1 ordre sacerdotal éprouvoit d’être protégé par un Gouvernement qui l’avoit dépouillé,
dans d’autres circonstances, d'une partie de ses possessions.
En nous occupant des recherches qui font l’objet de ce Mémoire, nous avons
eu plus d une occasion de regretter que la perte des historiens originaux de l'Egypte
nous ait privés de toute espèce de renseignemens positif; sur l’administration intérieure
de ce pays et les changemens qu’elle éprouva ; mais, si l’examen des diverses
causes qui durent en maintenir ou en modifier le système, peut conduire 1 indiquer
avec vraisemblance ses états successif;, il nous semble que les conjectures que
nous venons de présenter sont d’autant plus plausibles, qu’elles dérivent naturellement
des cvenemens, et des rapports qui s’établirent entre les habitans de J’Égypte
et tes conquérons qui s’en étoient emparés. Il nous pàroît évident, en un mot
qu a dater de 1 invasion de Cambyse jusqu’au dernier des Ptolémées, le crédit des
pretres Egyptiens et la considération dont ils jouissoient, allèrent en s’affoiblissant ( i )
et que les seuls membres de cette caste que le Gouvernement protégea, furent
ceux quil put employer utilement à la perception de ses revenus (2).
S il hnportoit aux maîtres de l’Égypte que la somme de ces revenus s’élevât le
plus haut possible, le mode et les détails de la perception leur étoient indifférens,
et ils ne virent aucun motif de changer les mesures agraires de l’Égypte, pourvu’
que le tribut mis sur les terres fût acquitté avec exactitude. Les Perses restèrent
trop peu de temps dans ce pays et le possédèrent avec trop peu de tranquillité {- j
pour entreprendre de substituer leurs propres usages à ceux d’un peuple qui étoit
ortement attaché aux siens. Les successeurs d’A lexandre, qui régnèrent plus
paisiblement et dont l’autorité fat mieux affermie, bornèrent leurs innovations
dans le système métrique des Egyptiens à y introduire les divisions et les' sous-
divisions plus commodes du système métrique des Grecs, sans altérer la longueur
absolue de la coudée qui étoit la base du premier (4).
L umte de mesure agraire continua aussi d’être, comme auparavant, un carré de
vingt cannes de côté; et la canne, une mesure portative de sept coudées de longueur.
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: ( ’ ) Po “ r si; convaincre de la décadence de l’ordre sacerdotal
en Egypte sous les princes Gre cs , il suffit de
lire ce que dit Strabon en parlant d’HéJiopolis. On lui
fit voir dans cette ville les anciennes demeures des prêtres
qui se livroient à l’étude de l’astronomie et des autres
sciences, lieux qttePIaton e tEu doxe, venus à cette école,
avoient habités pendant treize ans ; mais il ne restoit plus
rien de ces institutions. Strabon ne trouva à Héliopolis
quequelques hommes ignorans, chargés du soin des sacri-
fices, et d’expliquer aux voyageurs les rites d’un culte
qui se réduisoitalors à des pratiques extérieures. {Strabon
liv. x v i l , pag. 806. )
(2) Une partie de ces revenus continua d ’être perçue
en nature. S . Jérôme, dans ses Commentaires sur D aniel,
chap. X I , rapporte que Ptolémée Philadelphe retiroit dé
1 Egypte chaque année cinq millions d ’ardehs de froment.
Frumtnti artabas (q uoe m ou v ra très madios e t tcrtiam
modu parte,,, b a b a ) quttiqmes et dettes centena milita.
(3) Pendant les cent quatre-vingt-quinze ans que les
Perses occupèrent l’É gypte, ses habitans furent presque
constammenten révolte ouverte contre iessatrapêsqùigou-
vernoient ce pays. L ’an 473 avant notre ère, sous le régne
d’Arraxerxès Longue-main, tes habitans chassèrent ceux
qui levoieut les tributs. (Philo, ta Flaecmn, pag. 749.) Les
dynasties Egyptiennes qui s’établirent successivement à
Sais, à Mendés et à Sebennys , enlevèrent aux Perses la
domination d’une partie du Delta. Ces nouveaux rois
tl Égypte tirèrent de la Grèce des troupes auxiliaires, et
firent aux Perses des guerres presque continuelles avec
des succès variés. E n fin , Nectanebos' ayant été entièrement
défait par Darius Ochus, celui-ci renouvela contre
I ordre sacerdotal les persécutions de Cambyse. (Hérod.
et D iod . passim. ) C e fut trente-un ans après, que les
Egyptiens, aigris par les vexations de toute espèce dont
00 les ac cabloit, reçurent Alexandre plutôt comme un
vengeur que comme un ennemi.
(4) Voyez le Mémoire sur le niiométre d’Éléphantine
sect. IV , pag. j q .
SECTION III.
Des Mesures agraires en Egypte après la conquête des Romains.
L es Ptolémées qui avoient établi le siège de leur gouvernement à Alexandrie ,
ét qui regardoient le royaume d’Égypte comme leur patrimoine, trouvèrent les
moyens de satisfaire aux prodigalités et au luxe de leur cour dans les bénéfices
prodigieux qu’ils retirèrent du commerce de l’Inde , auquel ils avoient ouvert de
nouvelles routes, sans avoir besoin d’augmenter les impôts que les terres suppor-
toientavant eux (i). Ils ne pouvoient ignorer que la fertilité de l’Égypte étoit la source
de ses véritables richesses, et que, pour en profiter, il ne falloit pas décourager
I agriculture, en lui enlevant la plus grande part de.ses produits. C’étoit en se conformant,
à cet égard, aux usages établis dès la plus haute antiquité, qu’ils pouvoient
faire oublier leur origine, et familiariser les Égyptiens avec l’habitude de supporter
un joug étranger.
Les Romains ne furent point guidés par les mêmes intérêts et ne réglèrent
point d’après les mêmes principes l’administration de l’Égypte, quand ils s’en
furent rendus maîtres [£). Obligés d’aller chercher hors de l’Italie les grains qui leur
étoient nécessaires pour alimenter leur capitale, et privés de ceux que leur avoient
fournis autrefois la Sardaigne et la Sicile, qui étoient alors épuisées, ils ne regardèrent
l’Égypte que comme une province tributaire dont il falloit mettre toutes
les ressources à contribution.
Tout ce qu’on sait de l’administration de l’Égypte sous les Romains, prouve
que les gouverneurs qu’on y envoyoit se proposèrent toujours d’augmenter la
somme des tributs qu’on en retiroit (3). Recherchons ici quels furent les moyens les
plus simples qu’ils durent employer pour y parvenir.
Il faut remarquer d’abord que les contributions de cette province étoient en
grande partie acquittées en nature. Suivant l’historien Joseph, le blé transporté
d’Alexandrie à Rome suffisoit pour alimenter quatre mois cette capitale (4). Çet
impôt en grains avoit été de tout temps proportionnel à la superficie des terres
cultivées ', o u , ce qui est la même chose, réparti sur chaque unité de mesure
agraire : or on pouvoit accroître le produit de cet impôt, soit en exigeant de l’ancienne
unité de mesure de terre une plus grande quantité de grain, soit en exigeant
la même quantité de grain d’une mesure de terre plus petite.
(1) Vaillant, Historia Ptolemoeorum. H u e t, Histoire du » penser de ceux que les Romains en retirent aujour-
commerce des anciens. Ameilhon, Du. commerce de l ’É - » d’h u i, eux qui l’administrent avec tant de soins î • »
gypte sous les Ptolémées. Frid, Sam. de Schmidt, D e com- ( Strabon, liv. X VII. )
mer cio et navigatione Ptolemoeorum. j Regionem Ægypti, inundatione JVili accessu difficile/n,
(2) Voyez l’ouvrage intitulé , de l ’Egypte sous la domi- inviamque paludibus, in provincial formam redegit ( Cæsar
nation des Romains, par M. L. Reynier. Paris 1807. Octavianus). Quam ut annonce Urbis copiosam efficeret,
(3) <« Ptolémée Aulètes, père de Cléopatre , dit fissas incuriâ vetustatis limo clausas labore militum pate-
3) Strabon, retiroit chaque année de l’Egypte un tribut fecit. Hujus tempore ex Ægypto Urbiannua ducenties cen-
3> de douze mille cinq cents talens; si un souverain qui tena millia [modiorum] frumenti inferebantur. ( Aurelius
33 administroit avec tant de foiblesse et de nonchalance Victor, in D . Coesare Octaviano.) -
” levoit sur ce pays d’aussi grands revenus, que doit-on (4) Jpseph, de Bello Judaico, lib, 1 1, cap. 61.
A . \ V v a