1 & A M ÉM O IR E SU R LA M U S IQ U E
restés, jusqu à ce jo u r, inimitables, pour nous comme pour tous ceux qui sont
venus immédiatement après eux! Avouons deborine foi que ceux qui produisirent
de semblables chefs-d oeuvre, devoient avoir un goût plus délicat et des principes
plus sûrs que les nôtres ; que si les éloges que de tels juges firent de l’antique
musique , surpassent de beaucoup ceux qu’ils donnèrent aux productions des
autres arts, cest que réellement elle leur étoit fort supérieure.
Mais que penser de 1 antique musique de l’Égypte, lorsque Platon l’élève si fort
au-dessus de 1 antique musique des Grecs ; lorsqu’il la propose comme le modèle
le plus parfait de la meilleure musique, autant pour l’énergique et sublime vérité
de son expression, que pour la merveilleuse beauté de sa mélodie ! Comment parviendrons
nous jamais à nous en faire une idée assez exacte pour pouvoir en
rendre compte! Sur quoi fonderons:nous ce que nous en dirons ! Sera-ce sur le témoignage
dès monumens, ou sur celui des auteurs anciens, ou bien sur les uns
et les autres à-la-fois !
Nous avons déjà fait observer combien nous avions peu de secours à attendre
des premiers, et combien il existoit entre les autres de contradictions frappantes
qui s’opposoient à ce qu’on pût s'en servir avec succès, sans avoir ’auparavant examiné
et pesc avec le plus grand soin le sentiment de chaque auteur, et sur-tbut
sans avoir déterminé 1 époque à laqtielle doit se rapporter ce que les uns et les
autres nous ont appris.
Premièrement, quant aux monumens antiques qui subsistent encore aujourd’hui
en Egypte, tout annonce -qu ils sont bien éloignés d’être des. premiers siècles de la
civilisation dans ce pays, de ces siècles vers lesquels nous nous proposons de:remonter,
à I aide des meilleures et des plus anciennes traditions qui soient parvenues
des anciens Egyptiens jusqu’à nous. La noblesse de l’architecture de ces .monumens,
la richesse , -le luxe des ornemens et le fini du travail, toutes ces représentations
allégoriques, toutes ces cérémonies religieuses ou civiles,.-sculptées avec
tant de soin sur les murs, ne peuvent avoir appartenu à un peuple nouvellement
police, et ne sont point des productions avortées d’un ai t dans l’enfance et encore
informe. D un autre côté, parmi ces monumens (i), les uns n’ont point encore été
achevés , et les autres ont été construits avec des débris de monumens plus anciens :
on voit encore des pierres d’attente aux premiers, et 1 on aperçoit aux autres
sur-tout à certains monumens de l’ancienne Thèbes, dans l’intérieur de quelques
portiques, des pierres présentant des fragmens de sculpture placés à contre-sens
et sans aucun rapport avec ce qui les environne. Ailleurs, sur des frises, on remarque
des caractères hiéroglyphiques, ou même Grecs * qui ont été substitués à
d autres caractères hiéroglyphiques à peine effacés ( 2 ) : d’où l’on peut inférer
( .) Quelque modernes ou quelqu’ancien, que puissent sans doute beaucoup moins ornés encore qu’ils ne l’étoient
cire ces monumens cependant le genre de leur archi- du temps de Clément d’Alexandrie, à en juger par la
cture n a jamais change : il a toujours été soumis aux description qu’ il en fait, puisqu'il dit qu’ils étoient enri-
P” n,C'P£ et mcmes rés'es ad°Ptés de te" ’ P> chis de pierres précieuses, de diamans, d’or, d’argent & c
immémorial; Platon nous l’assure dans le second livre /W u g . cap. pag. x .6 . '
• fS monumens sonl donc encore très-pré- (a) Nous devons croire néanmoins, d'après le témoi-
SO“ S " dernKr POin‘ de ïu e - N ou î '« «von. vus gnage de Platon , qui visita l’Égypte après ^ue Cambyse
D E L’A N T IQ U E E G Y P T E . 3 6 j
que les instrument de musique qui ont été sculptés sur ces mêmes monumens,
n’ont pas été non plus les premiers connus en Egypte ; et il ne seroit pas
impossible qu’ils eussent été totalement ignorés des premiers Égyptiens, d’après
ce que nous aurons lieu de remarquer par la suite, lorsque nous expliquerons la
nature de cette musique dans son premier ctat. Secondement, parmi les auteurs
qui ont eu occasion de parler de ce pays, et qui ont le mieux connu les institutions
et les usages qui y étoient établis, aucun ne fait mention de ses instru-
mens de musique, quoique ceux-ci s’expriment toujours avec une sorte d’enthousiasme
à l’égard des hymnes ?et des chants consacrés au cuite des dieux ; ou bien
s’ils parlent du sistre et de la trompette, c’est seulement pour dire que ce sont des
instrumens bruyans. Les autres, ainsi que nous l’avons déjà fait observer, nous
disent tantôt que la musique fut instituée en Egypte par les dieux de ce pays, qui
en faisoient leurs délices ; tantôt que cet art étoit méprisé et rejeté des Égyptiens,
comme n’étant propre qu’à corrompre les moeurs et à énerver l’ame.
Il y a donc eu en Egypte deux ‘opinions diamétralement opposées l’une à
l’autre relativement à la.mqsique, lesquelles supposent nécessairement deux états
de cet art très-distincts «et très-différens, mais trop incompatibles pour avoir pu
subsister à la même époque.' Ainsi nous distinguerons deux époques de l’état de
l’art musical dans l’antique Egypte: la première, dont parlent Platon dans ses Lois,
et Diodore de Sicile dans sa Bibliothèque historique, livre 1.” (1), est celle où la
musique se conserva sans altération dans son premier état ; la seconde, dont
parle également Diodore de Sicile (2), est celle où la pratique de la musique,
au mépris des anciens principes, fut entraînée par une pente rapide au dernier
degré de dépravation. Cette distinction détermine naturellement la division que
nous avons faite de notre travail, et c’est pourquoi nous avons compris dans la
premièrè époque de la musique de l’antique Egypte tout le temps qui s’est écoulé
depuis l’origine de la civilisation des Égyptiens et de l’institution de leurs premiers
chants, jusqu’au temps où des étrangers introduits dans ce pays ont
occasionné quelque altération dans les moeurs des Egyptiens, ont modifié ou
changé les usages de ceux-ci, e t , par conséquent, les ont accoutumés à d’autres
chants et à d’autres instrumens que ceux qui leur étoient propres : dans la seconde,
nous avons renfermé tout le temps qui s’est écoulé depuis les premiers chan-
gemens opérés dans leur j musique, jusqu’au temps où l’Egypte fut réduite en
province Romaine.
et ses successeurs eurent été chassés du trône par les dix mille an s , c’e s t-à -d ire qu’il les supposoit existans
Egyptiens > que tous les monumens antiques n’avoient de temps immémorial,
pas été détruits alors, puisqu’il rapporte que de son temps ( i ) Cap. 15 et 18.
on voyoit encore dans les temples des chefs-d’oeuvre (2 ) Lib. I , cap. S i.
de -peinture et de, sculpture qui datoient de plus de