d’homme : nous résolûmes de les visiter. Des habitans du pays, que nous nous
étions rendus favorables par la distribution de quelques pièces d’une petite monnoie
appelée medin, nous servoient de guides : ils nous conduisirent d’abord à la grotte
la moins considérable ; la , ils nous dirent que, si nous voulions leur faire un présent
, ils nous montreroient une autre grotte plus belle. Le présent fut aussitôt
accordé : nos guides nous firent parcourir successivement plusieurs grottes, en
renouvelant dans chacune l’annonce de choses encore plus curieuses et la demande
d’un présent. Nous arrivâmes ainsi à une grotte plus grande que toutes
celles que nous avions vues jusqu’alors ; elle étoit couverte de peintures bien
conservées et consacrées à des scènes familières : c’étoit la première fois que nous
voyions de ces sortes de représentations; nous les parcourions avec avidité et avec
toutes les démonstrations d’une curiosité exaltée. Quand nos guides nous virent
bien animés, ils dirent que nous étions dans la grotte du Vizir; mais que celle du
Sultan, que nous n’avions pas vue, lui étoit infiniment supérieure en grandeur
et en beauté. Nous leur demandâmes où'elle.étoit; ils répondirent quil nétoit
pas permis de la montrer. Nous les conjurâmes d’avoir cette complaisance; ils
résistèrent encore pour irriter notre désir : quand enfin ils furent surs d obtenir
tout ce qu’ils demanderoient, ils firent connoître le prix qu’ils mettoient au
service qu’ils alloient nous rendre ; nous leur accordâmes facilement ce prix, qu’ils
croyoient excessif. Dès qu’il eut été promis, on nous conduisit vers la grotte du
Sultan ; elle étoit à trois pas de là : nos conducteurs nous en montrèrent 1 entrée
en souriant, reçurent leur paiement, et allèrent partager le produit des impôts
qu’ils avoient levés avec tant de talent sur notre impatiente curiosité.
La grotte Soultâny est effectivement plus grande que celle du Vizir; elle est
aussi plus riche en peintures. En la comparant avec l’autre, il nous sembla que
les dénominations par lesquelles on les a distinguées marquent assez bien la préé:
minence de la première sur la seconde. L ’assimilation à la dignité de sultan et à
celle de vizir est une manière de parler que les Arabes emploient souvent pour
marquer les degrés de comparaison : on seroit dans l’erreur s i, regardant ces
dénominations comme l’indice d’un souvenir transmis d’âge en âge, on pensoit
que les deux’ grottes ont été creusées et décorées, l’une par les ordres dun roi,
et l’autre par les soins de son ministre.
On se fera une idée de la grandeur et de la forme de la grotte Soultâny, en
jetant un coup-d’oeil sur la planche 6 7 , où l’on a gravé une vue de son intérieur,
et en examinant le plan et les deux coupes qui se trouvent planche y : . La forme
de la coupe numérotée 17 règne dans toute la profondeur de la grotte; elle en
représente l’entrée, par laquelle la lumière du-jour trouve un large passage qui lui
permet d’éclairer toutes les parties de l’intérieur. Dans un réduit pratiqué au fond
de la grotte, l’on voit trois figures assises; elles sont en ronde bosse, et presque
entièrement détachées du rocher dans lequel elles ont ete taillees et auquel elles
tiennent encore : elles sont assez bien conservées, a 1 exception de celle qui est
assise à la gauche, dont la face a été entièrement mutilée.
Les grottes d’Elethyia n’égalent ni en grandeur ni en magnificence celles de
Thèbes, qui, à proprement parler, sont de vastes palais souterrains, où l’architecture
est exécutée, dans l’ensemble et dans les plus petits détails, avec un soin
et une correction admirables. Les deux grottes qui nous occupent, tirent tout
leur prix des peintures dont leur surface est ornée. Ces peintures représentent
des scènes champêtres, des occupations domestiques, des cérémonies de divers
genres et les procédés de plusieurs arts; c’est comme un livre que les anciens
Égyptiens nous ont laissé pour nous instruire d’une grande partie des habitudes et
des travaux qui composoient chez eux l’économie de la vie civile.
L ’intérieur des grottes est recouvert d’un enduit ou stuc sur lequel les figures
sont sculptées en relief..La gravure fait très-bien sentir le genre de ce relief peu
saillant et presque entièrement plat ; les figures humaines sont, sauf quelques exceptions
, dans la proportion de vingt-cinq centimètres. Tout le bas-relief est peint :
mais le coloris se réduit à un petit nombre de teintes plates et crues ; on n’y voit
ni ombres ni demi-teintes. La planche coloriée 70 donne une idée fort juste de
cette sorte de peinture.
Le bas-relief le plus important se trouve dans -la grotte Soultâny, sur le
parement qui est à gauche en entrant. On en a fait une copie qui a été gravée
planche 68. Ce tableau, et généralement tous ceux qui existent, soit en relief,
soit en couleur, sur les monumens de l’ancienne Égypte, présentent des fautes
choquantes de dessin, une violation continuelle ou plutôt une ignorance absolue
des règles de la perspective ; on y remarque que les artistes Égyptiens réussissoient
mieux à la représentation des animaux qu’à celle des hommes. Malgré tous ces
défauts , ils expriment nettement ce qu’ils ont intention d’exprimer, et leurs
compositions sont pleines d’action et de chaleur.
C e bas-relief présente une grande variété d’objets ; on y compte près de deux
cents personnages. L ’explication que je vais entreprendre seroit pénible à suivre,
si nous ne nous faisions pas une méthode pour reconnoître et pour indiquer avec
précision, au milieu de cette multitude de figures, celle qui sera le sujet du discours.
Il faut remarquer d’abord que le tableau se divise en cinq bandes horizontales
qui en comprennent toute la hauteur. Pour distinguer ces bandes, on a
placé des chiffres Romains sur les marges latérales, aux extrémités des lignes Sur
lesquelles reposent les figures. Si l’on parcourt dans le sens horizontal les bandes
dont la planche est composée, on y verra que les sujets changent assez souvent,
et que le bas-relief est l’assemblage de plusieurs tableaux contenant la représentation
d’actions différentes. Afin d’être en état de désigner sans équivoque les sujets
que je voudrai considérer, j’ai fait placer, dans les marges supérieure et inférieure ,
des lettres pour indiquer des points de démarcation d’où partent des lignes verticales
qui existent dans les peintures originales aussi - bien que dans la gravure , et
qui font dans ce sens la délimitation des différens tableaux; enfin, pour plus de
précision, j’ai donné un numéro à chaque figure ou groupe. Le lecteur ne doit
pas perdre de vue que ces numéros sont étrangers au bas-relièf, et qu’ils ont été
mis sur la gravure pour la commodité de l’explication.