forte de Zenobie, reine des Palmyréniens, et l’humeur inquiète de ces peuples,
qui ne pouvoient souffrir le joug des Romains, ayant attiré contre eux les armes
<1 Aurélicn, causèrent la ruine de Palmyret Alors se trouva entièrement coupée
cette seconde branche du commerce de 1 Orient, qui se faisoit par l’Euphrate
et le golfe Persique : les marchandises de l’Inde n’eurent plus d’autre voie que le
Saïd (i) ; les déserts Troglodytiques devinrent en quelque sorte une des routes les
plus fréquentées de l’empire Romain, et Coptos, où se rendoient les caravanes,
une des plus florissantes villes du monde.
Lorsque, sous JDiocletien, la rébellion d Achillée et des Chrétiens de l’Égypte
eut entraîne la ruine entiere de C op to s , Apollinopolis parva, voisine de cette
ville, et qui long temps avoit rivalisé avec elle, lui succéda, sans qu’il résultât
aucun autre changement dans la direction du commerce.
Les relations de l’Egypte avec l’Europe commencèrent à changer sous Constantin,
qui détourna le commerce vers Byzance; mais tout resta de même, quant
à la route qu’il suivoit par la mer Rouge et par les déserts de la Thébaïde : cette
route étoit encore absolument la même du temps de Théodose que du temps
d’Adrien, et de celui d’Auguste, et de celui de Ptolémée Philadelphe, à en juger
par les Tables de Peutinger, ouTablcs Théodosiennes, qui sont conformes à l’itinéraire
d’Antonin, et conformes à l’itinéraire conservé par Pline l’ancien, qui lui-
même paroît copié sur les itinéraires Grecs.
Apres la division de 1 empire Romain entre les enfàns de Théodose, l’Égypte,
annexee au trône de Constantinople, vit déchoir peu à peu l'immense commerce
tjuelle faisoit avec 1 Inde; cependant il ne fut pas entièrement anéanti, tant qu’elle
resta sous la domination des empereurs Grecs, ainsi que le prouve l’état florissant
ou se trouva encore Alexandrie lorsque, sous le règne d’Héraclius, elle fut
assiégée par les Arabes. Nous verrons plus loin (2) ce qui a eu lieu depuis cette
époque; il suffit, quant à présent, d’avoir fait remarquer que, depuis Ptolémée
Philadelphe jusqu’aux derniers temps de l’empire Romain, la route des caravanes
au travers des déserts de la Troglodytique n’a point varié, et que tous les
monumens sont d accord sur ce point.
§. n
I l ne faut pas croire cependant que, dans ce long intervalle de temps, aucun
vaisseau chargé des marchandises de l’Inde n’ait navigué dans le golfe Héroopo-
litique. Quand on n’auroit d’autre preuve du contraire que la longue existence des
villes d Arsinoe et de Clysma, cela suffiroit pour empêcher d’en douter. Une plus
grande proximité de la capitale et des ports de la Méditerranée, où résidoient
beaucoup de commerçans, a du de tout temps attirer quelques vaisseaux vers
Arsinoé ; mais ce commerce ne fut nullement comparable à celui qui se faisoit
(1) L ’auteur, par des considérations particulières, a cru devoir s’écarter, dans la transcription de quelques noms
Arabes, de I orthographe généralement adoptée dans l’ouvrage.
(2) Troisième Partie.
par Bérénice, et jamais il n’exista de rivalité entre ces deux villes : il est même
à remarquer que c’est précisément pendant les temps les plus prospères de i’Égypte
que le commerce d’Arsinoé paroît avoir été tout-à-fait nul ; aussi, lorsqu’Augustè
se rendit maître de cette contrée, Cléopatre, qui, pour ne pas tomber entre les
mains du vainqueur, avoit conçu le projet de s’enfuir par le golfe Arabique, ne
trouva pas de vaisseaux à Arsinoé, et fut obligée d’y faire transporter par terre
quelques petits bâtiinens de la Méditerranée. II semble, au contraire, que sous les
derniers empereurs de Constantinople, lorsque le commerce de l’Égypte étoit
déjà beaucoup déchu, Arsinoé étoit un peu plus fréquentée.
Pendant cet espace d’environ douze siècles, qui précéda la conquête de
lÉgypte par les Arabes, les progrès de la navigation dans la Méditerranée auroient
dû influer sur ceux de la mer Rouge. Les Lagides, qui entretenoient une marine
puissante et tant d’hommes de mer expérimentés dans Alexandrie, avoient les
plus grandes facilités pour perfectionner une navigation aussi importante : les
circonstances n’étoient pas moins favorables sous le gouvernement des Romains,
dont le génie sembloit porté naturellement vers les améliorations de ce genre.
Cependant, à en juger d’après les détails transmis par Pline, Arrien et Solin, les
améliorations se réduisirent à fort peu de chose , si même elles ne furent pas
tout-à-fàit nulles, soit que les obstacles vinssent des circonstances locales, soit,
comme il est plus vraisemblable, qu’ils ne vinssent que de la puissance de l’habitude,
si grande chez les Égyptiens, et qui devoit toujours ramener tout à l’ancienne
manière. Au temps où Pline écrivoit, les vaisseaux étoient encore fabriqués en
grande partie avec le papyrus; ils avoient conservé le même grément que ceux qui
naviguoient sur le Nil; ils étoient petits, fort mauvais voiliers, et rasoient presque
toujours les côtes. Ce n’étoit que par la multiplicité des bâtimens que l’on sup-
pleoit a leur petitesse et à la lenteur de la navigation.
Les vaisseaux , qui alors partoient presque tous du port de Myos-hormos,
avoient trois destinations principales (i). Les uns se bornoient au commerce de
l’Arabie Heureuse ; d’autres alloient parcourir les côtes orientales de l’Afrique ;
pour commercer avec les Éthiopiens et les peuples barbares qui habitoient le
long de ces rivages : un plus grand nombre s’avançoient vers l’Inde et vers les
contrées qui bordent le golfe Persique.
La plupart de ceux qui faisoient le commerce de l’Arabie ne passoient pas lé
détroit, et debarquoient sur la côte orientale, dans un port célèbre chez les anciens
sous le nom de Mn-ça (2). Ils y laissoient du blé, du vin, des étoffes dé
laine, diverses sortes de vetemens garnis de franges, et des manteaux teints d’une
couleur rouge qui imitoit la pourpre; ils y portoient aussi du cuivre, du plomb,
des feuilles de métal battu, et divers ornemens pour la parure des femmes.
Ceux qui alloient commercer avec les Éthiopiens, trouvoient, à peu de distance
du détroit de Bab-el-Mandel, le comptoir d’Adulis., où iis vendoient différentes
especes de vases de terre et de verre, des vases murrhins artificiels et divers
(')■ I V î 1« textes cités à la fin de cette partie. détroit, alioit gagner ùn petit comptoir situé au-delà sur
(2) Un petit nombre seulement, qui s’avançoit jusqu’au la côte voisine.
A. F f i