
cependant convenir sous plusieurs rapports a un espace de plus de huit myriamètres
{dix-sept Jieues] de longueur, et large de deux myriamètres .[quatre lieues], tel que
celui qu occupoit ce lac autrefois. Une surface d’eau douce d’environ soixante lieues
carrées, dans 1 intérieur du territoire, et presque dans le désert, étoit assez grande
pour sembler un golfe et justifier 1 épithète Cl admirable que lui donne Strabon.
La dernière mesure que nous trouvions dans les anciens, est celle de Pom-
ponius Mêla, qui ne donne au Moeris que vingt milles de circuit ( i ) : cette mesure
est évidemment trop foible, et les savans s’accordent à dire que le texte est- cor-
îompii. Dans 1 édition de Vossius, elle est corrigée par cinq cents milles, j’ignore
sur quel fondement. Il est préférable de croire que le mot de centum a été oublié
par les copistes ; et si le nombre étoit d’abord en chiffres dans les manuscrits, la
supposition seroit encore plus probable : or cent vingt milles font, à très-peu de
chose près, le circuit du lac de Moeris, tel que nous l’avons assigné (2).
Quant aux sentimens des modernes sur ce point, il seroit impossible d’en faire
1 examen, et même l’énumération; la plupart ont embrassé une opinion où la
grandeur du lac de Moeris est exagérée. J’ai cité Bossuet; je citerai aussi l’auteur
d un ouvrage sur les merveilles du N il (3), qui s’exprime ainsi, d’après Sabellicus :
Vastitatem httjus lacûs inde est conjicere, quod, Nilo senis mensibus expoto, vix expleri
potuent; quod septem dierum navigarione, adverso N ilo , à mari navigants sit. Ce n’est
pas là le passage le moins étrange de ce livre singulier.
Pour discuter le reste du passage d’Hérodote, j’examinerai en premier lieu ce
qu’il dit de la direction du lac de Moeris. Après avoir observé que sa longueur va
du nord au midi, il ajoute plus bas qu’il forme un coude à l’occident, se porte
vers le milieu des terres, le long de la montagne, au-dessus de Memphis, et se
décharge, au rapport des habitans du pays, dans la syrtc de Libye, par un canal
souterrain (4).
La première partie de cette description présente une grande difficulté contre
le Birket-Qeroun; car la plus grande dimension de ce lac n’est pas du nord au
sud. Mais, pour setre trop attachés à la lettre de ce passage, plusieurs ont établi
des hypothèses qui conviennent sous un seul point de vu e , et qui pèchent sous
tous les autres. On n a pas fait attention qu’Hérodote étoit le seul qui prolongeât
le Moeris du nord au sud, et que Diodore, Strabon, Pline, Ptolémée, Mêla et
les autres anciens n’en ont pas parlé : cependant plusieurs, et Strabon entre autres,
se sont étendus sur ce lac ; s’il y eût eu quelque remarque à faire sur sa direction ’
le géographe ne 1 auroit peut-être pas négligée.
_ Pococke fait observer, dans une dissertation latine sur la géographie de
l’Egypte, qu’on ne doit pas s’arrêter à cette assertion d’Hérodote, et qu’on ne peut
en conjecturer rien autre chose, sinon que le lac étoit, dans l’origine , répandu
dans la vallée du Bahr-belâ-mâ, et que c’est là l’issue qu’il avoit dans la syrte de
(1) Pomp. M ê la , l. 7 , c .s . ( V o y e z infrh, p. , , 4. ) vingt stades près, les dix-huit cents stades dont il s'agit
(2) L e mdU dont il s agit, comme je le ferai voir (3) Marc. FM . Wendelhd Archipulatim Admiranda
ailleurs, vaut environ quatorze fois et huit dixièmes le N M , Francofuni, 1623.
petit stade Egyptien; donc cent vingt mille, fon t, à (4) Hérod.7. / / , f . z t f « / ¿ ..(V o y e z ,« jW ,
Libye, derrière les montagnes de Memphis (i). Mais il est tout aussi vraisemblable
quHerodote, nayant pas observé par lui-même ce canton reculé, et n’ayant pas
vu le lac au-delà de la ville des Crocodiles, aura été trompé sur sa direction
ou peut-être qu’il en aura jugé par celle du large et ancien ravin qui va aujour-
dhu, dHaouarah aTamyeh, se dirigeant en effet du sud au nord, et qu’il pouvoir
considérer comme une partie du lac.
Par la même raison, le coude qu’il attribue au lac de Moeris, vers l’occident
doit se prendre au point de Tamyeh, à l’ancienne embouchure du ravin; car, à
ce point, le lac se porte effectivement à l ’ouest, vers le milieu des terres, et le long
de la chaîne de montagnes, au-dessus de Memphis.
Ceux qui cherchent le Moeris dans un canal parallèle au N il, ne peuvent se
flatter de satisfaire ainsi à la condition «juimpose Je passage d’Hérodote : et l’opi-
mon de Gibert, qui distingue soigneusement un canal et un lac, est principalement
i c i en défaut ( 2 ) ; car c’est bien du la c, et non point du canal, que notre auteur
indique la direction du nord au midi (3).
Si l’on ne peut détruire en entier la difficulté que présente ce passage à cause
de la contradiction qu’il renferme, plusieurs considérations très-simples peuvent
la diminuer de beaucoup : la première, c’est qu’on ne sauroit trouver ailleurs que
dans le lac du Fayoum une convenance essentielle avec le Moeris, celle de se
porter a l’occident, le long de la montagne de Libye, et de communiquer avec
la syrte d Afrique; en second lieu, comment trouver dans l’Égypte supérieure,
ou meme comment imaginer un lac qui puisse à-la-fois se diriger du nord au sud
et se jeter dans tes sables de la Libye, après avoir suivi, vers l ’ouest, une chaîne de
montagnes placée au-dessus de Memphis! Admettant une contradiction dans le
passage d Hérodote, il doit être permis, suivant les règles d’une saine critique, de
s’en tenir à ce qui est conforme à la disposition de l’Égypte, en négligeant ce’qui
na aucune vraisemblance. Est-il à croire, en effet, que, dans le dessein de rendre
un service à l’agriculture, on lui ait enlevé un espace considérable, en creusant du
midi au septentrion un lac immense dans une vallée si étroite ! En outre, n’étoit-il
pas plus facile à notre auteur de se méprendre sur la direction générale d’un lac
qui se contourne de l’est vers le sud-ouest, que sur sa proximité par rapport à
telle ville ou telle montagne ! Ainsi le passage entier dont il est question, s’accorde
avec le local de l'Egypte, et convient au Birket-Qeroun, excepté un seul
point qui ne convient à aucun lac existant ou ayant laissé de véritables traces de
son existence. Il résulte de cet examen, que si, dans le passage d’Hérodote, on
omet ce qui choque la vraisemblance, le lac du Fayoum satisfait à tout le reste;
ce qui pourroit demeurer d incertitude, s’évanouira facilement par les preuves
suivantes.
Recherchons maintenant si Xemplacement du Birket-Qeroun convient à celui que
donne Herodote au lac de Moeris. II y avoit, selon lui, sept jours de navigation
depuis la mer jusqu’à ce lac, en remontant le fleuve (4 ). Comme il fîxe la journée
(1) Pococke, d . Gagmphm Ægypti. (3) Hérod. I. u , $ H s . ( V o y e z ¡ „ f i i , p. „0 . )
( 2) M o n . de 1 A c a d . des ms cr. in -4 .» , t. X X V I I I . (4 ) H é rod . I. t l , c . 4. { V o y e z û f i i , p . )