A Thèbes, parmi les sculptures de la belle porte devant laquelle se trouvoit
une longue avenue de sphinx et de beliers, qui conduisoit de Louqsor à Karnak,
on remarque un sacrificateur dont la main droite, armée d’une massue, est levée
pour assommer un homme que l’on tient prosterné devant deux divinités dont
les ôrnemens et les attributs annoncent Osiris et Isis. Aux vêtemens et à la barbe
de la victime, on reconnoît qu’elle appartient à une nation dont les combats
contre les Égyptiens, et la défaite, sont sculptés en bas-relief sur les murs du grand
édifice de Karnak. Dans un autre tableau qui se trouve sur une porte située à
1 opposite de la précédente, vèrs le nord, un homme de la même nation est immolé
devant un serpent.
Au temple de Denderah, sur la fitee qui regarde l’e st, quatre victimes sont
immolées devant Isis et Osiris ; elles sont à genoux et enchaînées : le sacrificateur
enfonce le crâne de l’une d’elles avec une pique. Un spectacle encore plus horrible
est représente parmi les sculptures dune porte isolée qui subsiste debout, à
quelque distance du grand monument de Denderah. Deux hommes enchaînés
par les coudes sont agenouillés devant un dieu ; le sacrificateur les assujettit dans
cette position en appuyant son pied sur leurs jambes, et il s’apprête à enfoncer
sa pique dans leur tete. Un lion est place entre les jambes du sacrificateur pour
devorer les victimes; deja sa gueule a saisi le bras d’un de ces infortunés.
Ces sculptures me semblent prouver qu’il fut un temps où les Égyptiens immo-
loient des victimes humaines, et que même, après avoir renoncé à cette barbare
coutume, ils nont pas cru leur honneur intéressé à en abolir le souvenir. On peut
objecter, il .est vrai, que, pour etre autorisé à tirer une pareille induction de ces
bas-reliefs, il faudrait mieux connoître l’intention dans laquelle ils ont été sculptés;
que, peut-être, ces tableaux n’étoient que des symboles dont nous ignorons au-
jourdhui la signification; que l’action que je prends pour un sacrifice, pourrait
netre que le supplice dun criminel condamné par les lois, et que l’on met à mort
avec un appareil solennel, propre à faire sur la multitude une impression salutaire.
Ces raisonnemens disparaissent devant un passage de Plutarque qui lait connoître
l’empreinte du sceau avec lequel on marquoit les boeufs mondes choisis
pour les sacrifices. Voici ce passage, traduit par Amyot : « Les prêtres, qui se
» nomment les scelleurs, venoient marquer le boeuf de la marque de leur sceau 3
» qui é to it, comme 1 écrit Castor, 1 image d un homme à genoux ayant les mains
» liees derrière et lepee a la gorge (1). » Lanalogie de cette image avec les attitudes
des victimes dans les tableaux que je viens de citer, lève, je crois, toute
espèce de doute sur l’intention dans laquelle ces tableaux ont été faits et sur leur
véritable sens. Cette intention paraît si clairement dans l’empreinte du sceau,
que des savans a qui les monumens dont je viens de parler étoient inconnus ,
n’ont pas balancé à regarder cette empreinte comme formant une preuve décisive
de l’ancien usage d’immoler des hommes.
Le savant Jablonski, tout disposé qu’il étoit à disculper les Égyptiens de cette
( ') T raité d’Isis et d’Osiris, f . 2 8 , traduction d'Amyo t, édition de M. C la v ie r, P a r is , 1802,
barbarie, n’a pu cependant désavouer les faits attestés par les historiens ; mais il
s’est efforcé de les expliquer dans un sens favorable à ce peuple : il a supposé que
les sacrifices humains furent introduits, contre le gré du corps sacerdotal, à
1 époque très-éloignée où les rois pasteurs établirent en Égypte leur domination
tyrannique et cruelle. Jablonski aurait, sans doute, abandonné cette explication,
s il avoit connu les sculptures que je viens de citer; les sacrifices humains y sont
mêlés avec les scènes religieuses les plus respectées : ce rapprochement suffisoit
pour les sanctifier aux yeux de la multitude, et pour en perpétuer l’usage. Les
pretres n y auraient pas consenti, si les sacrifices humains leur avoient paru aussi
abominables et aussi sacrilèges qu’à nous 1 et s’il étoit arrivé que la tyrannie des
rois pasteurs leur eut forcé la main à cet égard, ils n’auraient pas manqué, dès
que cette tyrannie se fut évanouie, d’efiàcer ces monumens de la servitude des
Egyptiens et de la profanation de leurs temples.
Il paraît donc démontré, s’il est permis d’employer ce mot en de semblables
matières, il paraît démontré, dis-je, que la religion des anciens Égyptiens a admis
l’immolation des victimes humaines.
S O M M A I R E
D U M ÉM O I R E P R É C É D E N T .
T , . - pag’
lMPOBTANCE des grottes dEIethyia pour la counoissance des antiquités Egyptiennes. 49*
Arrivée a Elethyi.a et première vue des grottes, le 20 septembre iyp'p............................ ibid.
Forme intérieure de la grotte principale, état des bas-reliefs et des peintures.................... 50.
De l art du dessin et de .la counoissance de la perspective che£ les anciens Egyptiens 51.
Notation établie pour faciliter l’explication du grand bas-relief. ............................... ibid.
Tableaux relatifs à l’agriculture...................................................................................... .. ç 2.
Labourage ; houe Égyptienne, symbole souvent répété dans la langue hiéroglyphique. . . . ibid.
Signification de ce symbole; il est l ’emblème du labourage..................................................... y y.
Origine et premiers rudimens de la charrue.......................................................................... ibid.
Première espèce de charrue ; elle est traînée par des hommes....................... : ................... ibid.
Deuxième espèce de charrue ; elle est traînée par des boeufs, mais dépourvue de moyens de
direction *..................................................................................................................... ibid.
Troisième et quatrième, espèces, de charrues, pourvues de moyens de direction................. cA.
Maniéré dont les boeufs étoient attelés.................................................................................. ibid.
Refiexions sur la découverte de la charrue............................................................................... y y.
Quel est le peuple à qui l ’on doit cette découverte........................................................ ibid.
Ensemencement des terres .......................................................................................... ibid.
Remarque sur la manière dont les figures sont disposées dans le tableau............... '. . . c 6.
Char Egyptien; explication d’un symbole hiéroglyphique....................................................... ibid.
Récolte......................................................................................... ibid.
Refiexions sur lespèce de blé cultivée dans l’ancienne Égypte; la moisson....................... 57.