
On appeloit coudées ces enfans eux-mcmes, selon Philostrate ; et les Égyptiens les
plaçoient allégoriquement aux sources du Nil : de là les Grecs ont supposé une
race de pygmées en Ethiopie. Mais mytajoi vient évidemment de m y id , et non
de L e.mjy/M, comme on l’a vu, étoit une mesure de 18 doigts, c’est-à-dire,
,4 palmes jj, ou 4 de coudée [voyez plus haut, '§. il). Au reste, Ptolémée parle
des Péchiniens, peuples dé l'Ethiopie, près de l’Astaboras ; ce nom paroît bien
dériver réellement et se rapporter à la fable des pygmées (i).
■Rapport de la Coudée avec le Modius des Figures Egyptiennes.
L es antiquaires ont coutume d’appeler modius, modiolus, un vase conique, souvent
répété dans les bas-reliefs Égyptiens, et tantôt présenté en offrande par les
prêtres fa), tantôt couronnant la tête des divinités. Cette figure représente certainement
une ancienne mesure de capacité, et semble désignée dans un passage de
S. Clément d’Alexandrie. Quand il décrit les fonctions des divers prêtres Égyptiens,
il s’exprime ainsi : Hune [¡efo'jqa.fxpLd.'da.) opûrtet scire eu quoe vocantur hieroglypjuca,
et quoe tractant de cosmograplùa.,.. de que mensuels et de iis rébus quoe in templornm
usum absumuntur. Deinde posl eos qui prias dicti sunt sequitnr qui dicitur stolistes,
qui justitioe cubitum et ad libandum habet calicem [tè ezsoydtiov] ( 3 ).
Jablohski interprète comme il suit ces derniers mots du grec, itr -n tni ¿W10-
vùi/iiç •ûSyyv : Cubitus Niüacus, qui justam mensuram ostendit (4 )- J’adopte cette explication
de Jablonski : mais il devoit ajouter qu’il s’agit de la vraie coudée, et non de
la bonne mesure de la crue; ce qui est très-différent,
Apulée, qui paroît décrire les mêmes choses que S. Clément (y ), parle autrement
de la coudée juste. Qtiartus Joequitatis ostendebat itidicium, deformatam manum
simstram porrectâ palmulâ, ire. Jablonski en conclut que la phrase de S. Clément
ne doit pas être entendue au sens propre de coudée juste ; mais Apulée a visiblement,
dans ce passage, ajouté beaucoup de traits de son imagination, comme il
a fait dans tout son ouvrage.
C’est ce vase ou modius que Lucien appelle Tra-nieioy, et que, dans son humeur
satirique, il appeloit une divinité Égyptienne. Le vase qui est présenté en offrande,
est toujours trop petit pour être comparé au modius ; mais il en est probablement
une partie aliquote, peut-être la 72.° partie, comme le log Hébraïque par rapport
à Xepha, qui étoit la même mesure que l’artabe ou coudée cube Égyptienne.
Sérapis est comparé au Nil par Suidas d’après plusieurs auteurs, parce qu’il
porte sur la tête le modius, -ra piéiov, et la coudée ou mesure du Nil, si rS ûJUtîç
ptbrçjt (6). Rufin, et, d’après lui, Montfaucon, interprètent ce /mSiov, copia rerum;
ce qui est trop vague. Jablonski apporte la même .explication, qu’il appelle sim-
plicissima ideoque tritissima ; cependant je pense que c’est plutôt le modèle même
( i) V oyez les Mêin. de l ’Acad. des inscript, rom, V , origine et usu obeliscorum, pag. 507. J’ai cité ailleurs le
■pag. r o i , Mém. de l’abbé Bannier sur les pygmées. texte Grec de S. Clément.
(2) Voyez Pignor. Tab. lsiac. pag. 2 3 , 31. ( Voye^ les
f ig .G ,N . )
(3) Ciem. Alex. Strom, lib. v r . Vqye^ Z o ë g a , De
(4) Panth. Ægypt. part. 11, pag. 241.
(5) Metam. Iib. x i , pag. 262.
(6) In voce Serapis.
de . la mesure de capacité : ce nom est spécial et appellatif, et point symbolique ; dé
plus, c’est le nom même de la mesure Égyptienne', selon S, Éplphâne. Ce modius s
fdéioy, devoit être en rapport exact avec la coudée cube, selon ma conjecture, aussi-
bien que Xai-taba ( I ).
Le mot même de pifiot pourroit bien venir de l’Orient : nous voyons en hébreu
medd 1 1D, qui signifie mesure et mesurer ; en arabe Je* medd, qui exprime Une mesure
quelconque.
Rapport de la Coudée du N il avec Apis et Sérapis.
Rufin (2) nous apprend qu’on avoit coutume, dans l’antiquité, d’apporter la
mesure du Nil (3) dans le temple de Sérapis; mais que, dans la suite, on la déposa
dans l’église Chrétienne. Suivant .Sozomène (4 ), la coudée du Nil, sous Constantin-1
le-Grand, Cessa d’être apportée dans les temples païens, et fut transportée dans
les églises. Socrate (5) raconte aussi qu’il étoit d’usage de placer la coudée dans
le temple de Sérapis, et que Constantin ordonna qu’elle fût transportée dans
l’église : mais, sous l’empereur Julien (6), la coudée du Nil fut rétablie dans le
temple Égyptien. Enfin, sous Théodose, le temple de Sérapis fut renversé de fond
en comble, et cet usage prit fin.
Jablonski conclut de ce récit que la mesure des âccroissemens du Nil ctoit
sous la protection de Sérapis. La sépulture d’Apis, selon lui, étoit un symbole dé
la réclusion de la coudée dans le temple du dieu , où elle restoit cachée et
énsevelie durant huit mois environ, pour être mise ensuite au dehors pendant
le temps de la crue et de l’inondation du fleuve (7). Il explique encore cette
circonstance, qu’Apis étoit plongé à sa mort dans une fontaine sacrée (8), en
disant que c’est l’emblème du Nilomètre ou puits Nilométrique, où la colonne de
mesure se déposoit à l’époque de la prétendue sépulture d’Apis.
Il rdtrouve dans Sérapis les mots Qobtes aSHps-Hnî sari-api, et les traduit ainsi;
columna mensionis. Enfin il reconnoît le mot api [ mensuraJ dans smopion [ locus
mensuroe, atrium, puteus mensuroeJ. I f est remarquable que le nom Arabe du Nilomètre
est le même : Meqyâs signifie lieu ou l ’on mesure (9).
D’après ces deux étymologies qui se confirment, on pourroit admettre son
explication; savoir, qu’Apis marquoit la mesure des âccroissemens du Nil; Sérapis,
la colonne Nilométrique ; et Sinopion, le Nilomètre : mais il resterait à prouver
que ces étymologies sont parfaitement justes (10).
Selon Jablonski, api, oipi, z-ns, oms, signifie en qobte mesure, mensura, tiumerus.
(1) On la médimne des Grées. Je doniièfai plus tard (7) Pausân. Gr&c. Descript. lib. I , cap. 18.
des recherches particulières sur les mesures de capacité (8) Jabl. Pam.li. Ægypt. part. I I , pag. 257.
en usage dansl’antique Egyp te, et sur celles que lesGrecs (9) Le Nilomètre le plus connu de l’antiquité est célui
et les Hébreux paroissent lui avoir empruntées. . de Memphis» Diodore et Strabon donnent ce Niiomètré
(2) Hist. eccles. lib. I I , cap. 30, comme le plus célèbre de leur temps. Plutarque [deJstdef
(3) Ulna quant ivy»'vocant. : pag. 368 ) , outre le Nilomètred’Lléphamineet deSy.ène,
(4) Hist. eccles. lib. I , cap. 8. fait mention de celui de Mendès et de Xois; et A ristide,de
' ( j) Hist. eccles. lib. I , cap. 18. ceux de Coptos, de Panopolis ef d’ Hermomhis.
(6) Sozomen. Hist. eccles. lib. V, cap. 3. ( io ) Jablonski explique encore le surnom d’invtsibifis