
terriffement de l’étang de Capeffang, que la province
a entrepris depuis peu.
L’aqueduc de l’Aiguille , qui communique à
l ’étang de Marfeillette , fe refait actuellement à
côté du canal, fur une largeur quadruple 6c une
profondeur double : on fera paffer le canal fur ce
nouvel aqueduc quand il fera fini. C’effc ainfi qu’on
évite d’interrompre la navigation par de nouvelles
conftruélions. Trèbes eft à quatre milles de Mar-
Teillette, & autant de Carcaffonne : dans cet endroit
le canal touche prefque la rivière d’Aude.
On a été obligé d’y conftruire un talut de pierrë
foutenu par des jettées de groffes pierres dans la
rivière , près de la triple éclui'e de Trèbes.
Ici, dans l’étendue d'une lieue , le canal eft
creufé prefque par-tout dans le roc , 6c n’a que
fépt toifes de largeur au lieu de dix.
La prife d’eau d’Orviel eft tout près de Trèbes :
pn y reçoit la petite rivière d’Orviel dans une
rigole de 400 toifes de longueur ou paffoit l’ancien
lit du canal; elle eft foutenue par une chauffé
e , avec une demi-éclufe pour modérer les eaux ,
& un épanchoir pour dégager le trop plein. Cette
prife d’eau eft une des plus confidérables . le refte
de la rivière d’O rviel paffe fous le canal par un
pont-aqueduc , & tombe dans l’Aude, à quelques
toifes de là. ( Archit. hydraul. de Bèlidor, tom. IV.
pag. 42.2. ).
Vers l’éclufe de l’Evêque , à deux milles plus
loin , on voit des travaux confidérables , des
épis, des clayonnages, pour empêcher l’Aude ce
fe jetter vers le canal, & pour occafionner des
atterriffements qui rejettent cette rivière de l’autre
côté.
L ’éclufe & la prife d’eau de Frefquel font à
1900 toifes plus loin. Le Frefquel eft une rivière
qui vient de la montagne Noire , paffe près du
point de partage de Nauroure , & longe le canal
fur plus de vingt milles : elle le traverfe ici pour
fe jetter dans l’Aude. Le baffin même de Nauroure
fournit à cette prife par le trop plein qui
fe jette dans le lit du Frequel.
Ici l’on eft peu éloigné des carrières de marbre
de Cône, qui fourniffent toutes les provinces voi-
fines, au moyen de la facilité des tranfports par le
canal, & font que le marbre eft très commun en
Languedoc; cependant les fculpteurs qui fe font
établis à Cône tirent quelquefois des marbres
d’Italie.
A un mille plus loin, le canal paffe à un mille
de Carcaffonne , ôc commence de ce point à
s’éloigner de la rivière d’Aude, contre les approches
de laquelle on a pris tant de précautions dans la
partie que nous venons de décrire : enfuite il s’élè ve
rapidement par les éclufes de Villandy , de Foucaud
, de la Douce , d’Herminis & de la Lande.
Celle de la Lande, à trois milles de Carcaffonne,
eft double : fa longueur eft de 47 toifes , & fa
chute de 19 pieds. Ici le canal eft planté de peupliers
d’Italie , qui lui donnent l’apparence d’un
[ canal de jardin : c’eft à neuf milles au nord dé
cette partie qu’eft la prife d’Alran, dont nous avons
I déjà parlé.
I L’éclufe de la Criminelle, à douze lieues plus loin,
eft la plus grande du canal ; elle n’eft pas loin de
j Proviller, premier couvent de filles de l’ordre de
j faint Dominique. A quatre milles de l’éclufe de la
j Criminelle, on paffe l’éclufe quadruple de Saint-
j Roch, 6c on arrive à Caftelnaudary, ville d’envi-
i ron huit mille habitants. Le canal y forme un baf-
| fin de deux cents toifes , qui s’eft trouvé creufé
1 naturellement : les barques peuvent y féjourner
6c s’y réparer : c’eft un très beau port ou il y a
jufqu’à 2.5 pieds d’eau; mais, par cette raifon.
i même , il eft quelquefois orageux. Les chantiers &
| les magafins de bois deftinés aux travaux du canal
font à Caftelnaudary ; on y confirait même des.
i barques pour la mer, & c’eft de là que l’on part
; ordinairement pour aller voir le baifin de Saint-
| Ferrioi qui eft à fept milles au nord de Caftelnaudary.
Cette ville ne s’eft accrue que par le commerce
qu’a produit une navigation nouvelle : on y
manquoit même d’eau , 6c il n’y avoit pas deux
mille habitants avant la confira étion du canal.
Le point de partage , ou le baifin de Nauroure»
eft à f i x milles de Caftelnaudary : l’ancien emplacement
de ce baffin eft un oélogone qui a 2.00
toifes de long fur 150 de large, & 544 toifes de
tour ; on y arrivoit par des éclufes, celle de
la Méditerranée ou de Narbonne, & celle de
l’Océan ou de Touloufe.
Mais ce baffin étoit incommode dans les grands
vents, & il fe combloit : on y a renoncé, 6c en
1767, on y a fait une belle plantation de peupliers.
On a creufé un canalet qui, fans monter
au baffin, prolonge la retenue du Médecin ou de
Monferran ; elle porte ces deux noms , parce
qu’elle eft fur les deux éclufes.
L’eau des .rigoles arrive par les deux moulins
de Nauroure , en embraffant le baffin j 6c va -tomber
dans le canalet par deux fauts qui faifoient
les deux éclufes, celle de l’Océan ôc celle de la
Méditerranée ; on y a fait des batardeaux , 8c des
verfoirs ou cales pour retenir les fables.
Il y a auffi vers les bords du baffin deux épanchons,
celui du Frefquel & celui de laMarcelière.
Le trop plein des rigoles ou du baifin eft jetté dans
le lit de l’une des fources du Frefquel, appelle
Frefquel Baragne : la fécondé, qui vient de Saint-
Félix & qui en porte le nom, traverfe la rigole de
la plaine au - deffous des Toumafes. Elles fe réunifient
auprès de Souille, environ, trois, milles au-
deffous de la rigole , & continuent à couler vers
Carcaffonne , prefque parallèlement au canal, 011
le Frefquel entre de nouveau,tout près de Trebes,
comme nous l’avons dit en parlant de cette prife
d’eau.
Depuis le point de partage de Nauroure, il reftç
vingt-deux milles de canal pour aller jufqu’au pont
de Touloufe ; dans cet intervalle, il y a plufieurs
aqueducs
aqueducS fur lefquels paffe le canal. Un des plus
remarquables eft celui de Saint-Agne près de Tou-
loùle, confirait en 1766 fur les deffeins de M. Ga-
ripuy. C ’eft un aqueduc à fiphon, dans lequel un
ruiffeau defcend pour remonter enfuite, parce qu’il
étoit trop élevé pour paffer fous le canal en confer-
vant fon niveau. Cette efpèce d’aqueduc, qui
paroîtrôit devoir être fujet à fe combler par les
dépôts des fables, s’entretient cependant fi bien
parla force de l’eau que celui-ci n’a eu befoin
d’aucun nettoyement depuis qu’il eft fait.
L’aqueduc de l’Ers eft à cinq milles de Nauroure.
Cette rivière , qui vient de Beauteville , traverfe
le cariai, 6c le luit jufques vers Touloufe fur une
longueur de près de quinze milles.
En arrivant près de cette v ille, on trouve le port
Saint-Etienne formé fur le canal, 8c un beau pont
appellé de Saint - Sauveur , confirait depuis peu
avec des trotoirs fous l’arche même du pont,
pour que le tirage ne foit point interrompu. Il y
a quelques autres ponts le long du canal, oh cette
même commodité a été pratiquée : il feroit à
fouhaiter qu’elle le fût dans touts.
La grande élévation du terrein fur lequel règne-le
canal au - deflusdu niveau de la Garonne a obligé
de le faire tourner autour de Touloufe l’efpace
d’une lieue; 8c, fur cê contour, on a diftribué
quatre éclufes , dont' la dernière s’appelle Xéclufe
de la Garonne , parce qu’elle s’ouvre en effet dans
cette rivière, qui commence à devenir navigable
vers cet endroit.
Je dis qu’elle commence, parce que les moulins
du Bazacle, à Touloufe , barrent la rivière, de
façon qu’on y peut regarder la navigation comme
interceptée. D ’ailleurs la Garonne eft encore fort
difficile à naviguer au-deffous de Touloufe, du
moins en été: il* y a dix endroits, depuis cette
ville jufqü’à Bordeaux, ou des bateaux, qui ne
tirent pas deux pieds d’eau, ont peine à trouver
paffage dans le temps des baffes eaux.
Pour faciliter l ’embarquement des marchandifes
de Touloufe, on a fait un nouveau canal , qui
part de la porte intérieure de la ville pour aller
joindre le canal royal au-deffus de,.1’éçlufe. de
la Garonne , fans que les bateaux foient obligés
de paffer à Pertuis du Bazacle , oh il y a une
efpèce de cafcade dangereufe à defeendre 8c im-
poffible a remonter. On a bâti deux ponts à l’embouchure
du nouveau canal, 8ç entre ces ponts
on a du placer un bas-relief allégorique dont le fieur
Lucas ,. habile fculpteur , doit avoir été chargé.
M. d’Arquier , doyen des anciens capitouls de
Touloufe , biiaieul de M. d’Arquier , académicien
diftingué 8c habile aftronome , fit imprimer ,
en 1667 & 1668 , un mémoire dans lequel il pro-
pofoit de faire paffer le canal dans les foffés de
Touloufe ; mais les difpofitions antérieures de
M. de Riquet ne permettaient pas de le placer fi
près de la ville.
La navigation fur le canal eft agréable 8c com-
Art militairel Tome 1.
modé : il femble que l’on traverfe un jardin. Un
bateau de pofte part journellement , & va en
quatre jours d’Agde à Touloufe. On paffe la nuit
au Sommail, à Trèbes près de Carcaffonne, & à
Caftelnaudary, 6c l’on ne paye que fix francs pour
les quatre journées.
Le feul inconvénient que l’on éprouve eft de
changer vingt-cinq fois de bateau , pour éviter de
paffer les éclufes doubles , triples, ou quadruples ,
qui retarderoient trop les voyageurs. Le paffage
des éclufes de Fonferane , près de Beziers , eft
fur-tout incommode en certains temps; mais on
fe propofe d’y remédier , & on a des voitures
de tranfport pour les voyageurs qui ne veulent
point aller à pied. Les marchandifes payent quatre
deniers le quintal pour chaque lieue , dont le capital
eft attribué à ^entretien, 8c deux deniers pour
la barque de. tranfport ; 6c, comme on ne compte
que quarante lieues du pays, à raifon de trois
milles par lieue , le droit deftiné à l’entretien
revient à treize fols par quintal. Il faut y ajouter
le tiers en fus pour le nolis ou le falaire des patrons
avec leurs barques : ainfi le total du tranfport
revient à 19 fols 6 deniers , depuis Agde
jufqu’à Touloufe. Ce droit, quoique modique,
forme un produit net d’environ 300000 livres,
année commune ; déduélion faite des réparations
6c frais de régie , pour lefquels il faut compter
encore à-peu-près 300000 livres, année commune,
outre les -dépenfes extraordinaires caufées par les
grandes inondations ; elles ont paffé 500000 livres
en 1766. Le revenu des propriétaires , récompenfe
honorable 6c légitime de l’invention 6c de l’exécution
de ce grand ouvrage, eft une réferve destinée
à ces dépenfes extraordinaires, fans qu’ils
:puiffent, dans aucun cas , former de nouvelles
demandes au roi ou à la province pour l’entretien
du canal. Cet expofé fuffit pour faire connoîtrè
combien ce canal eft fréquenté, c’e f t - à - d i r e ,
combien il eft utile au commerce du Languedoc,
6c à celui de toute la France.
Ces droits n’ônt point été augmentés depuis
l ’établiffement du canal , malgré l’augmentation
des efpèces , 6c celle des dépenfes. La province
de Languedoc eft entrée en marché pour l’acquérir,
6cen a offert 8500000 livres, avec l’agrément du
roi. Ce qui a fait manquer le traité, c’eft le droit
d’amortiffement que les fermiers exigeoient, 6c
qui auroit monté à des fommes confidérables.
On voit que cette valeur aCtuelle n’approche
pas de la dépenfe de l’entreprife, puifque ce canal
a coûté dix-fept millions , qui répondent à trente
de notre monnoie actuelle : mais l’état ne fçauroit
trop payer ce qui doit procurer à jamais d’aufli
grands avantages.
Il y a environ 250 barques numérotées 6c enré-
giftrées , qui naviguent habituellement lur le canal:
elles ont 75 pieds de long fur 16 ou 17 de
large, portent jufqu’à 100 tonneaux ou '2000 quin-
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