|j Des Stades itinéraires.
A -t-il existé plusieurs espèces de stades itinéraires chez les anciens peuples,
et quel est le nombre de ces mesures ! telle est la question qu’il importeroit de
bien éclaircir. Parmi les écrivains, soit anciens, soit modernes, les uns ont prétendu
qu il n y avoit eu qu’une seule espèce de stade ; cette idée suppose des erreurs
grossières et presque incroyables dans les mesures géographiques de l’antiquité.
Tombant dans 1 excès contraire, les autres ont imaginé un nombre indéfini de
mesures différentes ; et ils n’ont pas distingué les lieux, les peuples et les temps
auxquels ces mesures ont appartenu. Ce n’est que depuis les recherches de
M. Gossellin sur l’histoire de la géographie des Grecs, qu’on est enfin parvenu à
reconnoître que si, d’une part, les stades n’étoient pas tous d’une grandeur unique,
ils étoient, de l’autre, limités à un petit nombre. C’est alors seulement que cette
espece de chaos a été débrouillé. On ne peut plus révoquer en doute maintenant
que les Grecs, ou voyageurs ou géographes,se sont servis de cinq à six espèces de
stades employées dans les différentes régions de l’ancien monde ; mais ils ne les
ont point distinguées, et ils les ont regardées la plupart comme une'mesure
unique et toujours la même. En effet, dès qu’on a reconnu le module du stade,
on trouve, dans chaque cas particulier, que les mesures itinéraires citées par les
auteurs sont conformes à la vérité.
Mais s il est certain qu il a existé des stades de différens modules, il ne l’est pas
moins qu’ils dérivent tous d’une mesure unique, propre à l’Orient. Le stade n’est
autre chose que le degré terrestre considéré comme unité et divisé de différentes
manières. Suivant les divers auteurs, la circonférence du globe renfermoit autant
de stades que l’expriment les nombres suivans : 180000, 216000, 240000,
270000, 300000 et 400000. La différence des nombres extrêmes prouve qu’il
nés agit pas ici d un seul et meme stade ; en second lieu, ces nombres sont entre
eux dans des rapports extrêmement simples et qui’ne peuvent être le produit du
hasard. Les quatre premiers sont entre eux comme 30, 36, 4 o et 45 ; les deux
derniers sont comme 3 et 4 , ainsi que le premier et le troisième ; le second et le
quatrième sont comme 4 et y , ainsi que le troisième et le cinquième, &c. On
reconnoît là des divisions différentes d’une même grandeur, et rien autre chose.
Le module diffère, et l’unité est la même. Ainsi, pour évaluer les différens stades,
il suffiroit de connoître exactement l’étendue d’un seul. Or la grandeur du stade
Olympique- ou de l’Égyptien, qui étoit compris 216000 fois dans la circonférence
, et .600 fois dans le degré, est connue par plusieurs moyens; il est égal au
sextuple de la largeur du temple de Minerve à Athènes, et son étendue est identiquement
la meme que celle de 1 apotheme de la grande pyramide de Mempliis.
Sa mesure, comme on la vu, est de 184™,722 ; on peut, d’après cela, construire
la table suivante :
NOMS
NOM S D E S A U T EU R S
ET DES PEUPLES
qui ont fait usage des différens stades.
NOMBRE DE STADES RAPPORT
des stades
entre eux.
LONGUEUR
absolue
en mètres.
, dans
la
circonférence.
™ dans
ie >
degré.
Ptolémée ( i ) , Marin de T y r , Posidonius ( 2 ) , les Arabes. l8 0 0 0 0 . 5 0 ° . i . 2 2 1 ,6 7 .
Les Egyptiens, les Grecs (stade Olympique ) ...................... 2 l6 0 0 0 . 600. 6* 18 4 ,7 2 .
Cléomède et aussi Posidonius (3 ) ............................................. 240000. 666^. ?* 166,25.
Les Babyloniens, les Persans, les Hebreux.......................... 27OOOO. •7 50 . * i * L . 1 4 7 ,7 8 .
3OOOOO. 833 f 1 - 133,00.
Aristote (5), Hérodote, Mégasthène, Déimaque, & c ........ 4000 0 0 . 1 1 1 i j . rô* • 9 9 >7 5 *
D ’Anville n’avoit évalué le stade Olympique qu’à 94 toises et demie. Plusieurs
géographes, et sur-tout M. Gossellin, ont reconnu que cette mesure étoit trop
petite ; M. Barbié du Bocage a lui-même ajouté un tiers de toise à l’estimation de
d’Anville (6) : cette dernière valeur de (ou i84m,83) ne diffère que de
11 centimètres de mon évaluation. Il existé d’autres preuves de son exactitude,
et je les ai fournies précédemment; mais il m’importoit de montrer, par le sentiment
des savans les plus habiles, que je ne l’ai pas supposée trop grande, puisque
celle des six autres stades est liée nécessairement avec la première.
Il existe une construction géométrique très-simple, qui appartient à l’Egypte et
qui renferme les six mesures du tableau précédent. 11 est probable qu’elles en dérivent
toutes et qu’elles procèdent par conséquent d’un calcul Égyptien. Ce n’est
pas ici le lieu d’exposer cette construction ; j’en parlerai à l’article des connois-
sances géométriques des Égyptiens (7).
II n’a pas encore été question du stade employé par Ératosthène, Hipparque
et Strabon. Selon eux, la terre avoit 252000 stades de tour , et le degré étoit
de 700 stades (8). Cette division s’éloigne du système des précédentes ; elle paroît
aussi plus récente que les autres (9).
Pline semble n’avoir connu qu’une seule espèce de stade et y avoir rapporté
toutes les mesures. Dans son passage relatif à l’évaluation de la circonférence
du globe par Ératosthène, il traduit en milles Romains les 252000 stades que
celui-ci attribuoit à cette étendue, à raison de 8 stades au mille. Cette proportion
est celle du stade Olympique, et n’appartient point au stade d’Ératosthène,
qui étoit, sans nul doute, sept cents fois au degré (10). Mais il tombe dans une
autre erreur, lorsqu’il ajoute qu’Hipparque corrigea cette mesure de la terre en y
ajoutant un peu moins de x x v mille stades.
Ou ces stades ne sont pas de la même espèce, et alors on ne peut les ajouter; ■
(1) Ptolem. G a p . lib. I , cap. 7 et I I . (7) Voyez clmp. X I I . *
(2) Strab. Ceogr. Iib. II. - (S),Strabon, liv. I I . P lin e , Censorin, Vitruve et
(3) Cicomed. Mtteor. Iib. I , cap. 10. d’autres auteurs attestent l’existence de cette traleur du
(4) Archim. In Arenario. stade.
( ;) Arist. de CWo, Iib. I I , cap. 14. ' (9) J’exposerai plus bas une conjecture sur son origine.
(6) Analyse des cartes dressées pour le Voyage du (10) Voyez ci-dessus, chap. I I , pag. ¡12.
jeune Anacharsis, an 7 , in-4.'
A . 1 G g S S *