manifeste, et dont il ne sera plus permis de douter, si la superficie quelle occupe,
exprimée par les anciens en jugères, coïncide avec cette même superficie exprimée
■en unités de mesure agraire que l’on sache avoir été employées autrefois en
Egypte, ou que l’on y retrouve aujourd’hui.
Pline rapporte que la grande pyramide couvroit une surface de huit jugères.
Ce t auteur, que nous avons trouvé si parfaitement instruit de la longueur du
cote de sa hase, le seroit-il moins dans l’expression qu’il donne de sa superficie!
MM. Le Pere et Coutelle ont trouve, comme nous venons de le dire, 232™.67
pour.la longueur de ce coté : la surface de la base de la pyramide est, par
conséquent, de 5 4 -135m-3:2-8c) , dont la huitième partie, formant le jugère de
Pline, équivaut à 6y66m.ÿ 1 surface.
Or 1 unité de mesure agraire usitée encore aujourd’hui dans plusieurs cantons
de la basse Egypte, et notamment dans la province de Damiette, contient en
superficie 6Syym.^S ; c est-a-dire, ne diffère du jugère de Pline que de 110 mètres
carrés, ou de la 62.' partie de ce jugère (t) ; différence peu sensible, et qui
sexplique aisement par 1 altération inévitable que les mesures de longueur ont pu
souffrir pendant un laps de dix-huit siècles.
Ainsi les observations modernes se réunissent pour confirmer le compte rendu
par Pline des dimensions de la grande pyramide, soit qu’il assigne le côté de sa
base, soit qu’il en indique la surface.
Un degré de précision aussi remarquable porte naturellement à croire que la
même exactitude se retrouve dans le passage de cet auteur où il parle de la
deuxième et de la troisième pyramides. Mais ce n’est pas ici le lieu de nous
engager dans la discussion à laquelle l’examen de ce passage pourroit nous
conduire; il nous suffit d’avoir, par celle qui précède, fait connoître l’authenticité
des mémoires où Pline a puisé les renseignemens que nous lui devons sur les
plus anciens monumens de-l’Égypte.
Il falloit, pour restituer au témoignage de cet historien la confiance quai
mérite, retrouver un étalon de l’ancienne coudée Égyptienne. La connoissance
de cette coudée va nous conduire encore à fixer enfin l’opinion sur la mesure de
la terre attribuée à Ératosthène.
C e philosophe, auquel l’école d’Alexandrie doit une partie de sa célébrité, y
fut appelé par Ptolémée-Évergète. Revêtu, pendant quarante-cinq ans, dç la dignité
de président du musée et de la bibliothèque qui étoient établis dans cette ville, il
recueillit, dans les annales des sciences dont il étoit dépositaire, les connoissances
des temps antérieurs, et devint l’homme le plus érudit de son siècle : géographe,
astronome, historien, il écrivit sur la chronologie, composa un traité des sections
coniques, et donna une solution qui lui est propre; du problème fameux de la
duplication du cube (2).
E)es travaux aussi multiplies, sur des objets aussi diffèrens, lui procurèrent la
(■) Eiÿ'fç mon Mémoire sur l'aménagement des terres ( i) Voj/t^ la Bibliothèque Grecque de Fabricius, à
de la province de D am iette, imprimé au Kaire en l’article A’Eratonhmi.
I an v i , tome I . " de la Décade Egyptienne.
grande réputation dont il a joui : mais il la doit sur-tout à l’opération par laquelle
il entreprit de mesurer la longueur d’un arc du méridien terrestre ; opération dont
la hardiesse étonna l’antiquité, et que Pline regardoit comme appuyée de combinaisons
si subtiles, qu’il auroit été honteux de ne pas croire à l’exactitude de
ses résultats (i).
La perte des ouvrages d’Ératosthène nous laisse malheureusement aujourd’hui
d a n s l’ignorance presque absolue des précautions de détail qu’il prit pour imprimer
à sa mesure de la terre le caractère de précision qui lui fut généralement accordé.
On est réduit à recueillir, dans les récits isolés de différens auteurs, les principales
circonstances et les procédés fondamentaux de cette opération.
Les anciens astronomes employoient, pour déterminer la distance du soleil
au zénith, un hémisphère concave, sur le fond duquel s’élevoit verticalement un
gnomon qui avoit son extrémité supérieure au centre même de l’hémisphère. Le
soleil étant parvenu au méridien, l’ombre du gnomon couvroit, sur l’intersection
du plan de ce grand cercle et de l’hémisphère concave, un arc précisément égal
à celui qui étoit compris entre le Zénith du lieu de l’observation et le centre
du soleil, puisque cet arc mesuroit évidemment l’angle formé par la verticale et
les rayons solaires.
Au moyen de cet instrument, appelé scaphê, Ératosthène observa, le jour du
solstice d’été, à Alexandrie, que le soleil étoit éloigné du zénith d’un arc égal à
la cinquantième partie de la circonférence. Il avoit observé d’ailleurs que, ce jour
même, à Syène, le gnomon ne donnoit point d’ombre; c’est-à-dire, que le soleil,
à midi,, correspondoit au zénith de cette ville; et comme il la supposoit sous
le même méridien qu’Alexandrie, il en conclut que l’arc terrestre compris entre
ces deux villes étoit aussi la cinquantième partie de la circonférence entière,
c’est-à-dire, de sept degrés douze minutes.
Cléomède , qui nous a conservé ces deux observations d’Ëratosthène (2),
remarque que, suivant l’opinion reçue, l’ombre solsticiale du gnomon pouvoit être
nulle sur un arc du méridien terrestre de trois cents stades de développement;
ce qui auroit laissé quelque incertitude sur la vraie position de Syène par rapport
au solstice, si l’on se fût borné à la déterminer par une seule observation : mais il
ajoute qu’Ératosthène, ayant observé les projections méridiennes de l’ombre du
gnomon dans le scaphê à Alexandrie et à Syène, le jour du solstice d’hiver,
reconnut que la différence de ces deux projections étoit le cinquantième de la
circonférence entière; e t, comme cette différence devoit être constamment la
meme, et qu’il put s’en assurer par des observations journalières faites d’un
solstice à l’autre pendant plusieurs années, on doit admettre que cet astronome
connut I étendue en degrés de l’arc compris entre Alexandrie et Syène, avec
toute la précision que comportoit l’instrument qu’il employoit.
Il ne restoit, pour déterminer la grandeur de la terre, qu’à mesurer, par une
(1) Improbum ausum, verùm ita subtili computatione (2) Cleomedis Meteora, Iib. I , cap. 10 , de terree magnieoinprehensum,
ut pudeat non credere. (Piin. Histor. natur. tudine.
Iib. 11, cap. 108.)