manière positive, liv. x v n ; et si un peu plus loin il paraît les distinguer, ce n’est,
suivant la remarque de d’Anville, que pour désigner des quartiers différens. Il n’est
guère probable, en effet, que Ptolémée Philadelphe ait bâti de prime abord une
ville considérable, comme paroît l’avoir été celle-ci ; et il est naturel de penser
qu’une partie nouvelle, bâtie par ses successeurs, aura reçu le nom de Cliopatris,
comme la première avoit reçu celui d’Arsinoé.
Nous ne croyons pas que d’Anville (i) ait rencontré aussi juste en attribuant
à cette ville le même emplacement qu’à Suez. Strabon va nous fournir, pour nous
déterminer, un renseignement très-précis (a), auquel on n’a fait nulle attention.
«Arsinoé, dit-il, étoit située tout près de l’endroit même oule canal creusé par
» Ptolémée Pbiladelphe venoit aboutir dans la mer Rouge. » L’embouchure de ce
canal se voit encore aujourd’hui, ainsi que d’autres travaux importans qu’y fit faire
Ptolémée, et tout auprès se trouvent effectivement des ruines considérables ; il ne
peut donc rester de doute sur cette position. Arsinoé se trouvoit à environ une
demi-heure de marche au nord de Suez ; son emplacement, marqué par une
montagne de décombres, renferme beaucoup de ffagmens de vases antiques et
plusieurs autres débris de monumens anciens.
J’ai attribué les ruines plus considérables qui sont au nord et tout-à-fkit vers
l’extrémité du golfe , à l’ancienne Héroopolis. On explique fort naturellement
pourquoi Ptolémée Philadelphe entreprit l’immense tâche de bâtir une ville dans
ce désert, quoiqu’il en existât déjà une consacrée au commerce. Lembouchure
du canal se trouvant trop éloignée d’Héroopolis, il devenoit nécessaire de former
de nouveaux établissemens plus à portée, et le long de la côte où abordoient les
vaisseaux; car, sous les rois Égyptiens et sous les rois Persans, les vaisseaux n’é-
toicnt généralement que de très-petites barques : ils pouvoient donc facilement
approcher de l’extrémité du golfe; ce qui n’étoit plus praticable sous les rois Grecs,
qui probablement se proposoient de faire usage de vaisseaux un peu plus considérables,
et tels que ceux dont ils avoient coutume de se servir dans la Méditerranée
; peut-être aussi que les atterrissemens formés par le flux de la mer et le
lest des vaisseaux avoient à la longue encombré le golfe vers son extrémité.
C e c i, d’accord avec les témoignages de Strabon, d’Agatharchides (3) et de
Diodore de Sicile, confirme l’opinion que nous avons été conduits à adopter
touchant la position respective d’Arsinoé et d’Héroopolis.
Une tradition encore subsistante parmi les Arabes et les habitans de Suez
applique aux ruines situées près de l’embouchure du canal le nom de Colçiim, que
Golius (4 ) et d’autres savans ont reconnu pour une altération de Clysma : on
verra que ceci n’a rien que de conforme à notre opinion sur Arsinoé, lorsque,
dans la troisième partie de ces Mémoires, nous traiterons de la position ou plutôt
des diverses positions de Clysma à diverses époques.
Malgré les dépenses énormes qu’ils avoient dû occasionner, les travaux du canal
(1) Mémoires sur l’Egypte ancienne. veteris scriplores G raie, minores, tom. 1, pag. 53, Oxo-
(2) Strab. Geogr. Iib. XVII. nia-, \6p8, in-8.°
(3) Agatharchides, de mari Rubro, apud Geographice (4) Golius in Alferg. pag. r44*
et la ville d’Arsinoé ne remplirent pas le but qu’on s’étoit proposé. Indépendamment
des témoignages directs des anciens, le fait est bien prouvé par le parti que prit
Ptolémée Philadelphe de faire abandonner par le commerce la route de 1 isthme,
et d’en pratiquer à grands frais une nouvelle pour les caravanes au milieu des déserts
de la Thébaïde.
Il ne faut pas inférer de là que je veuille faire regarder l’exécution du canal
des deux mers comme impraticable (i). Je me borne a rassembler et a piesenter
d’une manière suivie tous les faits qui me semblent importans touchant l’histoire
de la navigation ancienne, convaincu qu’encore bien qu’il ne faille point regarder
comme la mesure du possible ce qui a été pratiqué jadis, cependant 1 expérience
de tant de siècles pourra toujours conduire à des considérations utiles, si Ion
parvient à écarter de ce sujet toutes les obscurités. ^ ■■/■■■ .
Au surplus, ce n’est pas tant sur les obstacles relatifs à 1 achèvement du canal,
que sur les difficultés de la navigation dans le golfe Héroopohtique, qu insistent
les anciens écrivains.
Dans toute son étendue, mais sur-tout depuis l’endroit où elle se divise en
deux bras en allant vers le nord, la mer Rouge est remplie de bancs de coraux
et de madrépores qui rendent la navigation longue et pénible autant que dangereuse.
On s’en plaignoit dès le temps de Ptolémée Philadelphe, et les choses
n’ont pas dû s’améliorer depuis.
Les Arabes d’aujourd’hui, navigateurs fort peu habiles, il est vrai, mais qui
pourtant connoissent assez bien cette mer à force de la pratiquer, sont obligés,
pour leur sûreté, de gagner la côte et de jeter l’ancre toutes les nuits, voyageant
à-peu-près comme faisoient les anciens.
Le peu de largeur du golfe ajoute beaucoup aux difficultés. Les vaisseaux ne
peuvent quitter le p o r t, et mettre à la voile pour les Indes ou les côtes de
l’A rabie, que dans la saison où soufflent les vents de nord : ils n osent également
s’engager dans ce golfe étroit, pour venir en Égypte, que dans la saison des
vents de sud ; et ils redoutent les époques des vents variables presque autant que
celles des vents contraires.
Les difficultés ne sont pas aussi grandes, à beaucoup près, à l’égard des ports
situés en face de la Thébaïde; les communications avec la côte d’Arabie peuvent
avoir lieu presque en tout temps; la saison pour le voyage des Indes a aussi bien
plus d’étendue , par plusieurs raisons qu’il est facile d’apercevoir. Mais c’en est
assez sur ce point, que nous aurons occasion de développer davantage (z).
C O N C L U S I O N .
L es personnes qui ont suivi avec attention ces discussions, ont pu remarquer
que, dans toutes les questions essentielles, nous avons mis le même soin à rapporter
et les objections et les preuves. Si nous avons omis une seule autorité, une
( .) Cette question devant être traitée d’une manière c'est à cet important ouvrage que je renvoie le lecteur
spéciale et très-complète dans le travail de M. Le Père, (a) V«yrz Panie * “ ! Memorres.
A.