
-^a5tP^ent ^gagner les bontés du miniftre pour
Efpinaffy ; & en attendant ce miracle, toutes
leurs follicitations eurent pour but de rendre inutiles
celles de M. Abeille.
Ses talents reconnus, & la juftice de fa caufe ,
furent les feules armes qu’il employa ; on lui
oppola des protections , fouvent plus puiiïantes
que la jultice , ôc l’envie employa leurs mains-
a empoifonner encore une lois les lources du bonheur
public.
Pendant trois années entières de follicitations ,
M. Abeille fit de grandes dépenfes ; il fut même
obligé d’emprunter des fommes confidérables pour
le mettre en état de faire tête aux protections d’un
rival fi peu digne de lui.
Pour comble d’infortune, un homme de Touf
f e à qui il avoit envoyé prefque dans le même
temps une procuration ,à l’effet de recevoir en l'on
nom de quoi acquitter fes emprunts, abufa de la
forme de cet écrit, pour le dépouiller d’une rente
confidérable qu’il avoit fur le produit des moulins
de cette ville, appellés du Bafacle, auxquels la
chauffée qu’il avoit fait conftruire dans la Garonne ,
fourniffoit des eaux.
Epuifé par tant de dépenfes infruétueufes, dénué
de reffources, & fuccombant fous le poids de tant
de malheurs raffemblés fur la tête qui les méritoit le
moins, M. Abeille fut obligé d’abandonner au bout
de trois ans fes pourfuites au fujet de la conftruâion
du canal, & d’accepter un emploi dans le fond
d’une province.
Ce fut là que ce grand homme , moins connu
qu’il ne devoit Têtre, s’occupa jufqu’à la fin de fes
jours à perfeéïionner fon projet du canal de Bour-
gogne, qu’il regardoit "comme fon plus bel ouvrage
, & qu’il aimoit, quoique par les traverfes du
fieur Efpinaffy, cet ouvrage, entrepris avec zèle,
foutenu avec courage , & confommé avec génie ,
eût caufé l'a ruine. 11 chercha fon bonheur dans l’exercice
des vertus fociales dont la nature l’avoit orné.
Jamais aucun homme ne fut plus doux, plus généreux,
plus humain, plus jufte, plus rigide pour
% lui-même ô c pour l’intérêt public, plus indulgent
pour les autres hommes. Touts ceux de fes enfants
& de fes amis qui lui furvivent fe rappellent avec
orgueil fon genie v i f , ardent , fécond en ref-
four-ces, fes talents, & fes connoiffances : ils fe
retracent avec délices fon efprit aimable, fes manières
affe&ueufes, fa converfâtion, mélange heureux
d’inftruéfion Ôc d’agrément, ÔC fur-tout ces
vertus toujours pures, toujours affables, qui atti-
roient ôc retenoient près de lui, comme par une
efpèce de charme : mais ils fe difent bientôt avec
amertume, elles ne font plus.
En 1763, il parut un imprimé intitulé: Prof-
ptftus du canal de Bourgogne , & figné Idlinper,-j
baron d'Efpuller, dans lequel ce baron diloit ,
que les héritiers d’Efpinaffy lui avoient concédé
leurs droits au 'canal de Bourgogne qu’il avoit i
| obtenu des lettres-patentes qui lui en attribuoîent
J la conftruâion &. la propriété. Ilinvitoitle public
avec inftance à lui confier les fonds donç il difoit
avoir befoin , ôc formoit des affemblées. d’aéHon-
naires pour régler tout ce qui concernoit cette
grande entreprise. Madame de Labat - Abeille ,
veuve de M. Abeille, vivoit encore. Elle réclama
contre les'1 prétentions du fieur baron d’Efpuller
la juftice du roi : elle prouva, par les pièces les
plus authentiques, foit imprimées, foir extraites
des régiftres des états de Bourgogne , que le fieur
Efpinaffy avoit furpris la religion du prince ôc
de fes miniftres, que le fieur d’Efpuller ne pro-
duifoit que de vains titres ; & un arrêt du confeil
d’etat du r o i, du 2.0 juillet 1764 , défendit à ceux
qui s’étoient dit conceifionnaires du canal de Bourgogne
de fe porter pour tels, ôc ordonna que le
projet de lettres-patentes en forme d’édit, dépofées
en 1741 par le fieur Efpinaffy chez* de Ruelle,
notaire à Paris, feroient rayées & bâtonnées , ôc
que mention feroit faite de l’arrêt en marge.
M. Abeille avoit découvert & démontré , par
les nivellements les plus exaéts , la poffibilité d’une
nouvelle jonétion des deux mers. 11 ne pouvoit
donc y avoir à cet égard aucune incertitude : les
déclamations indécentes de M. de la Jonchere ,
fupprimées par arrêt, les projets vagues de M. Tho-
maflin ne pouvoient pas affoiblir une démonftra-
tion : la dépenfe que demandoit cette grande en-
treprife , & les guerres qui furvinrent, en empêchèrent
feules l’exécution. On ne s’occupa en Bourgogne
que de petits travaux, tels que celui de
rendre l’Arroux navigable depuis Autun à la
Loire, fur la longueur de douze lieues. M. le
maréchal de Maubourg s’en chargea, en vertu
d’un arrêt du confeil, qui lui adjugea quelques,
droits fur les marchandifes qui feroient voiturées
par l’Arroux. On fit quelques ouvrages peu confi-
dérables; & , la perception du droit ayant occa-
fionné des différents, on abandonna l’entreprife,
qui n’avoit été exécutée d’une manière "fatisfai-
Tante que jufqu’au bourg de Gueugnon , à trois
lieues au-deffus de l’embouchure de l’Arroux dans
la Loire : ce n’eft que très rarement & avec beaucoup
de peine que quelques bâteaux remontent
le faut de’ la digue des forges de Gueugnon , pour
arriver à Toulon fur Arroux , gros bourg qui
eft à deux lieues & demie plus haut.
Après la paix de 1749, M. Joly de Fleury, intendant
de Dijon, ayant examiné les différents
projets formés pour le canal de Bourgogne, &
particulièrement le mémoire de M. Abeille , & le
procès-verbal de M. Gabriel, il en rendit compte
à M. le contrôleur-général & à M. de Trudaine ,
qui chargèrent M. de Régemorte l’aîné d’aller en
Bourgogne, pour vérifier encore une fois fur les
lieux mêmes le projet de M. Abeille. Sur fon rapport
& les avis, M. de Trudaine envoya M. de
Chéfy dans cette province, pour y faire, fuivant
lés; mftruéiions de M. de Régemorte, les opérations
néceffaires pour conftater de nouveau la poffibilité
de ce projet, ôc cet habile ingénieur en rendit le
compte qui fuit.
« 11 fe préfente d’abord deux moyens de fournir
au point de partage l’eau pour la navigation. Ces
deux moyens ont paru plus que fuffifants à Mrs
Gabriel ôc Abeille. En 1751 M. de Régemorte a
remarqué que le terrein toujours humide du pays
où doit être le point de partage , offroit une troi-
iieme reffource par le volume d’eau que l’on avoit
lieu d’efpérer que les terres fourniroient d’elles-
mêmes.
On s’eft affuré, par des nivellements faits avec
foin, & vérifiés plufieurs fois, que toutes les eaux
indiquées par Mrs Abeille ôc Gabriel , pour être
conduites au point de partage, peuvent y arriver,
ôc par les routes qu’ils ont défignées pour les
rigoles.
Le terrein toujours humide de Pouilly ôc des
environs a fait penfer que, lorfqu’on auroit ouvert
le feui-1 de Pouilly pour donner paffage au canal,
cette tranchée lui fourniroit beaucoup d’eau. Afin
de fçavoir mieux ce qu’on en peut efpérer, on a
fait curer ôc approfondir le puits de la place de
Pouilly.
Le 3 juillet, le puits ayant 20 pieds de profondeur,
ÔC fon fond étant encore 12 pieds au - deffus
de la fuperficie de l’eau du point de partage de
M. Abeille, il y eft revenu d’abord fix pieds de
hauteur d’eau en vingt-quatre heures.
Pour descendre du point de partage du côté de
l’Yonne, on n’a remarqué aucune difficulté confi-,
dérable dans la route indiquée par M. Abeille. On
a fait inutilement bien des recherches pour en
trouver une plus âvantageufe au canal.
Il réfulte des opérations dont on vient de rendre
compte, que l’on a plufieurs moyens de fournir au
point de partage beaucoup plus, d’eau qu’il n’en
faut, que les feules fources bien ménagées donneront
plus que le triple de l’eau néceffaire à la navigation
, ôc que l’on ne trouvera que des difficultés
communes dans le refte du canal ; que par con-
féquent on ne doute pas de fa poffibilité.
On n’a rien trouvé de mieux que le projet
général de M. Abeille, reconnu ôc approuvé par
M. Gabriel.
Fait à Paris en décembre l’an 17 5; 3. Signe C hésy jj.
Ces projets interrompus par une nouvelle guerre
ne purent être repris qu’en 1772. M. Laurent,
envoyé en Bourgogne par le duc de la Vrillière ,
y fit taire quelques travaux , que la mort de ce
méchanicien fufpendit, & que M. Laurent fon
neveu continua. Cependant la dépenfe de l’exécution
paroiffoit un obftacle des plus difficiles à fur-
monter. L’emploi des vagabonds ôc des mendiants
pris ÔC détenus par force , fuggéré par M. Laurent,
Ôc adopté pendant quelque temps •, étoit une reffource
peu éloignée de la nullité. Ce fut dans ces
cîrconftances que M. Antoine , fous - ingénieur de
la province, propofa un projet, dans la première
partie de fes Mémoires fur la, navigation dans la
Bourgogne, pour rendre navigables les rivières de
cette province. .
L’exécution du projet de M, Abeille étant arrêtée
ôc réfolue aujourd’h ui, nous allons le faire con-
noître par quelques détails.
./ Ce canal traverfe la Bourgogne depuis la Saône
jufqu’à l’Yonne, dansTefpace de quarante lieues
deux tiers.. Son embouchure du côté de la Saône
eft à Saint-Jean de Lône ; Ôc celle du côté de
l’Yonne eft à Brinon : il rencontre outre ces deux
villes, celles.de Dijon, de Montbard, de Tonnerre
& de Saint-Florentin, avec plufieurs gros bourgsôc
villages. La difpofition de ce canal eft déterminée
par fon point de partage, fitué à Pouilly en Auxois ,
à huit lieues de Dijon.
Trois rigoles principales apporteront au point
de partage la plus grande partie de fes eaux ; fçavoir
, la rigole du Serain , la rigole de la Braine ,
ôc la rigole de Comarin ; les feules eaux de Baume
Ôc de Belnot auront leurs rigoles particulières.........
Ouvrages des rigoles du point de partage.
Les rigoles qui apportent les eaux au point de
partage font toutes enfemble la longueur d’environ
cinquante - trois mille toifes ; leur pente fera
de fix pouces pour le moins par cént toifes ; leur
I largeur réduite fera d’une toife, & leur profondeur,
I d’un pied ôc demi vers leur origine. Sur le milieu
de leur étendue elles auront neuf pieds de largeur
réduite, fur deux pieds de profondeur , ôc à
leur iffue au point de partage , elles auront deux
toifes de largeur réduite , fur deux pieds ôc demi
de profondeur.
Point de partage.
Le point de partage slétend du midi au nord ,
depuis la petite gorge près d’Ecome , dans la
plaine de Comarin , jufqu’à Martroy , dans le
valon de l’Armançon ; fa longueur eft de fix mille
cinq cents quatre-vingt toifes ; fa largeur eft de
fept toifes à la furface des eaux, de cinq toifes
dans le fond de fa tranchée , ôc fa profondeur eft
d’une toife.
Defc'ente du canal à VYanne.
Le point de partage , fes ouvrages & fes rigoles
ainfi diftribués , la defeente du canal à l’Yonne
luit .au nord dans la même plaine ; ôc depuis le
point de partage jufqu’à Brinon , parcourt l’efpacè
de foixante-quinze mille neuf cents quatre-vingt-
quatorze toiles, fur huit cents quatre-vingt-dix
pieds de pente , diftribués en foixante - quatorze
éclufes de douze pieds de chute chacune.. . .
Depuis le pas du ruiffeau de Souffey jufqu’à
j Saint-Thibaut, 4674 toifes.- , iU jM ifl
J De Saint-Thibaut à Marigny, 7432- toifes . . « * •
I. neuf éclufes, entre Saint-Thibaut & B :o .. , •
K k k i |