
portât te nom de Topaçps, une de ses portions se trouve désignée par celui de
Smaragdus nions, et que ce dernier nom soit employé de préférence par un astronome
qui veut indiquer un point précis.
CHA P I T R E VII.
S ’i l a existé une Route directe de Coptos au Tropique.
L es auteurs anciens n’offrent aucun passage (i) qui contrarie ce que nous
venons d’établir. La position de Bérénice est liée aux quatre précédentes, comme
on a vu plus haut ; et tous les passages qui marquent explicitement ce rapport,
concourent à placer cette ville au même point; savoir,
1.° A peu de distance du port de Myos-hormos,
2.° A l’extrémité de l’isthme de Coptos,
3.° Au fond du golfe Acathàrtus,
4 .“ Et à une journée de navigation au nord de l’île de Topaçps et du Smaragdus
mons.
Il est donc bien singulier qu’en même temps tous les passages qui marquent
sa position d’une manière plus absolue, s’accordent pour la placer soixante lieues
plus au sud, précisément sous le tropique.
Pour guider au milieu de ces contradictions, nous avons déjà exposé les motifs
qui ont déterminé les anciens dans le choix de ces positions, ainsi que l’importance
et la durée de ce commerce; faisons maintenant la comparaison des deux routes.
En plaçant Bérénice à l’extrémité de l’isthme, l’ancienne route depuis Coptos
eût été de quatre à cinq jours d’une marche modérée ; les caravanes actuelles la
font même ordinairement en trois, mais par une marche forcée. Dans le second
cas (Bérénice étant sous le tropique), la route, si toutefois il en existe de praticables
pour de grandes caravanes, ne sauroit être moindre de douze journées de
marche. Pour bien apprécier cette différence, il faut connoître par expérience les
difficultés des longs trajets dans le désert.
Au lieu de supposer, comme chez nous, les avantages d’un climat tempéré, les
ressources d’une terre cultivée où régnent, avec l’abondance et la sûreté, les commodités
de toute espèce, que l’on se représente le dénuement où se trouvent les
caravanes dans ces lieux absolument stériles, et les fatigues qu’elles éprouvent surtout
pendant l’été. Qu’on se les peigne sous leurs charges pesantes, cheminant
d’un pas lent et uniforme, tantôt sur une plaine aride et sablonneuse, tantôt entre
des montagnes escarpées, parmi des amas de rochers nus et brûlans; exposées
du matin au soir, sous le ciel découvert du tropique , à toute l'ardeur du soleil
et à celle d’un sol embrasé; sans asile la nuit, comme sans abri durant le jour;
ne prenant, étendues sur le sable ou sur les rochers, qu’un sommeil léger; forcées
même, pour abréger leurs souffrances, de continuer leurs marches au milieu de
( i) Je crois impossible d’en citer un seul, je ne dis pas formellement opposé,, mais assez équivoque pour donner
lieu à une objection raisonnable.
l’obscurité ; parmi tant de fatigues, jamais ne trouvant de nourriture fraîche, et,
ce qu’il y a peut-être de plus insupportable , tourmentées sans cesse d’une soif
ardente que ne peut apaiser une eau tiède que des outres imprégnées d’huile ont
rendue fétide. A ces inconvéniens joignez encore la continuelle appréhension de
se voir tout-à-coup assailli, pillé, égorgé même par les hordes nomades errant aux
environs, ou par les tribus lointaines d’Arabes guerriers qui, attirés par cette riche
proie, traversent rapidement les déserts ; dangers qu’aucune prudence ne sauroit prévenir
constamment , et qui se multiplient en raison du trajet qu’il faut parcourir.
Dans une pareille situation, il n’est pas naturel assurément que des commerçans
préfèrent, toutes choses égales d’ailleurs, une route de douze journées de marche
à une de quatre qui rempliroit le même but : j’ai dit toutes choses égales ; niais,
quand il existeroit une route de Coptos au tropique, traversant une si vaste étendue
de déserts montueux , suivant une direction qui n’est pas celle des vallées
principales, elle ne sauroit, indépendamment de la longueur du chemin, être aussi
facile que les routes de l’isthme, où l’on ne rencontre aucune pente rapide. Les
mansions militaires construites par Ptolémée Philadelphe diminuoient les difficultés
du voyage, sans doute; mais ce secours, qu’il ne faut pas s’exagérer, se rédui-
soit à fournir un logement aux soldats qui escortoient les caravanes, et à celles-ci
de l’eau dans quatre ou cinq endroits (i).
Bérénice étant sur une côte déserte, les caravanes devoient porter avec elles,
en quittant l’Égÿpte, les vivres et les autres provisions nécessaires, non-seulement
pour le trajet, mais encore pour le séjour et pour le retour. Chaque chameau
devoit donc être chargé du poids de sa nourriture, de celle des conducteurs, &c.
pour vingt-cinq ou trente jours; ce qui excède déjà les deux tiers de sa charge ordinaire.
On se persuade assez communément en Europe, que cette charge peut être
de huit, dix et même douze quintaux : cela est vrai pour quelques individus et
pour de très-petits trajets; mais dans de longs voyages, quoi qu’en aient dit les
voyageurs les plus recommandables, tels que Chardin, Tavernier, Shaw, &c. il
est très-certain que la charge moyenne d’un chameau n’est que de trois à quatre
quintaux. Les caravanes qui partent aujourd’hui pour la mer Rouge, ne portent
pas davantage, quoique leur trajet ne soit que de trois journées; celles du mont
Sinaï, avec lesquelles j’ai également voyagé, se chargent encore moins, parce
qu’elles doivent marcher péndant neuf à dix jours de suite : des caravanes chargées
de vivres pour trente jours ne pourroient donc faire presque aucun commerce
d’exportation. Celles qui viennent aujourd’hui en Egypte, de l’intérieur de l’A frique
, entreprennent, il est vrai, des trajets beaucoup plus longs : mais il faut
prendre garde que la plupart traversent, de distance à autre, des lieux habités où
elles renouvellent une partie de leurs vivres; qu’elles n’entreprennent ces Voyages
qu’une fois l’an au plus; que leurs chameaux trouvent dans divers endroits du désert
de quoi subsister, ce qui ne sauroit avoir lieu dans une route fréquentée conti-
nuellebnent; que d’ailleurs ces caravanes n’arrivent en Egypte qu’avec des fatigues
et des souffrances incroyables ; qu’elles perdent souvent un cinquième, quelquefois
( 1 ) Plin. Hist. nat. Iib. VI.