
Parmi les monumens que cette ville renferma, il étoit important, sur-tout,
<le retrouver un nilomètre auquel les récits de quelques anciens voyageurs ont
donné de la célébrité (i).
La découverte de ce monument devoit, en effet, conduire à la solution de deux
questions du plus grand intérêt : l’une, sur la longueur de la coudée qui étoit en usage
chez les anciens Égyptiens pour mesurer l’accroissement du Nil; l’autre, sur la
quantité d’exhaussement qu’acquiert le lit de ce fleuve pendant un temps déterminé.
Le désir d’obtenir enfin quelques données certaines sur des questions depuis
si long-temps agitées, m’a fait entreprendre la recherche du monument dont il
s’agit. Je vais rapporter comment j’ai été dirigé dans cette recherche, et quel en a
été le résultat.
Strabon, après avoir-donné la description des principaux lieux de l’Égypte,
s’exprime ainsi en parlant de Syène' et d’Éléphantine (2) :
« Syène et Éléphantine : la première, ville-située sur. les confins de l’Ëgypte
» et de l’Éthiopie; la seconde , île placée dans le N il, à un demi-stade et vis-à-vis
» de Syène. Il y a là une ville qui possède un temple de Cneph et un nilomètre.
» Ce nilomètre est un puits construit en pierres de taille sur la rive du fleuve,
33 et dans lequel sont marques les plus grands, les moindres et les médiocres
» accroissemcns du Nil; car l’eau de ce puits croît et décroît comme le fleuve,
33 et l’on a gravé sur sa paroi l’indication de ces diverses crues. 33
( 0 Strabon, lh>. X V I I . Héliodore, de rebus Æ th io - désignoient sons le nom de s a x i quadrati, ou de pierres
picis, liv. IX, pag. 44- et 443, édition de Bourdeiot. de taille.
(2) Nous croyons devoir mettre ic i sous les yeux du V o ic i cette note :
lecteur le texte même de Strabon : ^ . « P a g . DCCCXVII. rati N sA o / tiW [ s a V -# M<u<p/r ].
H Si Su ent, r.ÿ) n itio a n in , é fo i Stf òywr rèe Addidimus ex veteribus libris verba ilia ruL'tdeSp liipqiç. Sic
AAloiriao, [jyri 1? h iy jx i . ne ta f n' Vi’ òr sut Ne/Aÿ su&xiftb/éi ] Heliodorus, qui totum hune Strabonis lecititi descripsisse
d Svenir tritar òr lipisuSlie , rjù òr smini iroAif ì'ycocu it&r videtur, vi St sa'r s i tf/taióas si NaArytt-reur iSlixrvom, 1ai «Jl
KvouquSoç, ertt NnAo/u-isror ■ [ rjotùrri Mtpaut. Èri Si s i Nei- stir Mifcyn nuse.nt.ii01 or. H e hoc puteo vide elìain Aristidem
Ae/«isetor] vvr poramìta tuLnmAjoupirer K B v e òj^Ge se NerAv in Ægyptio.
f f ia f , òr a & r a r c ión i! se N u u coptuSrnp, S t/ iijiitv r s i Èri Si si Naxs/iisetor vvr fuirsx/Ga xamaxùjac/blm KB uè
S « f /arar- oonuaSairen jS ori wrsamivotfcat i^Se se Ni/ak fyettp.] Ita habetur hic locus in omnibus col
à sissnftà ss òr saf qpiass vAtp. E/or e t ò r s j sviavi s» Baia.ter dicibus scriptis edi risque ; mendosissimì ; quod fa c ili nos
auèvdestçaj, ps'ìgp. Sèlntaicar, tal uiiatom ataCSmair. animadvertimus, quorum aures ferre non poterant hoc lo-
Syene vero et Elephantina : altera, quidem in finibus quendi gcnus sòr pann/Sa rasar, non nobis magis quinti
est Æthiopiat, et Ægypti urbs ; altera insula dimidio Greco solo universo inauditum. Poteramus fonasse f a l l i
stadio in Nilo ante Syenem posila, inque ea urbs q u e nisi remansisset illud oo'r, cùm paraxi%>r atdificiorum edam
Cnuphidis templum habet, et Nilometrium. H o c autem est paulò ante sitfacta menda : verini ea nihil ad hunc locum ;
puteus quidam in N ili ripa ex integro lapide constructus, legendum enim est trompa tJioi xe.nGr.Suae/bim. Nani edam
in quo et maxima et minima et mediocria N il i incrementa libro quinto eamdetn vocem à librariis fuisse corruptam
adnotantur; nam pulci aqua cum N ilo pariter crescit et ostendimus; ncque hoc tantùm, sed edam apud Heliodo-
dccrcscit. Suntque in putrì parine note quedam insculpte rum, libro nono, quo loco videtur Strabonis h e c verba
incrcmcntorum, et pcrfectorum et aliorum. ( Strabonis R e - descripsisse, idem error est commissusi Sic ¡Ile, ai SÌ sur si
rum Geographicarum libri XVII ; Lutetiæ Parisiorum, qputnav si Nunopiustay ¿Slóuuaus, sei e j1 ssV Mapq/t 7m1y.71t.r-
typis regiis, 1620 ; lib. X V I I , p. 8iy. ) ove, ver vópu/£frQ ijivvt a/Gai tvesiexivcayeervr. Legendum hic
Une note très - curieuse de Casaubon sur ce passage quoque est compia 1 ncque dubitamus apud Strabonem quorums
apprend qu’il a été corrompu dans tons les exem- que prias fuisse scriptum compta a/Go ut apud Heliodo-
piaites de Strabon, tant manuscrits qu’imprimés, par des rum; quodpostea semidoctus aliquis corrigere voluit et in
demi-savans, qui ont change le sens de cet auteur, en pontifica mutavit. Porrò aonàpovç AtGovr interpretalur Sui-
lui faisant dire que le nilomètre d Éléphantine étoit un das ptyeétovç, ôpoiovç, et offert hoc exemplum incerti auc-
edifice monolithe, tandis que Strabon n avoir pas voulu toris , ¿%ne/Qpaortn se tir Sbpotip lui 58 eie aounipuv A/Gare
dire autre ch ose, sinon que ce puits etoit construit de oaoSopo/hfnç utt È tlou ùàavttóytmvTÌ] sir tèsi ÿâc ixùiSiou
cette espece de matériaux que les architectes Romains Xóvnxnr. M illi videtur Heliodorus, cùm addìi x, £trw,
Le témoignage aussi précis d’un témoin oculaire (i) ne laisse, comme on voit,
aucun doute sur la position du nilomètre. En effet, il dit formellement qu’il
étoit situé dans la ville d’Ëiéphantine, sur les bords du N il, avec lequel il devoit.
communiquer par un aqueduc, puisque les eaux qui y étoient introduites,
et celles du fleuve, croissoient et décroissoient simultanément. Je devois donc
chercher ce nilomètre dans la partie des ruines de l’ancienne ville d’Éléphantine
baignée par les eaux du fleuve ; et, comme cette ville ne s’étendoit pas jusque sur
les rochers dont l’île est bordée au sud, et que le reste de son enceinte se trouve
dans l’intérieur de l’île, à l’exception de la partie qui regarde l’orient, et qui est
revêtue d’un mur de quai construit en blocs de grès équarris, c’étoit évidemment
sur la longueur de cet ancien ouvrage, c’est-à-dire, sur une étendue de 160
mètres seulement, que je pouvois espérer de retrouver le monument que je
recherchois.
En parcourant les bords extérieurs de l’île, je remarquai, à l’extrémité septentrionale
de ce mur de quai, une porte rectangulaire de deux mètres soixante-un
centimètres de hauteur, et d’un mètre seize centimètres de largeur (planche 33,
Jig. 1 ei 2 ). Le Nil, qui avoit déjà commencé à croître à cette époque, étoit sur
le point d’en ’affleurer le seuil. Je reconnus qu’elle conduisoit dans une espèce de
galerie couverte ayant pour parois, d’un côté, le mur de quai, e t, de l’autre, un
mur parallèle construit des mêmes matériaux; mais je la trouvai, dès son entrée,
tellement obstruée de terres que le Nil y avoit déposées, qu’il me fut impossible
d’y pénétrer. Je jugeai cependant qu’elle se prolongeoit vers le sud ; et je m’assurai
que, dans toute la partie de sa longueur où la plate-bande qui la couvroit autrefois
avoit été enlevée, elle avoit été remplie de décombres provenant, tant de
la démolition des parties supérieures du mur de quai, que de celle de quelques
édifices voisins. (Planche 33 ,fig . / et ff.)
Je pensai dès-lors que cette galerie n’étoit autre chose que l’aqueduc du nilomètre,
lequel, suivant l’idée que je m’en étois formée, consistoit en un puits
dont les parois, dressées verticalement, portoient les mesures de l’inondation.
J’étois arrêté sur cette idée, lorsqu’en visitant les ruines de l’ancienne ville, je
remarquai, à vingt-six mètres de distance de l’aqueduc que je viens d’indiquer, une
explicare voluisse quid esset avmjuoç a/9o? : est igitur quod tiarum actionis ergo animum intendit ¡ quee esset origo
a Latinis arcliitectis saxum quadratum vocatur. fistorum JVili, et s i quid admiratione aut spectaculo
Quoique le passage d’Hélïodore dont il est question dignum in urbe ostendere possent, interrogans. I lli autem
a la fin de la note précédente, s’applique littéralement puteum JVilum mensurantem ostenderunt, similem ei qui est
au nilomètre de Sy en e , il est hors de doute que cet JVLemphi, ex secto quidem etpolito lapide exstructum, //-
auteur a voulu parler de celui de l’île d’Eléphantine, le neas vero ulnæ interstitio exsculptas cofuinentemin quem
même que Strabon a décrit. On ne peut supposer en effet aqua fiuviatilis subterráneo meatu impulsa , et in lineas
que deux édifices destines absolument au même usage incidens, incrementa JVili et diminutionesindigenisinonstrat,
aient ete, établis sur les deux rives du fleuve , en numero tectorum aut nudatorum characterum} ratio net n
face 1 un de 1 autre et à la distance d’un demi-stade exundationis aut defectûs aquee mensurantium. (Heliodoseulement.
C ’est ainsi que la plupart des voyageurs mo- rus, de rebus Æthiopicis, édition de Bourdeiot¡ Lutetiæ
dernes ont appelé Nilomètre du Kaire celui qui est placé Parisiorum, 1619; lib. I X , p. 443. )
à 1 extrémité méridionale de l’île de Râoudhah. (1) On sait que Strabon voyagea en Egypte et revo
ici le passage d’Heliodore : . monta jusqu’au-dessus de la première cataracte avec
Postquam autem intra muros elephanto tanquam curru. Elius Gallus, qui.étoit gouverneur de cette province
tnvectus est, statim in res sacras et culturn divinum gra- dans les premières années de l’ère Chrétienne.
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