en Egypte, c’est-à-dire que cette cpoque-’est postérieure à celle de l’introduction
du jugère Romain dans cette contrée.
La canne employée pour mesurer le feddân de Damiette en fournit une preuve
non moins péremptoire. La longueur de cette canne n’est point en effet de 3 >",8 5
ou de 3'",65, comme celle du feddân des cultivateurs de la haute Égypte, ou des
Qobtes ; elle est de 3” ,99, équivalens à très-peu près à sept'coudées Romaines
ou a six coudées de Constantinopie.
Cette origine moderne du feddân de Damiette trouve au surplus une explication
naturelle dans la formation récente de cette portion de fÉgypte. Semblable à toute
la partie septentrionale du Delta, c’est une aliuvion du NiÎ, qui n’a été mise en
culture que depuis un petit nombre de siècles. Les villages nouveaux qui couvrent
ce territoire, ne se trouvent point compris dans les registres de l’ancien cadastre,
ou 1 étendue des villages de la haute Égypte est encore indiquée en mesures
antiques : on a employé, pour mesurer ceux du. territoire de Damiette, les unités
démesures plus modernes qui étoient usitées dans Je pays, lo r s q u lis nouvelles
alluvions ont été mises pour la première fois en culture. Il est même à remarquer
que les impôts auxquels ces nouveaux terrains sont assujettis, ont une autre
base que ceux que l’on retire du reste de l’Égypte.
Apres ce que nous venons d’exposer sur les mesures agraires de cette contrée,
il nous est aussi facile de tracer l’histoire de ces mesures superficielles, qu’il nous
la ete de tracer celle des mesures de longueur dans notre Mémoire sur le nilo-
mètre d Ëléphantine.
L unité de mesure agraire, égale à la surface de terrain qu’une paire de boeufs est
capable de labourer dans un jou r, fut d’abord un carré de cent coudées de côté.
Afin d abréger les opérations du mesurage, on-substitua à cette surface celle
qu une paire de boeufs peut labourer en deux jours, et on la mesura avec une
canne longue de sept coudées septénaires, instrument qu’il étoit facile de se
procurer, et dont on pouvoit déterminer sur-le-champ la longueur par un pro-
çepe simple et naturel, que nous avons décrit.
La double aroure, ou feddân antique, étoit un carré de vingt cannes de côté.
On le retrouve formant exactement le dixième de la superficie de la base de la
grande pyramide.
Les Egyptiens conservèrent cette unité de mesure sous les P^lémées, qui ne
crurent pas devoir modifier le s ta g e s d’un peuple qu’ils avoient quelque’ intérêt
■de ménager, et au milieu duquel ils avoient fixé leur séjour.
Lorsque les Romains, eurent fait la conquête de l’Egypte, et qu’ils eurent assujetti
ce pays à une redevance annuelle dont une partie étoit acquittée en blé et
autres grains que l’on transportoit en Italie , ils introduisirent en Égypte leur
propre jugère ; et il paroît que, pour l’assiette de l’impôt, ils suivirent ce qui avoir
eu lieu dans les autres provinces tributaires.
L unité de mesure agraire continua cependant d’être un carré de vingt cannes
de cote : mais cette canne, au lieu detre de sept coudées, comme elle avoit été
jusqu alors., fut réduite a six coudées deux tiers.
D E S A N C I E N S É G Y P T I E N S . 3 j ç
La fertilité de l’Égypte permettoit d’y semer sur un jugère moins de grains
quon n’en semoit en Italie sur la même surface, et l’on retiroit d’une même
quantité de semence un produit plus grand ; ce qui s’opposoit à ce que l’on comparât
ces deux jugères, tant pour les frais de culture que pour les produits de la
récolte.
On crut alors devoir substituer au jugère Romain qui avoit été introduit en
Égypte, une mesure de surface qui reçût précisément la même quantité de
semence que le jugère Romain. C’est le feddân des cultivateurs, dont Héron nous
a donné la première définition.
A cette époque, les çoudées sacrées avoient été détruites, et l’on ne faisoit
plus usage en Égypte que de la coudée Romaine. Ce feddân de Héron continua d’être
un carré de vingt cannes de côté, et la canne resta composée de six coudées
Romaines et deux tiers, de même que six coudées Égyptiennes et deux tiers avoient
formé la came dont on s’étoit servi pour mesurer en Égypte le jugère du Latium,
analogie qui rendit plus facile et plus praticable parmi le peuple l’adoption de
la coudée Romaine.
Cependant les registres où se trouvoient indiqués le nombre des villages de
l’Égypte, l'étendue de leurs territoires respectifs, et la division des propriétés particulières,
restèrent, sous les Grecs, entre les mains de ceux des prêtres Égyptiens
qui faisoient les fonctions d’écrivains et d’arpenteurs, lesquels continuèrent, en
employant leurs anciens procédés, d’asseoir l’impôt et d’en percevoir le produit.
Lorsque les lois des empereurs de Constantinopie eurent obligé tous les habitans
de fÉgypte à embrasser le christianisme, les prêtres Égyptiens, ou plutôt les restes
de l’ordre sacerdotal, qui se réduisoient alors à ceux dont les fonctions étoient
utiles au Gouvernement pour l’assiette et la perception de l’impôt, se-conformèrent
à ces lois : mais, conservant toujours le cadastre de cette province, ils
maintinrent, dans une corporation qu’ils formèrent, leurs anciens procédés de
mesurage et la pratique des opérations dont leurs ancêtres s’étoient occupés
exclusivement. Ils perpétuèrent ainsi parmi eux l’usage de l’ancienne unité de
mesure agraire, dont la canne avoit sept coudées septénaires, et dont vingt cannes
formoient le côté.
Après la conquête de l’Égypte par les Arabes, il ne fut rien changé à cet état de
choses ; et quoique l’on ait dit que quelques califes substituèrent à la coudée Romaine
en Egypte la coudée noire pour les opérations de l’arpentage, on n’y reconnoit
aucune mesure agraire qui ait cette dernière coudée pour racine : on ne l’a retrouvée
jusqu’ici que dans le nilomètre qu’Af-Mamoun et son successeur Al-Mutéouakkei
firent ériger à la pointe de l’île de Roudah.
Les Arabes, les Mamlouks et les Turcs, trop occupés de guerres, et dédaignant
les détails de l’administration intérieure du pays dont ils se sont successivement
rendus maîtres, ont laissé les fonctions d’arpenteurs et d’écrivains entre
les mains des Qobtes, et ceux-ci ont continué de les exercer en suivant d’anciennes
pratiques que la tradition leur a conservées, et qu’ils maintiendront
d’autant plus long-temps, que leur religion et leurs moeurs les éloignent de tous