la pyramide revêtue : on peut observer seulement que cette mesure est conforme,
suivant l’ordre des temps, à celle de Pline qui vient d’être examinée, et à celle
d’aujourd’hui. En effet, le progrès de la dégradation a dû aller en croissant depuis
l’antiquité jusqu’à nos jours. «
Dans le premier cas, les auteurs de la pyramide, voulant éviter la destruction
d’une pointe trop aiguë, auroient formé exprès une petite plate-forme de 6 coudées.
Or cette mesure, d’après notre évaluation, seroit de 2”,771. Si l’on regarde
cette dimension comme la base d’une petite pyramide, et qu’on en calcule l’apothème,
on trouve pour celui-ci a", 2 2 ; cette mesure est presque égale à la longueur
du sarcophage de la chambre du Roi.
Dans la seconde supposition, il est possible que sur le centre de la plate-forme,
fixée à dessein à cette hauteur, il y eût un cippe dont l’extrémité représentoit la
sommité même de la pyramide : la mesure totale de l’apothème venoit aboutir à
cette cime.
Il n’y a pas à penser qu’on eût placé une statue quelconque sur un espace
aussi étroit; car elle eût été imperceptible à une si grande hauteur. Les Égyptiens
n’ont jamais sculpté de figures de cette espèce, eux qui en exécutoient de si colossales
placées à la hauteur de la vue.
La conséquence de cette discussion est que la mesure générale de la pyramide
n’éprouve point de changement, ou même qu’elle est confirmée par l’existence
de la plate-forme de 6 coudées citée par Diodore, de quelque façon qu’on
l’envisage.
§. IX.
Application des Résultats aux Passages des Auteurs Arabes.
J E finirai cet article en rapportant quelques mesures des auteurs Arabes ] qui
confirment pleinement tous les résultats que j’ai exposés.
Abou-l-Farage rapporte que la grande pyramide est longue et large de yoo-
coudées ; c’est précisément ce que j’ai avancé dans ce chapitre. La coudée de
0,462 étant multipliée par y 00, reproduit exactement la longueur de la base. Ce
passage est d autant plus précieux, qu’il prouverait seul à priori la valeur de la
coudée Égyptienne. L ’auteur n’avertit pas de l’espèce de la coudée qu’il emploie;
mais on chercherait vainement dans tous les systèmes métrologiques une mesure
de cette grandeur.
Le même auteur rapporte que cette pyramide a 250 coudées de haut ; ce qui
semblerait d’abord infirmer le résultat précédent; car la hauteur verticale est
plus que moitié de la base. Cette hauteur, étant de i 4 4 "”>19 4 > comme on l’a vu
pag. / 1 7 , fait 312 coudées et quart, pareilles aux précédentes, et non 250. Mais
1 explication est palpable ; c’est que l’auteur à donné ici sa mesure en coudées nouvelles,
ou pyk belady (1). En effet, le pyk belady valant o" ,5 7 7 7 , ayo pyk font
144m.4 ; ce qui est, à o“ ,2 près, la hauteur de la pyramide.
(1) Abou-I-Farage a puisé son recueil dans plusieurs sources différentes; il aura pris la base de la pyramide dans
un ouvrage, et la hauteur dans un autre.
Autrement, le pyk belady vaut une fois et un quart l’ancienne coudée; or 2yo
multipliés par i -j font 312-4 Voilà, sans doute, un résultat bien satisfaisant et
d’une grande précision, au lieu d’une difficulté qu’on auroit pu supposer au
premier coup-d’oeil (1).
Les 3 17 coudées citées par A ’bd el-Rachyd el-Bakouy, pour la hauteur de
la pyramide, ressemblent beaucoup au nombre que nous venons de rapporter, de
3 12 coudées et demie ; si l’on joint à l’axe Ies’4 coudées du socle, la somme fait
3 16 coudées et quart.
Ces deux derniers passages font voir, pour le dire en passant, que les Arabes
savoient calculer les triangles avec beaucoup d’exactitude ; car 6n 11e pouvoit
atteindre que par le calcul à la connoissance de l’axe de la pyramide.
A ’bd el-Latyf [liv. r , ch. iv,pag. i j j , trad. de M. de Sacy) rapporte « qu’un homme
» instruit dans l’art de prendre les mesures donnoit à la hauteur perpendiculaire de
» la grande pyramide 3 17 coudées environ, et à chacun des côtés des quatre plans
» triangulaires qui s'inclinent sur cette perpendiculaire, 460 coudées. » Avant il dit
« qu’il y a un plan supérieur de dix coudées de côté. »
Ces mesures sont exactes, si l’on y applique la valeur de la coudée ancienne,
de om,4 6 2- La hauteur verticale étoit, avec le socle, de 316 coudées et quart,
comme on vient de le voir. La longueur de l’arête, et c’est de cette ligne qu’il
s’agit visiblement, est de 4 7 1 coudées; si l’on en retranche la longueur de l’arête
de la petite pyramide, dont 1 o coudées feroient la base, arête qui seroit d’environ
94, il restera 461 4. et en nombre rond 460.
A la vérité, A ’bd el-Latyf croit qu’il y a erreur dans la mesure, et trouve qu’on
auroit dû donner 4 oo coudées à la perpendiculaire. Mais, 4 oo coudées étant en
effet la hauteur des faces ou des plans triangulaires, tout se trouve expliqué parfaitement
; gar il laisse subsister la mesure de 3 17 coudées, laquelle ne peut
absolument s’appliquer qu’à la hauteur verticale de la pyramide.
A u commencement de l’article, A ’bd el-Latyf dit que, selon ceux qui ont pris les
dimensions des deux grandes pyramides, la base de chacune d elles a 4 ° ° coudées,
et leur hauteur aussi, à la mesure de la coudée noire : mais l’auteur n’admettoit pas
ces mesures, sans doute parce qu’il reconnoissoit que les deux pyramides y étoient
confondues. Dans les notes sur ce passage ( pag. 21 <> ) , M. de Sacy remarque, 1.° que
Mohalli rapporte les mesures de 3 17 et 460 coudées, et qu’il donne 9 coudées
au plan supérieur; 2.0 que Joseph ben Altiphasi, dans son Histoire de l’Egypte,
et Ebn Salamas, donnent aussi 3 17 coudées de hauteur à la pyramide, et 460
coudées à chacun des côtés des triangles équilatéraux qui en forment les plans inclinés. La
concordance est parfaite; mais ici, par équilatéraux, il faut entendre isocèles.
(1) M. Silvestre de S a c y , qui rapporte ce passage
dans son Mémoire sur les pyramides, le traduit ainsi:
« Nous avons vu des mausolées êtonnans sur les tom-
» beaux des anciens rois ; nous avons regardé par une
»ouverture qui étoit faite dans, l’un de ces édifices, et
» qui est profonde de 50 coudées, et nous avons reconnu
» que ce sont des pierres de taille disposées par lits, lis
A ,
» ont par le bas 500 coudées de large, sur une égale lon-
»gu eur, à la mesure de la co u d é e ....(a ), formant une
»figure carrée, et leur élévation est de 250 coudées.
» Les pierres que l’on a employées pour les construire, ont
» d e 5 à 10 coudées, & c . » ■
(a ) « I l y a ici un mot effacé que je n’ai pu deviner.» (Note de M. de
Sacy.) Le mot efface signifie probablement coudée des temps antiques.
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