
le mot doigt et le mot datte. Or, ainsi que nous avons tiré ces mots du latin et
que les Latins les ont empruntés des Grecs, ceux-ci n’auroient-ils pas également
emprunté d’ailleurs le double sens du mot peut-être le mot lui-même!
Et si quelque pays convient à cette origine, n’est-ce pas l’Égypte ou la Phénicie,
le pays des dattes [poid^n]! Mais ce rapport devient bien plus digne d’attention
en songeant qu une autre mesure encore, le palme, porte aussi le même nom que
la tige et la feuille du palmier, et aussi que la paume ou largeur de la main : en
latin il n y a qu un mot pour les deux, palma ou palmus ; en grec, désigne
la inesure, et raAd/xn la paume de Ja main.
L e palme et le doigt sont donc deux mesures dont les noms sont communs
aux parties du palmier.
L e mot de spithame, auifc/uf mesure de 3 palmes, qu’on fait dériver de am{a,
extendo, ne viendroit-il pas du spathe, axaiju, nom que porte l’enveloppe du régime
du palmier!
Il nest pas moins frappant que le nom d’un fruit en général est xsqwroi (1), et
que ce même mot veut dire aussi le poignet ou la paume de la main, vola manûs:
c’est ce que les anatomistes appellent le caipe. ÎDOpuc veut dire poing [ pugillus]
en qobte (2).
D ’après ces rapprochemens, qu’on pourroit pousser bien plus loin,,-mais qui
suffisent pour notre objet, il nous paroît clair que le palme et le doigt de mesure
ont des noms presque identiques avec les parties du palmier-dattier. Un tel
rapport ne peut être fortuit pour plusieurs mesures à-la-fois ; et l’on peut en
tirer cette conséquence naturelle, que diverses mesures des Égyptiens semblent
avoir tiré leurs noms de l’arbrè et des 'fruits les plus communs chez eux.
Les étymologistes modernes ou anciens, depuis Yarron jusqu’à Vossius, qui
ont donné les origines de tant de mots, n’en ont présenté aucune pour les mots
Trôype,, ‘T&.érS&v, praSn, &c. mesurés qui également appartiennent à l’Égypte;
c est que les racines de ces mots n’ont point passé dans la langue Grecque avec les
noms de mesure correspondans, et que les mesures seules nous ont été transmises.
Le rapport des noms des mesures avec ceux des parties du palmier ne petit
manquer de piquer la curiosité^ sur-tout à l’égard d’un pays comme l’Égypte, où
les choses, comme les noms', n’avoient rien d’arbitraire et de pur caprice : la
mesure agraire, par exemple, avoit probablement son nom tiré de l’action de labourer;
en effet, le nom de 1 aroure, ’itpyjra. , que les Grecs ont adopté ou traduit,
vient, selon les étymologistes, de apoew, ¿.gjtb (3), mot qui lui-même se rapporte
à hharach, en hébreu arare (4 ). Le schcene, mesure essentiellement Égyptienne k ) ,
avoit le même nom que le ou la cordelle, qui servoit à remonter les barques
sur le Nil ; ^0«oj signifie aussi jonc : or, c’est avec le Jtjonc qu’on faisoit les
cordes (6). Recherchons donc à quoi l’on peut attribuer ces dénominations,
communes aux mesures et aux parties du palmier d’Égypte.
(1) Kxpmç (Homer. ¡ lia i. lib. I I .) (5) Bien qu’Athénée et Callimaque(apudPlutarch.)
C2) Isaie, ch. 40, v . 12. Voyez L a Cro ze , pag. iefp. disent que le mot appartient aussi aux Perses. Voye^ plus
(3) En latin arare, d’où arvum* rura, i f c. haut, chap. IX, §. 3.
(4) Voyé^f plus bas, le S. X. (6) Aujourd’hui c’est avec les feuilles de dattier que
i,° Le choix du palmier n’a rien qui doive surprendre, puisque c’est en
Egypte l’arbre le, plus commun et par excellence : tout le monde sait le parti qu’on
en tire sans cesse pour les divers besoins de la vie; on sé nourrit, on s’abreuve, '
on se loge, on se meuble, on se chauffe avec les fruits, ou le tronc, ou les tiges,
ou les feuilles, diversement préparés par les arts. Des cordes pour la marine,
des voiles pour les navires, des liqueurs de plusieurs espèces, des nattes pour les
appartemens, des paniers de tout genre et jusqu’à des lits, tout se fait en quelque
sorte à l’aide du palmier-dattier. Dans aucun pays, il n’est d’arbre qui, rende
d’aussi immenses services à la population.
2.0 Puisque deux choses aussDlifférèntes que le doigt et une datte n’ont qu’un
seul et même nom, et que ce nom est aussi celui d’une mesure, ià cause en est
probablement dans l’analogie des dimensions du doigt avçC célles du, fruit : or
c’est ce qui arrive en effet ; le travers du doigt et celui d^la'datte sqnt à peu près
de même mesure. De même que les Arabes composent un doigt de 6 grains d’orge
placés en travers, et-le grain d’orge, de 6 soies de cheval ou de chameau, ainsi les
Egyptiens ont pu, dans l’origine, mesurer le palme avec 6 dattes, la spithame
avec 12, la coudée avec z4 i.e e qui étoit aussi exact que d’appliquer plusieurs fois
de suite les doigts de la main, puisque ces doigts diffèrent beaucoup du moindre
au plus fort.
On pourroit ajouter que la largeuridqjjj-ameau de palmier, à sa base, eæ d ’un
palme dans les arbres de grandeur ordinaire, et que les spathes ou régimes de
dattes ont, en général, la longueur d’une spithame.
Faut-il conclure que la paume ou les doigts de la main tirent leur nom du
pafthier! Non sans doute ; mais le contraire est beaucoup moins vraisemblable.
Que nous ayons reconnu l’identité de noms entre des-parties de la main et celles
du palmier, et la cause de cette analogië dans la conformité de grandeur, c’est ce
qu’il nous suffisoit de remarquer, notre but étant de faire voir que les mesures
dont il s’agit sont empruntées de l’Égypte. Ces considérations paraîtront peut-être
moins stériles que’ les étymologies des auteurs'qui assurent qu’on appeloit dactyli
les dattes, parce qu’elles ont de la ressemblance avec les doigts dé" la main (i);
cela n’est vrai ni du rameau ni de la grappe. Il s’en faut également que la paume,
ou, si l’on veut même, la main entière, soit disposée comme la branche et la
feuille du palmier, quoi qu’en pense Isidore dans ses Origines,yW/nd ab expansis
palmée ramis ( pag. 149), et ailleurs, palma dicta quod oppatrsis est rainis-, in 'modum
palmoe hominis (2). Les botanistes ont employé avec raison le nom depflmé.et digité
pour désigner les feuilles des plantes telles que le ricin , le platane d’Orient, plusieurs
renoncules et autres plantes analogues, parce que ces; feuilles ont en effet
la disposition de la main ou celle des doigts, et ils ont réserve lé nomjfdW/i; pour
celles du dattier et les autres feuilles semblables.
l’on fait les cordes en Egypte. Peut-être les faisoit-on similitudine nuncupati sunt. (Isidor. Hispal. \Oper. pag.
jadis avec l’espèce de cyperus appelée papyrus, pla'nte 2 3 1. )
propre à l’Egypte. Voyez l’article schcene, ci-dessous, (2) Une autre origine plus absurde est celle que donne
§ . x. le même Isidore, quia manûs victricis ornatus est. ( Ibid.
(1) Fructus autem ejus (palmæ) dactyli à digitorum pag. 231. )
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