
que l'espèce de momie qui renfermoic du bitume. Elles sont très-peu susceptibles
de s’altérer; exposées à l’humidité, elles se couvrent d’une légère efflorescence de
substance saline à base de soude.
Les momies qui n’ont été que salées et desséchées, sont généralement plus mal
conservées que celles dans lesquelles on trouve des résines et du bitume. On remarque
plusieurs variétés dans cette dernière sorte de momies ; mais il paroît qu’elles
proviennent du peu de soin et de la négligence que les embaumeurs mettoient dans
leur préparation.
Les unes, encore entières, ont la peau sèche, blanche, lisse et tendue comme
du parchemin ; elles sont légères, sans odeur, et très-faciles à rompre : d’autres ont
la peau également blanche, mais un peu souple ; ayant été moins desséchées, elles
ont passé à l’état de gras. On trouve encore dans ces momies des morceaux de cette
matière grasse, jaunâtre, que les naturalistes ont appelée adipo-cire. Les traits du
visage sont entièrement détruits ; les sourcils et les cheveux sont tombés : les os se
détachent de leurs ligamens sans aucun effort ; ils sont blancs et aussi nets que ceux
des squelettes préparés pour l’étude de l’ostéologie : les toiles qui les enveloppent
se déchirent et tombent en lambeaux lorsqu’on les touche. Ces sortes de momies,
qu on trouve ordinairement dans des caveaux particuliers, contiennent une assez
grande quantité de substance saline, que j’ai reconnue pour être presque en totalité
du sulfate de soude.
Les diverses espèces de momies dont je viens de parler, sont emmaillotées avec
un art qu’il seroit difficile d’imiter. De nombreuses bandes de toile, de plusieurs
mètres de long, composent leur enveloppe ; elles sont appliquées les unes sur les
autres, au nombre de quinze ou vingt d’épaisseur, et font ainsi plusieurs circonvolutions
d’abord autour de chaque membre, ensuite autour du corps entier : elles
sont serrées et entrelacées avec tant d’adresse et si à propos, qu’il paroît qu’on
a cherché, par ce moyen, à rendre à ces cadavres considérablement diminués par
la dessiccation, leur première forme et leur grosseur naturelle.
On trouve toutes les momies enveloppées à-peu-près de la même manière ; il
n’y a de différence que dans le nombre des bandes qui les entourent, et dans la
qualité des toiles, dont le tissu est plus ou moins fin, selon que l’embaumement
étoit plus ou moins précieux.
Le corps embaumé est d’abord couvert d’une chemise étroite, lacée sur
le dos et serrée sous la gorge ; sur quelques-uns, au lieu d’une chemise, on
pe trouve qu’une large bande qui enveloppe tout le corps. La tête est couverte
d un morceau de toile carré, d’un tissu très-fin , dont le centre forme
sur la figure une espèce de masque : on en trouve quelquefois cinq à six ainsi
appliqués 1 un sur l’autre ; le dernier est ordinairement peint ou doré , et
représente la figure de la personne embaumée. Chaque partie du corps est
enveloppée séparément par plusieurs bandelettes imprégnées de résine. Les
jambes approchées 1 une de l’autre, et les bras croisés sur la poitrine , sont
fixes dans cet état par d autres bandes qui enveloppent le corps entier. Ces dernières,
ordinairement chargées de figures hiéroglyphiques, et fixées par de longues
bandelettes qui se croisent avec beaucoup d’art et de symétrie/terminent l’enveloppe.
Immédiatement après les premières bandes, on trouve diverses idoles en or,
en bronze , en terre cuite vernissée, en bois doré ou peint, des rouleaux de
papyrus écrits, et beaucoup d’autres objets qui n’ont aucun rapport à la religion
de ces peuples, mais qui paraissent être seulement des souvenirs de ce qui leur
avoit été cher pendant la vie.
C'est dans une de ces momies placées au fond d’un caveau de l’intérieur de la
montagne (derrière \zMemnonium, temple de la plaine de Thèbes), que j’ai trouvé
un papyrus volumineux qui. se voit gravé dans l’ouvrage. ( Voyez les planches 6 1 ,
6 z , 63, 64 et 65 du 2,c volume des planches d’antiquités, et la Description des
hypogées de la ville de Thèbes. )
Ce papyrus étoit roulé sur lui-même, et avoit été placé entre les cuisses de la
momie, immédiatement après les premières bandes de toile. Cette momie d’homme,
dont le tronc avoit été brisé, ne m’a point paru avoir été embaumée d’une manière
très-recfierchée ; elle étoit enveloppée d’une toile assez commune, et avoit été
remplie d’asphalte ; elle n’avoit de doré que les ongles des orteils.
Presque toutes les momies qui se trouvent dans ces chambres souterraines où
l’on peut encore pénétrer, sont ainsi enveloppées de bandes de toile avec un masque
peint sur le visage. Il est rare d’en trouver qui soient enfermées dans leurs caisses,
dont il ne reste plus aujourd’hui que quelques débris. Ces caisses, qui ne servoient
sans doute que pour les riches et les personnes d’une haute distinction, étoient
doubles : celle dans laquelle on déposoit les momies, étoit faite d’une espèce de
carton composé de plusieurs morceaux de toile collés les uns sur les autres ; cette
caisse étoit ensuite enfermée dans une seconde construite en bois de sycomore ou
de cèdre. Ces sortes de coffres, toujours proportionnés à la grandeur des corps
qu’ils devoient renfermer et dont ils imitoient la ressemblance, n’étoient composés
que de deux pièces (le dessus et le dessous) réunies à l’aide de chevilles de bois,
ou de petites cordes de lin fabriquées avec beaucoup d’art. Ces caisses étoient couvertes
d’une simple couche de plâtre ou d’un vernis, et ornées de diverses figures
hiéroglyphiques.
Afin de mieux juger du véritable état de toutes ces momies, et pourparveniràbien
connoître les divers embaumemens précieux dont plusieurs historiens de l’antiquité
ont fait mention, il aurait fallu pénétrer dans l’intérieur de grottes sépulcrales qui
n’eussent encore été visitées par personne, et descendre dans des caveaux récemment
découverts et spécialement destinés aux sépultures sacrées. Jenedoutepas qu’à
l’aide de quelques recherches on ne parvienne un jour à découvrir, dans l’immense
étendue des montagnes où les Égyptiens alloient cacher leurs morts, des caveaux
encore intacts et remplis d’un grand nombre de cadavres embaumés ; on trouverait
dans ces tombeaux beaucoup de momies rangées selon l’ordre dans lequel elles ont
été primitivement placées, et divers objets curieux qui pourraient indiquer la profession
des personnes embaumées : on découvrirait aussi les corps d’animaux
auxquels les Egyptiens accordoient les honneurs de la sépulture, et qui ne nous