
autres ouvrages de verrerie, dans la fabrication desquels l’Êgypte excelloit : ils y
vendoient encore du plomb, du cuivre, du fer et de letain qu’ils tiroient de
■l’Angleterre. Ils recevoient en échange des perles, des diamans, de l'ivoire, des
peaux d’animaux et des esclaves noirs.
Les commerçans qui se rendoient dans l’Inde, ou dans la Taprobane (que l’on
croit être 1 île de Ceylan), se chargeoient en Égyptè à-peu-près des mêmes cargaisons
que les précédons; ils rapportoient en retour des diamans, des saphirs et
d autres pierres precieuses, des étoffes de soie qui étoient alors tout-à-fàit inconnues
en Europe, des toiles de coton, et sur-tout une immense quantité de perles,
de belles écaillés de tortue, de l’ivoire, et assez souvent des éléphans vivans.
Les vents de la mer Rouge étant réglés d’une manière, constante, les embar-
quemens se faisoient toujours à la même époque. Pline et Arrien (t) remarquent
qu ils avoient lieu un peu avant la canicule, ou au plus tard immédiatement après,
et les flottes rentroient dans le port vers le solstice d’hiver : ainsi leurs rensei-
gnemens sur ce point sont tout-à-fait conformes à ce que l’on observe aujourd’hui.
C H A P I T R E II.
Exposé des Questions de géographie comparée relatives à cette partie de
l Histoire du Commerce.
§. I ."
E n changeant la direction du commerce, Ptolémée Philadelphe avoit donc
substitué à la navigation lente et pénible d’une mer étroite et remplie d’écueils,
celle du Nd, plus commode, plus prompte sans danger ; et enfin les marchandises
de llnd e, débarquées sur le côté opposé de la Troglodytique, traversoient
les déserts de l’isthme de Coptos, comme auparavant elles traversoient ceux de
l’isthme de Suez ou d’Héroopolis, Strabon donne sur cette route des détails inté-
ressans, et marque d’une manière bien positive les points de départ et d’arrivée
des caravanes : « De même, dit-il, que cet isthme est terminé par deux villes du
» côté de la Thébaïde, Coptos et Apollinopolis parva, il l’est aussi par deux autres
» du côté de la mer Rouge, Bérénice et Muris-statio (2). »
Dans 1 origine, les caravanes, voyageant sans trouver d’asile dans toute l’étendue
de cette route, emportoient avec elles toute l’eau nécessaire pour le .voyage; mais
Ptolémée Philadelphe fit creuser des puits de distance en distance, et construire des
espèces de caravanserads ou de mansions fortifiées, qui renfermoient des logemens
pour les hommes, et un vaste emplacement pour les bagages des caravanes.
A ces renseignemens, qui sont précis et d’un grand secours pour reconnoître
aujourd hui les lieux décrits par les anciens , ajoutons une autre donnée : c’est que,
voyageant au sud du golfe où étoit placée Bérénice, on rencontroit bientôt une
( ') Aman . Peripl. mar. Erythr. apud Giogr, minores, duisît de Coptos à ces deux dernières villes; mais son
(2) ne du pas expressément que la même voie cou- passage ne permet guère de supposer quece fûtautrement.
île connue anciennement sous le nom d'Opliiodes, et qui prit, sous les Ptolémées,
le nom de Topaçps, à cause des pierres précieuses que l’on y découvrit et que
l’on y exploita pendant le règne de ces rois. Vers ces mêmes parages se trouvoit
aussi une montagne célèbre sous les mêmes rapports, nommée par Ptolémée
montagne des Emeraudes.
C ’est Strabon que j’ai sur-tout suivi dans cet exposé, non-seulement parce qu’il
est ici le plus détaillé et en général le plus exact, le plus judicieux des historiens-
géographes de l’antiquité, mais encore parce qu’il est constant qu’au lieu de se
borner à compiler les renseignemens des écrivains antérieurs, il parle aussi d’après
ceux qu’il a pris lui-même dans la ville de Coptos, où il a séjourné; ce que l’on
nepourroit pas dire des différens auteurs qui ont écrit sur ce sujet : il est infiniment
probable qu’aucun n’a voyagé ni sur la mer Rouge , ni dans la Thébaïde, si ce n’est
peut-être Agatharchides, dont le témoignage (1) est d’ailleurs entièrement d’accord
avec celui de Strabon.
§. I I .
Si nous n’avions de renseignemens que ceux qui nous sont fournis par ces deux
géographes et par Diodore de Sicile, il n’y auroit jamais eu de contestation sur
la position de tous les points dont je viens de faire mention, et Bérénice auroit
été placée, d’un commun accord, tout proche du parallèle de Coptos; mais ce
qui seroit fort clair dans ce cas, devient fort équivoque lorsque l’on voit tous les
autres écrivains, en parlant de la latitude de Bérénice, placer unanimement cette
ville sous le tropique (ou sous le parallèle de Syène), lorsque l’on voit tous’
les itinéraires anciens compter douze journées de marche de Coptos à Bérénice,
évaluer cette route à environ deux cent soixante milles Romains, rapporter jusqu’aux
noms des douze stations ou mansions militaires que Ptolémée Philadelphe
avoit bâties sur cette route, et indiquer jusqu’à leur distance respective; renseignemens
qui, en apparence très-précis et bien d’accord entre eux, ne peuvent
cependant avoir de sens qu’autant que Bérénice seroit réellement sous le tropique.
Frappé de l’accord de ces preuves, d’Anville a adopté cette dernière position,
qu il semble s’être attaché d’une manière toute particulière à établir; et son opinion
a été suivie par les personnes qui ont écrit depuis sur ce sujet; néanmoins, après
1 examen du lo cal, il m’a paru tout-à-fait évident que la route choisie et pratiquée
pendant si long-temps par les caravanes anciennes aboutissoit réellement
en face de Coptos, précisément comme l’indiquent Strabon, Diodore de Sicile
et Agatharchides ; et c’est-là ce que je me propose de faire voir ic i, en montrant
également à quoi tiennent toutes les contradictions.
Comme un certain nombre de positions ont d’intimes relations avec cette
route , savoir, i:° le port de Myos-hormos, 2.° le grand golfe Acathartus ou
le Sinus immundus, 3.° l’isthme de Coptos, 4 -° l’île de Topazos et le Smaragdus
titotis, ou la montagne des Emeraudes, nous commencerons par déterminer la
( ') -Agatharchides, de mari Rubro, apud Geograph, vet. script. Groec. min. tom. I ,p 54.