
SE C T ION IV.
Système métrique des Egyptiens sous les Princes Grecs. — Longueur de la
Coudée Egyptienne, déduite de celle du P ied Romain.
L e s Grecs, qui firent la conquête de l’Égypte, y trouvèrent établi le système
métrique que nous avons exposé dans la section précédente. Soit qu’ils attachassent
peu d’importance à substituer leurs propres mesures à celles des
Egyptiens, soit qu’ils regardassent cette substitution comme impraticable chez un
peuple religieusement attaché au maintien de ses anciennes habitudes, il ne paroît
pas que les Ptolémées aient essayé de lui faire adopter l’usage des mesures
Grecques; ils se bornèrent à dériver de la coudée Égyptienne, par de nouvelles
divisions, ou en la répétant un certain nombre de fois, des unités de mesure qui
eussent avec cette coudée les mêmes rapports que des unités de mesure portant
le même nom avoient avec la coudée Grecque. Ainsi le peuple conquis
continua d’employer celles dont il connoissoit de temps immémorial la grandeur
absolue, et le peuple conquérant se les appropria, en quelque sorte, en leur
appliquant des dénominations qui lui étoient familières.
Héron d’Alexandrie, qui vivoit sous Héraclius, nous a transmis, dans un traité
d’arpentage dont il est l’auteur ( i) , le tableau des mesures Romaines employées
de son temps en Égypte, et l’exposition d’un système métrique plus ancien, dont
il paroît que l’on faisoit encore quelque usage à l’époque où il ëcrivoit. 11 donne
le rapport entre leurs bases respectives ; ce qui en rend la comparaison facile.
Le tableau des mesures, présenté par Héron comme l’ancien système, est, en
effet, le système métrique des anciens Égyptiens, modifié par les Ptolémées. Les
unités qu’ils y intercalèrent ayant été prises dans la série des mesures Grecques,
il convient de rappeler succinctement celles-ci.
L a plus p etite d e ces unité s étoit le doigt.
Q u a t r e d o ig ts comp oso ien t le palme.
L e spithame é to it formé d e trois pa lmes ou d e d ou ze d oig ts ;
L e p ied , d e qua tre palmes ;
> L a coudée, d e six (2) ;
L ’orgyie, d e quatre cou d é es ;
L e p le th r e , d e cen t pieds ;
L e stad e, d e six plèthres.
(1) Le fragment de Héron sur les mesures Egyptiennes
se trouve traduit dans les Analecta Greeca de Montfau-
con , p. 308 et suiv. Ce tte traduction a été faite d’après
le manuscrit de la Bibliothèque impériale coté 1670. Le
même fragment se retrouve encore dans le manuscrit
coté 2649.
• (2) L a coudée des Grecs étoit la coudée naturelle, dont
le rapport à la coudée septénaire étoit celui de 6 à 7 ou
de 24 à 28. C e c i explique pourquoi Plutarque, dans
son Tra ité d’Isis et d’Osiris ( page 1 0 6 traduction de
D . Ricard), et Aristide le rhéteur ( Oratione Ægyptiacâ,
p. 611, interprète Guilielmo Cantero) , rapportent que le
N il croissoit, à Elephantine, de 28 coudées. Cette mesure
est exprimée en coudées Grecques ou naturelles,
précisément équivalentes aux 24 coudées septénaires que
nous avons retrouvées indiquées dans le nilomètre d'EIé-
phantine. Aristide ne laisse aucun doute à cet égard, qiios
( cubitos) supputant Gratci.
On voit figurer, dans ce système, un spithame de douze doigts, et un pied de
quatre palmes, lequel servoit à composer le plèthre et le stade.
Voici maintenant le tableau des mesures de longueur usitées anciennement en
Égypte, suivant Héron :
L e doigt, que l’o n d iv iso it , suivant le b e s o in , en parties plus petites ;
L e palme, d e quatre d oig ts ;
L e d ichas, d e d e u x palmes ;
L e spithame, d e trois palmes ou d e d ou ze d o ig ts ;
L e pied ap p elé royal o u philêtéréen, comp osé d e se ize d oig ts ou d e quatre palmes;
L e p ied Ita liq u e , d e treize d oig ts e t u n tiers;
L e pygon, d e c in q palmes;
L a coudée, d e s ix palmes ou d e v in g t - q u a t r e d o ig ts : o n l’ap pelo it xylopristique, ou coudée
propre à mesurer le bois scié ( 1 ) ;
L e p a s , q u i con ten oit u n e cou dé e e t d e u x tie r s , ou d ix palmes;
L e xylon, d e trois pieds ;
L'aune, d e quatre c o u d é e s , d e six pieds ph ilé té ré en s, o u d e sept pieds Italiques e t un c in q
uième ;
L a canne ou acene, d e s ix cou dées d e u x tiers, d e d ix pieds ph ilé téré en s, o u d e d ou ze pieds
Italiques ;
U am m a k , d e quarante c o u d é e s , d e soixante pieds p h ilé té r é en s , o u d e s o ix a n te -d o u z e
pieds Italiques ;
L e p lethr e, d e d ix a c èn e s , d e so ix an te -s ix coudées d e u x tie r s , d e c e n t pieds philétéréens , et
de cen t v in g t pieds Italiques ;
L e jugere, d e d e u x p lè th r e s , d e v in g t acène s , d e cen t trente-trois cou dées un t ie r s , e t de
d eu x cents pieds philé téré ens, ou de deu x cen t quarante pieds Italiques ;
L e stade, de six plèthres, d e soixante a c èn e s , de qua tre cents co u d é e s , d e s ix cents pieds philété
ré en s, e t de sept cen t v in g t pieds Ita liques ;
L e diaule, d e dou ze plèthres ou de d eu x s tad e s , d e cen t v in g t a c èn e s , d e huit cents co u d é e s ,
d e d ou ze cents pieds ph ilé té ré en s, et d e mille quatre cen t quarante pieds I ta liq u e s;
L e m ille , de sept stades et d em i, d e qua rante-cinq p lè th re s , d e quatre cen t cinquante a c èn e s ,
d e sept cen t cin quan te au n e s , d e mille huit cents p a s , d e trois mille c o u d é e s , d e quatre
mille huit cents pieds philé téré ens, ou cin q mille quatre cents pieds Italiques ;
E n fin le schene de quatre m ille s , ou de trente stades.
Malgré les lois portées par les empereurs pour l’introduction des mesures
Romaines en Égypte, les habitans de cette province, ennemis de toute nouveauté
, continuèrent d’employer entre eux celles qui leur avoient été transmises de
(1) Nous avons v u , au commencement de la section
111 de ce Mémoire, qu’après l’invention des mesures
portatives, la coudée septénaire fut divisée en vingt-
quatre doigts pour les usages ordinaires de la vie civile.
Cette division-fit bientôt oublier l’ancienne; et les Juifs;
après leur dispersion, ne conservèrent que la tradition d’une
coudée de six palmes, qui étoit celle du sanctuaire. D ’un
autre côté, comme ils savoient, par les livres d’Ézéchiel,
que cette coudee sacrée étoit d’un palme plus longue que
la coudee naturelle, ils furent conduits à supposer celle-ci
de cinq palmes seulement; erreur dans laquelle il leur fut
d’autant plus facile d’être entraînés, que , le Décalogue
leur ayant défendu de faire des statues et de tailler des
images, ils restèrent dans une ignorance absolue des proportions
du, corps humain, dont les Egyptiens et les Grecs
avoient fait une étude approfondie.
* A .
C e sont les rabbins Moyse Maïmonide, Bartenora, Go-
dolias, & c . cités par Edouard Bernard ( Deponderibus et
mensuris antiquorum, pag. 215 ) , qui paraissent avoir imaginé
les premiers une coudée naturelle de cinq palmes.
C e tte opinion erronée, adoptée par Arias Montanus
(D e mensuris sacris, Lugduni Batavorum, 1593 , p .u j J ,
par le Jésuite Jean Mariana (D e ponderibus et mensuris,
T o le t i , 15 9 9 , P aS‘ 121 ) > Par Jacques Capelle
( D e mensuris intervallorum, Francofùrti, 1607, pag. 2 4 ),
a été également suivie depuis par Villalpande, Edouard
Bernard, B. L am y , Fréret, P a u c to n ,e t plusieurs autres
métrologues : mais il est évident que, la coudée naturelle
étant composée de six palmes, la coudée sacrée ou du
sanctuaire, d’un palme plus lon gu e, devoit en contenir
sep t, ainsi que l’ont pensé Robert C en e au , George
A gricola , Daniel Engelhardt et Charles Arbuthnot.
E s