations, 8c
fur-tout allemands , fouvent mal payés , toujours
indisciplinés, & commettant les plus grands désordres.
Ils s’engageoient au feryiçe du prince qui
les pay .oit ou leur promettoit davaiitage : &L,
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comme ils n’avoient pas d’autre moyen de fub-
fiftance que la fol de qu’ils recevoient ; lorfqu’ils
n’étoient pas Coudoyés , ils faifoient la guerre.
pour leur compte, &. ravageoient fans diftinc-
tion les pays oh ils fe trouvoient. a C’étoient, dit
la Chronique de Saint - Depis , brigands, pillards ,
voleurs, larrons, infâmes, diffolus, excommuniés.
Ils ardoient les monaftères & les églifes oh le
peuple fe retiroit, & tourmentoient les prêtres &
les religieux, les appelloient cantatours par déri-
fion, & feur. difoient, quand ils les battoient, cantatours
, cante^ ,• .puis leur donnoient grands buffes
& greffes gouffes n. Louis-le-Jeune en foudoya
vingt mille. Il y en avoit Jars l’armée de Philippe-
Augufte, & dans celle de Jean , roi d’Angleterre.
L’an 1183, Philippe-Augufte, apprenant que ces
aventuriers ravageoient les environs de Bourges ,
pillant les maiions , les églifes , écorchant les
-prêtres, violant les femmes fous les yeux de leurs
maris, les filles en préfence de leurs mères, brifar.t
les vafes facrés , faifant fervir.les linges bénits à
touts les ufages des femmes qu’ils traînoient à
leur fuite , envoya contre eux une armée qui les
défit entièrement.
Il en parut, deux ans après, dans l’Aquitaine,
une nouvelle armée, « Ils étoient, dit une ancienne
hiftoire manulcrite , Brabançons-, Arragonois,
Allemands , François , & infeftoient fi tant la province
, que nul n’ofoit fortir des fortereffes. O r , ■
étoit-il de coutume q u a la fête de l’Affomption,
'les princes.&. barons du pays des étranges contrées
, fuivis de marchands de toutes marchandifes,
fe raffembloient au Puy en Auvergne, faifant
grands dépenfes 5c largeffes. Auffi en amendok
i’églife 5c la ville ; car les riches hommes leur donnoient
de leur bien largement. Ung chanoine moult
défolé que tant belle folemnité fuft ainfi empêchée
, fi parla à ung jeune homme fubtil en lan-
gaige , non connu en la ville , 6c ordonnèrent
eniemble que le jeune inconnu fer oit habillé en
guife de Notre-Dame, le plus proprement que l’on
pourroit, ôc s’apparoiftroit à un fimple homme de
très bonne renommée, qui avoit nom Durant, &
étoit charpentier. Ainfi fut' comme ils l’avoient
devifé n. Durant avoit coutume tle paffer la nuit
en prières dans l’églife confacrée à Dieu fous Pin-
vocation de la Vierge. Lejeune homme lui apparut
, lui ordonna de former une conftairie pour
le rétabliffement de la paix ; 8c, foit que Durant
fût convaincu ou feignît de l’être , comme le dit
Hugues de B e rcy , dans la Bible Guyot, en ces
termes :
Moult fit foults & foudëants ,
Durant capin & bon tenant.,
’Qui les blancs chaperons trouva ,
Et fes fignaux au Puy donna ;
Donna ? Non fit j il les vendoit ;
, Meftrement la gent décevoit.
Il en conquit or & argent ;
Moult pénfoit bien güiller la gërit:
Il en guilla bien jdeux cents nulle.