
religieuses, et à laquelle on donna taintôt le nom de trompette et tantôt celui de flûte.
Mais il n est pas probable qu’on ait jamais pu confond re ainsi deux instrumens
dont le son est si différent. L a trompette Égyptienne a vo it d’ailleurs un son fo r t
désagréable, puisque Plutarque rapporte qu’il ressembloit au cri de la n e ( i ) , et
que c e to i t même p o u r c e tte raison que les Busirites, les L y co p o lite s e t les habi-
tans d A b y d u s , qui a voien t la n e en ho r reu r , comme représentant à leurs yeux le
mauvais génie T y p h o n , ne v o u lo ien t pas qu’on fît entendre ch e z eux le son de
c e t in s trum en t, tandis qu’au contraire la flûte Égyptienne d ev o it a vo ir un son
très-doux e t très-mélodieux. A u re ste , Démétr ius de Phalère (2), en nous rapportant
que les prêtres Égyptiens adressoient à leurs dieux des hymnes sur les sept
v o y e lle s , lesquelles, dit-il, par la d ou ceu r de leur so n , leur tenoient lieu de flûtes
et de cithares, nous autorise assez à croire que le son de la flûte é to it agréable et
d o u x , et conséquemment très-différent de celui de la trompette.
L e n om de ¡gçbi, qu’Eustathe donne à la trompette É g yp tien n e , d o it , suivant
J a b lon sk i, s’écrire e t se p ron on c e r yy'tér [chônouê]. S e lon ce dernier, ce n’est le
n om ni de la trompe tte c o u rb e , ni de la flûte ph otinx des Égyptiens : mais ce
n om d o it a vo ir appartenu à la flûte droite e t s im p le , appelée motiaule. Jablonski
se fon d e sur ce q u e , dans les livres Q o b t e s , le m o t | j | g [aulos], qui' signifie
une flûte d ro ite , est constamment rendu par le m o t asm [djô], ou c h A s fcstu [cêbI
andjô], ainsi qu’on le trou v e I. C o r . cl,op. x i r , vers. 7 ; e t sur. ce que , p o u r
signifier jouer de la flûte, on é crit aussi, en langue Q o b t e , Epson [erdjô], de même
q u e , p o u r signifier un flû teu r , on trouv e le m o t [repsdjê] dans l’É vang
ile de S. M a th ie u , chap. i x , vers. 23, e t dans l’A p o c a ly p s e , chap. x n u .
Q u an t à la dernière syllabe du m o t [ chônouê] , Jab lonski pense que c’est
le même m o t d on t s’est servi H o ra p o llo (3) ; e t qu’il a écrit »aie. O r , comme notre
auteur l’a p rouv é ailleurs (4), ces m ots o t k , oxes , o xho x [ o u i, ouei, oufou],
en langue É g yp tien n e , signifiant long, éloigné, e t , suivant H o r a p o llo , le m o t
étie signifiant aussi en égyptien un son qui se fait entendre de lo in , il en con c lu t
que so n boxes [djônouei] o u sou b o xh [djônouê] (5) est le nom d’une flûte qui se
fait entendre de loin. Il en trouv e la preuve dans Julius P o IIux , lorsque c e t auteur
appelle la flû te É g yp tien n e , 7roAti(p9oyfos (6) [polyphthongos], sonora, c ’est-à-dire,
( I) Plutarque, D e / s i, etd ’ Osiris, traduction d'Amyo t, » appeloient ira/t. Mon bon et estimable ami la Crozem’a
paf 3* 4. f “ Æ I :an- * animal Iib- “ P- 27- . » très-bien fait observer, il y a plus de quarante ans, que
, Elocunone, pag. 65. „¿„tut d’Horapoilo étoit l’oXES des Coptes, qu’on lit si
(3) Hicroglyph. Iib. I , cap. 29. «souvent dans leurs livres; qu’il signifie pwmiïu , ainsi
(4) On sera peut-être bien aise de trouver ici cet ar- »qu e le dit cet écrivain (Horapollo). Kqrejps. x x t l ,
tic le , et le v o ic i: « O’r A fE fumtpanpih, w w r a , m a f » v . 1 9 ; ps. x , v . i ;E p h . H , v. 1 7 , et plusieurs autres
» A t jv t rW «Ion. C ’est ainsi que s’explique Horapollo, »endroits. O w ii , ou bien en copte OX E t, est doncpro-
» U1. 1 , cap. y . Bochart, in Hieraqplco , part. I , p. 866, ,, prement » puaqOu, ce qui peut se rapporter à plusieurs
» a vainement tenté d’expliquer ce mot par la langue » choses; mais ici il faut sous-entendre »ça,,»'.» Jablonski
»Arabe. Wilkins, Je Lingua CùpKVa, pag. to6,penseque Opusc. tom. I , Vous Ægypt. apudscript. Mer. pag. 190,
est pris pour une voix lamentable, telle qu’est l’oW voce. O’TAIE.
» des Grecs, que les Coptes ont coutume de rendre dans (5) C ’est ce même mot que les Grecs ont écrit v»v#
» leurs livres par 0**ES. Mais les paroles d’HorapolIo si- [chônouê] ou ^mî [chnouê].
» gnifient autre chose. Celui-ci nous apprend que ce n’est (6) Jul. Poil. Onomasticon, Iib. i y , cap. 9 , pag. 1 8 8 , *
» ni un son lamentable, ni une voix quelconque, mais un Instrumenta quoi inflantur,
» son qui se faisoit entendre de lo in , et que les Égyptiens
qu
qui peut être entendue de loin. Il croit que ces flûtes servoient à convoquer les
Égyptiens aux cérémonies religieuses.(1), et rappelle à cette occasion le témoignage
de Synesius (2) et de Claudien (3), qui.parlent des flûtes sacrées des Égyptiens
(4 ). Enfin il prouve, par plusieurs citations de Marius Victorinus (y)‘ et de
Xiphilin, que cette espèce de flûte, au lieu d’être.courbe, ainsi que. l’a prétendu
Eustathe, devoit être droite et longue, et conséquemment différente aussi d’une
autre flûte de la même espèce, mais qui étoit plus courte et qu’on appeloit gingla-
ros. Aussi Julius Pollux, qui.parlc de cette dernière, et qui la regarde comme.une
flûte Égyptienne, dit qu’elle n’étoit propre qua une mélodie simple.
Les Égyptiens eurent donc deux espèces de flûtes droites : les unes longues et
appelées sscuboxes [djônouei] , telles sont celles qu’on voit peintes dans les catacombes
de Gyzeh; et d’autres plus petites, appeléesginglaros, semblables à celles
que l’on voit à Beny-Hasan (6).
A R T I C L E IV .
Du Nom de la Trompette, et de celui de la Flûte courbe, en langue Egyptienne.
E n conférant entre eux les témoignages d’Hérodote, de Démétrius de Phalère,
de Strabon, de Plutarque, d’Élien, d’Apulée, de Solin, d’Athénée, de Pollux et
d’Eustathe, il est facile, dit Jablonski, de s’apercevoir que les Égyptiens n’eurent
point de mot propre pour désigner la trompette. En effet, comme il le remarque
encore, chaque fois que, dans la version du nouveau Testament, les Septante ont
employé le mot tra.A7ny| [sa lpinx], trompette, les Qobtes l’ont toujours rendu
par le même mot c&Ansr’S, [salpinx]I et n’y ont jamais substitué un mot propre
de leur langue. Ainsi, dans le passage suivant de l’Évangile de S. Mathieu, que
les Septante ont écrit, p-l auXnimi <rS [mê salpisês emprosthen sou /, « Ne
» faites point sonner la trompette devant vous ( quand vous faites l’aumône) »,
on lit dans la version Qobte, Auxp Èoj'xz.n îd&sojuk [amper astap chadjôk] : or,
le sens du mot ècjj'tz.h [astap] étant donner du cor, Jablonski présume que le mot
■xz-n étoit le nom d’un instrument en égyptien, et que cet instrument étoit précisément
celui qu’Eustathe a désigné sous le nom deyydri, c’est-à-dire, la flûte courbe.
Cependant nous nous croyons fondés à croire que le mot tait ne signifioit point
une flûte courbe, mais plutôt une trompette de corne, un buccin; du moins c’est-
là le véritable sens que les Qobtes lui ont donné dans leur version de l’ancien Testament
, comme on peut, le voir au verset y du psaume x c vm , où ils ont rendu
(i) Euripide, dans sa tragédie des Bacchantes, confirme
ce sentiment par les vers i6 o et suivans :
Quando dulcisonans Jistula [aûitoV]
Sacra sacros
Ludos sonat.
Cette flûte qu’Euripide désigne sous le nom de lotos,
est évidemment une flûte Egyptienne, de l’espèce de celle
dont il s’agit.
A .
(2) D e Providentia, Iib. I , pag. 66.
(3) D e Consulatu Honorii, v. 574 et 57J.
(4) Euripide en parle aussi dans sa tragédie de s Suppliantes.
(5) Lib. I Artis Grammaticoe, pag. 2487, ed. Putschii.
(6) Voye^ les planches de bas-reliefs des grottes de
Beny-Hasan, dans l’Heptanomide.
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