
On peut .conjecturer, d’après ce passage, q5 e le coffre de notre tableau con-
tient les intestins du mort; mais il faut avouer que cette conjecture laisse encore
beaucoup de place au doute.
'Remarquons, avant de quitter la scène funéraire, que plusieurs personnages y
sont costumés de la façon qui est décrite par Hérodote dans le lieu où il parle dés
formes du deuil chez les anciens Égyptiens : « Les femmes, dit-il, se découvrent
» le sein; et ayant attaché leur habillement avec une ceinture, elles se frappent,1a
» poitrine D ’un autre côté , les hommes attachent de même leurs habits
» et se frappent la poitrine (i). »
Toutes les figures de femmes du tableau que nous venons d’examiner, sonten
effet, a 1 exception d une seule, vetues de robes attachées au-dessous du sein par
des ceintures. Six hommes places dans la rangée inférieure, et l’enfant que l’on
voit au-dessous du coffre, dans la rangée d en-haut, sont représentés avec des
vêtemens attachés de la même manière.
D es Sacrifices humains.
Si Ion en croit le témoignage de quelques écrivains de l’antiquité, les,autels
à!Elethyia ont été souillés du sang des hommes. Parmi les historiens dont les écrits
sont parvenus jusqu’à nous, Diodore de Sicile est le plus ancien qui ait accusé lès
Égyptiens d’avoir offert aux dieux des victimes humaines. Voici comment il s’exprime
(2) :
« On dit même que les anciens rois d’Égypte sacrifioient sur le tombeau
» d’Osiris tous les hommes qui avoient le poil roux. »
Diodore ne cite aucune autorité à l’appui de. cette, assertion : mais , en rapprochant
son récit d’un passage de Plutarque sur le même sujet, on voit que le fait
.aété puisé dans Manéthon, écrivain Égyptien, grand-prêtre deSébennyte et greffier
des archives sacrées, qui vivoit sous Ptolémée Philadelphe. Plutarque s’exprime à-
peu-près dans les mêmes termes que Diodore; mais il a l’attention de citer l’auteur
sur l’autorité duquel il se fonde, et cet auteur est Manéthon.
« Les Égyptiens, dit Plutarque-, brûloient dans, la ville S Elethyia, ainsi que
» l’a écrit Manéthon, des hommes vivans qu’ils àppeloient typhoniens, et ils jetoient
» leurs cendres au vent (3). » .
On appeloit typhoniens les hommes dont les cheveux étoient roux ; les Égyptiens
croyoient que Typhon, le mauvais génie, les avoit de cette couleur.
Un autre passage de Manéthon, dont le. sens a été conservé par Porphyre (4 ) ,
apprend quon immoloit aussi des hommes, à Héliopolis : on en sacrifioit trois,
tous les jours. Cette abomination dura jusqu’au roi Amosis, qui ordonna .de
substituer aux hommes trois figures de cire de grandeur naturelle. A v an t, cette
ordonnance, les hommes typhoniens. étoient. choisis et marqués avec des mêmes
soins et les mêmes formalités que les veaux destinés aux sacrifices. Ces formalités
(■) Hérodote, liv. I I , J\ 8}. {3) Traité d'Isis et d’Osirii.
(2) Tome p . iS y , trad. deTerrasson, Paris, 1737. (4) D e Abst'uicntia, lib. II.
devoient peu différer de celles que l’on observoit dans le choix des boeufi mondes,
et dont Hérodote nous a transmis le détail (1).
« 11 y à, dit cet historien, un prêtre destiné pour cette fonction : s’il trouve
» sur l’animal un.seul poil noir, il le regarde comme immonde; il le visite et
» l’examine debout et couché sur le dos; il lui fait ensuite tirer la langue, fet il
» observe s’il est exempt des marques dont font mention les livres sacrés./.
» Il considère aussi si les poils de la queue sont tels qu’ils doivent être naturellement.
Le boeuf a-t-il toutes les conditions requises pour être réputé monde, le
» prêtre le marque avec une corde d’écorce de byblos, qu’il lui attache autour des
22 cornes; il y applique ensuite de la terre sigiliaire, sur laquelle il imprime son
22 sceau. . . II est défendu, sous peine de mort, de sacrifier un boeuf qui n’a point
22 cette empreinte. 22
Hérodote, que je viens de citer, n’est point favorable à l’opinion de ceux qui
pensent que les Égyptiens ont sacrifié des victimes humaines; il soutient formellement
que jamais ils noht admis cet usage horrible. Loin de sacrifier des hommes,
ce peuple, dit-il, osoit à peine sacrifier des animaux; et le nombre de ceux qu’il
lui étoit permis d immoler, étoit très-borné. C e raisonnement ne me paroît point
convaincant; 1 expérience a prouvé, dans mille circonstances, que les esprits frappés
de superstition peuvent admettre les idées les plus absurdes et allier les usages les
plus contradictoires. Semble-t-il vraisemblable, par exemple, que des hommes qui,
par principe de religion, ont horreur du meurtre d’une vache et craignent de
donner la mort à un insecte, tiennent, également par principe de religion, à une
coutume qui force les femmes à se brûler vives lorsque leur époux vient à mourir!
ç.est cependant ce qui existe, et ce que l’on voit tous les jours sur les bords du
Gange. II nest donc pas contraire à la nature humaine de supposer que le même
peuple qui.répugnoit à sacrifier certains animaux, a pu immoler des hommes. Les
témoignages historiques que j’ai cités, ont déterminé, contre le sentiment d’Héro-
dote, 1 opinion de presque tous ceux qui ont examiné la question. Cependant on
ne .connoissoit pas des preuves encore plus fortes et plus incontestables que nous
pouvons alléguer aujourd’hui ; les Égyptiens eux-mêmes ont pris soin de les conserver
en les gravant sur la pierre : j ai trouvé, dans presque tous leurs monumens,
la représentation de cérémonies où des hommes sont sacrifiés.
Un tableau placé du côté de l’ouest, sur l’un des pylônes (2) du grand temple
de Philæ, représente quatre hommes couchés sur le ventre ; leuFs mains sont
passées derrière le dos, et liées avec leurs pieds, que l’on a ramenés, pour cet effet,
vers les reins : un sacrificateur debout, tourné vers une figure décorée des attributs
ordinaires aux divinités, a transpercé avec une lance les corps de ces quatre
hommes. Si 1 on entre dans le temple, on voit, sur une colonne, la représentation
d’un 'sacrificateur qui enfonce une lance dans le crâne d’un malheureux dont un
autre sacrificateur a déjà percé le corps ; les deux exécuteurs sont vêtus et mitrés
comme les .figures, qui, dans les autres bas-reliefs, remplissent les fonctions de
prêtres.
( i) Livre I I , S. j S , traduction de M. Larcher. (2) C e pylône est représenté planche ta , Jig. ,.
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