devînt par cela seul, aux yeux de la multitude, l’objet d’une plus grande vénération,
1 empereur Constantin en déposséda les temples de Sérapis en faveur des
églises Chrétiennes (i). Les prêtres du nouveau culte, devenus possesseurs de la
coudée de justice, continuèrent de la garder comme l’étalon authentique d’une mesure
primitive, opinion que plusieurs siècles avoient consacrée, et à laquelle la
religion avoit en quelque sorte prêté son appui.
Ceci conduit à expliquer une particularité remarquable que présente la Vulgate
dans le second passage d’Ëzéchiel, qui vient d’être cité : Isioe auiem mensuroe
altaris, dit 1 auteur de cette traduction, in cubito verjssimo, qui continebat cubitum
et palmum. Lépithete verissimo, donnée ici à la coudée septénaire, né se trouve
ni dans le texte Hébreu, ni dans la paraphrase Chaldaïque de la Bible; mais il faut
se rappeler que 1 auteur de la Vulgate, l’un des hommes les plus érudits de son
siècle, passa quelque temps à Alexandrie après le règne de Constantin. Ainsi, en
ajoutant à la coudée d’Ézéchiel la dénomination de très-véritable, il aura voulu
la caractériser dune maniéré plus précise, et consigner, pour ainsi dire, en un
seul mot, les traditions unanimes qu’il avoit été à portée de recueillir en Egypte sur
1 authenticité, ou, ce qui est ici la même chose, sur l’antiquité de la coudée sacrée.
L origine simple et naturelle que nous avons attribuée à la coudée septénaire,
fût probablement bientôt oubliée après l’invention des mesures portatives : pëut-
etre alors ne vit-on plus, dans la division de la coudée en vingt-huit doigts et
en sept palmes, que certains rapports avec le nombre de jours du mois lunaire et
celui des jours de chacune des quatre semaines qui le composent ; mais ces rapports
mystérieux, loin daffoiblir la tradition qui avoit maintenu cette division, la rendirent
d autant plus respectable aux Égyptiens, qu’elle paroissoit dériver des premières
observations astronomiques, et que les phénomènes dont ces observations
avoient constaté le retour, furent toujours, ainsi que l’histoire et les monumens
1 attestent, les principaux sujets de leurs fêtes commémoratives et des cérémonies
de leur culte (2).
hunejussu Constantini in Christianorum ecclesiam depor- placés dans l’exercice de ce droit par des cheikhs de la
tatum Julianus Apostata edukit in templum Serapldis; religion Musulmane, entre les mains desquels il est enrejtrt
Sajomenus, lib. v , cap. l i t . (D e antiquis m e n s u r i s core aujourd’hui. C'est ainsi q u e , malgré les vicissitudes
tn apparatum templi, lib. I , cap. v i l . s e c t . 3. Jablonski, politiques dont l’Égypte a été le théâtre, le privilège de
Panthéon Ægyptiorum, I. IV, c. I I I , Serapis N'doticus.j présider à la mesure de l’inondation a constamment été
( 1 ) Le culte public des anciennes divinités Egyp - laissé aux ministres des diverses religions qui y ont suc-
tiennes ayant été aboli par l’empereur T h éod o se , les cessivement dominé.
premiers Chrétiens, dans l’excès de leur zè le , mutilèrent, Quant à la dénomination de coudée de ju stice, donnée
comme autant d'objets d’idolâtrie, tout ce que les par Clément d’A lexandrie {Stromatum lib. V I ) à la cou-
temples renfermoient, et enveloppèrent les coudées sa- dée que le prêtre appelé portoit dans les pompes
créés dans cette dévastation générale. C e fut probable- sacrées, elle doit s’appliquer à un étalon légal, auquel
ment alors que l'on substitua en Egypte les mesures toutes les mesures usuelles pouvoient être comparées au
Bornâmes aux anciennes mesures, dont l’usage se trouva besoin : c’est indubitablementdanscesensqu’ il est recom-
prosent, et par la haine des prosélytes pour tout ce qui mandé aux Hébreux d’avoir des balances de ju stice, des
leur paroissoit avoir une origine païenne, et par les or- poids de ju s tic e , des mesures de ju s t i c e . -F o n s de verbo
dormances des empereurs, qui voulurent, à cette époque, ad verbum redditur : bilances ju s lk iæ , lapides justifiât,
établir un système métrique uniforme dans toutes les cVhm\i justifiât et hin jusfniæ erunt vobis. {D e antiquis
parties de [empire. Cependant le droit de mesurer et mensuris in apparatum templi, auct. B. Lamy, p. o.)
de proclamer l’inondation du N il fut maintenu parmi _ (2) On peut consulter, sur les nombres sacrés des
les attributions des prêtres Chrétiens, jusqu’à ce que les Egyptiens, et notamment sur le nombre sept, l’OEdipe de
Arabes ayant conquis l’E gyp te, ces prêtres furent rem- Kircher, ftwi./ / , et V Origine des cultes, de M. Dupuis.
Je
Je crois avoir suffisamment justifié l’antiquité de la coudée d’Éléphantine par
sa division en sept palmes et en vingt-huit doigts : je vais maintenant prouver
l’emploi de cette même coudée dans la construction des plus anciens monumens
connus.
Parmi les différens moyens à l’aide desquels on peut arriver à la connoissance
des mesures anciennes , il en est un qui consiste à supposer les dimensions
de certains édifices exactement divisibles par l’unité de mesure qu’il s’agit de
déterminer, et à chercher ce diviseur exact entre des limites plus ou moins
rapprochées.
Quoique ce moyen paroisse d’abord purement conjectural, je pense qu’employé
avec les précautions d’une critique éclairée, il doit conduire à des résultats
aussi certains que la découverte d’un étalon. Quand aucun motif ne semble, en
effet, avoir obligé les constructeurs d’un édifice à faire entrer dans ses dimensions
principales une quantité fractionnaire de l’unité de mesure dont ils se servoieht,
il est très-vraisemblable que cette unité est contenue exactement un certain
nombre de fois dans ces dimensions, et l’on peut aisément distinguer entre tous
leurs diviseurs exacts celui qui doit satisfaire à la question.
Aussi les savans qui se sont occupés de la détermination des mesures anciennes,
n’ont-ils pas négligé d’employer ce moyen ; l’on doit particulièrement à Newton
d’avoir indiqué un des premiers le parti qu’on pouvoit en tirer (i).
J. Greaves, professeur d’astronomie à Oxford, ayant visité en 1638 les pyramides
d’Égypte, remarqua que la forme primitive de la chambre sépulcrale pratiquée
dans la plus grande n’avoit souffert aucune altération, malgré l’antiquité
de l’édifice. Convaincu par cette observation que sa durée se prolongeroit indéfiniment
dans l’avenir , il pensa que le moyen le plus sûr de conserver à la postérité
la véritable longueur de nos mesures actuelles, seroit de les rapporter aux
côtés de cette chambre. Ce fut à dessein de mettre cette idée à exécution, qu’il
les mesura en pieds Anglais avec la plus grande exactitude. Il trouva que le plan
de la chambre sépulcrale étoit un rectangle dont le plus grand côté avoit 34 pieds
Anglais et , et le moindre, précisément sous-double, 17 pieds et Or, si
l’on suppose, avec Newton, que ces deux côtés soient, l’un de 20 coudées, et
l’autre de 10 , on obtient, pour la longueur de la coudée, 1 pied et ,7c'/o
quantité égale à y 23 millimètres (2).
Greaves trouva de même que la largeur de la grande galerie inclinée qui conduit
dans la chambre du sépulcre, étoit de 6 pieds Anglais , lesquels divisés
par 4 donnent précisément 1 pied ' > ou j 23 millimètres , pour la
longueur de la coudée.
MM. Le Père, architecte, et Coutelle, membres de l’Institut d’Ëgyptc et de
la Commission des arts, ayant répété, avec la plus grande précision, les mesures
(1) Isaaci Newtôni Dissertatio de sacro Judoeorum eu- tus definitur. ( Is. Newtoni Opuscula mathematica et p hi-
bito, atque de cubitis aliarum gentium nonnullarum , in . losophica, t. I I I , p. 493.)
qua ex maxima: Ægyptiacarum pyramidum dimensionibus (2) Suivant le rapport assigné par MM. Pictet et
quales Johannes Gravi 11 s invertit, an tiquas Memphis cubi- P ro n y , le pied Anglais esc.de om, 304692.