
la Genèse (chape 46) , que lorsque Jacob quitta les environs de Gaza pour aller
en Egypte, il envoya dire à Joseph, qui habitoitMemphis, de veniràsa rencontre.
Ce passage est ainsi traduit dans la Vulgate : « Jacob envoya Juda devant lui vers
» Joseph pour l’avertir de sa venue, afin qu’il vînt au-devant de lui en la terre
» de Gessen. » Cette terre de Gessen étoit donc sur la route de Memphis à Gaza,
et elle avoit été donnée aux Israélites de la même manière que nous la donnâmes,
pendant notre séjour en Egypte, à trois tribus Arabes, venues, comme les Hébreux,
de la Syrie (i).
Le point de départ étant connu, il nous sera facile de suivre les Israélites dans
leur marche. Moïse vouloit les conduire aux environs du mont Sinaï: il étoit sûr
d’y être accueilli des Arabes Madianites; car il avoit vécu long-temps chez eux,
et avoit épousé la fille de leur prêtre Jéthro. Sa route directe étoit de passer
au nord de la mer Rouge; mais il craignit qu’en s’approchant trop du pays des
Philistins, il ne s’élevât contre les Israélites des guerres qui leur fissent regretter
l’Egypte et les déterminassent à y retourner (2). Il préféra donc de suivre la côte
occidentale du golfe Arabique ; il évitoit encore par-là de faire soupçonner trop
tôt ses projets de fuite au Pharaon, qui lui avoit accordé la permission de conduire
le peuple de Dieu dans le désert pour y offrir des sacrifices. Moïse, est-il
dit dans le même chapitre (3), fit faire un long circuit aux Hébreux; il les mena par
le chemin du désert qui est près de la mer Rouge.
La position actuelle du golfe Arabique empêcheroit, à la vérité, de concevoir
comment les Israélites se trouvèrent tout de suite sur ses bords, au sortir de la
terre de Gessen, si l’on ne savoit qu’à l’époque reculée dont nous nous occupons,
ce golfe s’étendoit jusqu’auprès de la vallée de Saba’h-byâr : la nature du
terrain entre ce point et Suez, les dépôts de coquilles marines, et une foule
d’autres observations géologiques, jointes à tous les témoignages de l’antiquité,
donnent au moins à cette opinion la plus grande vraisemblance (4); et dès-lors
on peut concevoir comment les Israélites marchèrent trois jours auprès de la
mer, pour arriver vers le point où la tradition place leur passage miraculeux à
travers les flots.
Leur première station est appelée Socoth : ce mot, qui signifie tente, peut faire
croire que ce nom ne s’applique point à une ancienne ville, mais à un simple
campement. Il existe, au surplus, plusieurs ruines sur les bords du terrain aban-
( 1 ) Ces trois tribus sont les grands Terrâbyn, les
Tahâ et les Anageyr, alors en guerre avec le pâchâ de
G a za , qui avoit fait assassiner leurs principaux cheykhs.
(2 ) Exod. chap. 13, v. 17.
(3 ) Chap. 1 3 , v. 18.
( 4) C ’est une nouvelle preuve en faveur de mon opinion
sur les anciennes limites de la mer Rouge. Voye^ mon
Mémoire sur ce sujet, E .M . tom. p. ¡8y. J’ajouterai
seulement ici cette réflexion de Niebuhr, qui ne m’étoit
pas connue alors et qui confirme les miennes: « L e rivage
» de là mer, dit le voyageur D an o is ,a changé ici comme
» par-tout ailleurs. On rencontre sur toute la côte d’A -
» rabie des indices que l’eau s’est retirée. Par exemple,
» M uza , que tous les anciens auteurs disent être un port
s de l’Arabie heureuse, est actuellement à quelques lieues
3 loin de la mer. On v o it, près de Loheia et de D jed da ,
» de grandes collines remplies de corail et de coquilles
> de la même espèce que celles que l’on trouve vivantes
» dans le golfe d’Arabie. 11 y a , près de Su ez, des pé-
> trifications de toutes ces choses. Je vis à trois quarts
13 de lieue, vers l’ouest de la v ille ,.u n amas de coquil-
» Iages vivans sur un rocher qui n’étoit couvert d’eau que
>3 par la marée, et de.semblables coquilles vides sur un
>3 autre rocher du rivage, trop haut pour que la marée y
13 pût atteindre. 11 y a donc quelques milliers d’années
>3 que le golfe d’A rabie étoit plus large et s’étendoit plus
13 vers le n ord, sur-tout le bras près de Su ez; car. le.ri*
3 vage de cette extrémité du golfe est très-bas. ». -
donné par la mer, et les unes ou les autres ont pu appartenir à Socoth. Le second
jour, ils campèrent à Etham, à l’extrémité de la solitude (i).
Cette position me décide pour Byr-Soueys (2), qui paroît être en effet à l’extrémité
du désert, lorsqu’on vient de Saba’h-byâr; car la mer, faisant un coude vers
l’occident, semble, en se joignant à la haute chaîne du Gebel-Attaka, terminer
le désert au sud : d’ailleurs, l’eau douce est fort rare dans toute cette contrée, et
les puits doivent déterminer les stations des caravanes.
Le Seigneur parla ensuite ainsi à Moïse : « Dites aux enfàns d’Israël qu’ils re-
» tournent et qu’ils campent devant Phi-Hahiroth, sur le bord de la mer (3). » Il
est assez facile de trouver la raison de cette marche rétrograde ; Phi-Hahiroth
pouvoit être un lieu fortifié et avoir une garnison Egyptienne : on voit en effet
que les Israélites n’y entrèrent point; ils campèrent vis-à-vis, sur le bord de la mer;
c’étoit là qu’ils devoient la traverser, et le besoin d’eau douce put les obliger de
dépasser ce point le second jour. Or, à trois lieues environ de Byr-Soueys, en se
reportant vers la vallée de Saba’h-byâr, on trouve un vieux château fort, nommé
Hadjeroth. Dans le texte Hébreu, la syllabe phi est toujours séparée de Hahiroth;
elle est tout-à-fait omise au verset 8 du chapitre 33 des Nombres : on croit que
phi ou p i étoit, dans la langue Egyptienne, l’article défini, comme il l’est enGore
dans la langue Qobte. La troisième station se nommoit donc Hahiroth : sa ressemblance
avec Hadjeroth me paroît frappante.
Passage de la M er Rouge.
C ’est à peu près vis-à-vis d’Hadjeroth, vers le sud-est, que s’est formé l’ensablement
qui a séparé de la mer Rouge ce vaste bassin que l’on trouve aujourd’hui
au nord de cette mer, et dont le sol, très-inférieur aux plus basses marées, porte
encore tous les caractères de l’ancien séjour des eaux. Mais, avant que ce banc de
sable fût assez élevé pour former un lac de l’extrémité nord du golfe Arabique,
il a dû exister en cet endroit un bas-fond qui n’aura été guéable pendant longtemps
qu’à marée basse.
C ’est à ce gué, probablement, que les Israélites furent conduits par Moïse. Cet
homme célèbre, instruit dans la sagesse des Egyptiens et long-temps réfugié sur
les bords de la mer Rouge, connoissoit la possibilité de la traverser à pied en cet
endroit; tandis que de pauvres esclaves, plongés dans l’ignorance la plus profonde,
et qui jamais n’étoient sortis de l’Egypte, devoient croire, en voyant l’armée
ennemie d’un côté et la mer de l’autre, que toute retraite leur étoit ôtée (4 ). Flavius
( i ) Exod, chap. 13, v. 20.
(2) Byr Soueys signifie puits de Sue%. C e t endroit est
à environ une lieue au nord-ouest de Su ez; il consiste
en deux petites enceintes comiguës, en partie détruites,
dont la construction est attribuée au sultan Selym l .cr Au
milieu de chacune de ces enceintes est un puits dont
l’eau a un goût désagréable et une forte odeur d ’hydrogène
sulfuré : elle ne sert ordinairement que pour les
animaux ; mais j’en ai bu sans en être incommodé, ainsi
que le détachement que j’avois avec moi : nous y étions
arrivés cependant fort altérés, après une journée extrêmement
chaude et une marche à pied des plus fatigantes,
dont nous avions passé les dix-huit dernières heures sans
boire. On aperçoit, hors* de l’enceinte, les vestiges d'un
petit aqueduc qui servoit autrefois à conduire l'eau dés
puits à Suez.
( 3 ) Excd. chap. 14 > V. 2.
( 4) C'est ainsi qu’ il y a dans la mer, vis-à-vis. de