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plupart des Hébreux nés eil Égypte fussent morts; il les avoit entendus plusieurs
fois regretter leurs fers, et il sentoit combien il étoit difficile de donner un
esprit national à des hommes de diverses-races peut-être, et nés dans l’esclavage
Il employa ce temps à les soumettre à des lois convenables à leur position et à
ses desseins, et il y réussit. Quand on songe à la difficulté de cette entreprise
on est tenté de mettre ce législateur au-dessus de tous les autres ; car non-seulement
il enleva des esclaves à leurs maîtres, mais encore il en fit une nation
célébré et impérissable. Si ses conquêtes et celles de ses successeurs ne peuvent
m m Î M I CtrieUr imPom n ce ’ se co“ parer à celles que -firent Mal,omet
d , eS - “ “veC des moyens et dans une position à peu près semblables, c’est
quau temps de Moïse, des nations puissantes, des peuplades guerrières, occu-
poient la Syrie, la Perse, l’Egypte, l’Arabie.; tandis que, lorsque Mahomet parut
J,empire colossal des Romains, celui des Perses, après s’étre partagé le monde
s ecrouloient de vétusté, et que les peuples soumis par eux et fctigués d’esclavage
croyoïent rompre leurs chaînes en passant sous de nouveaux maîtres : c’est enfin
que Moïse, pour maintenir des esclaves en corps de nation, fut obligé de leur
inspirer! horreur des étrangers ; sentiment qu’ils portèrent au point d’aimer mieux
les exterminer que les convaincre, et qu’ils flétrirent même les nouveaux convertis
jusque dans leur postérité, en n’accordant qu’à la dixième génération le droit
d entrer dans l’assemblëe du Seigneur ; tandis que Mahomet, soumettant à l’islamisme
les Arabes, qui, depuis la plus haute antiquité, avoient un esprit national
bien prononcé, put employer la force et la persuasion à se faire des prosélytes,
les admettre a tous les droits des anciens croyans, et accroître ainsi ses troupes
victorieuses des soldats des nations vaincues.
Moïse ainsi que nous l’avons dit, s’occupa plus de trente-huit ans, depuis la
Victoire des Chananéens (i), à soumettre les Hébreux à ses lois. Au bout de ce
temps il essaya de nouveau de s’établir en Syrie. Prenant une route différente
de celle quil avoit suivie lors de sa première expédition, il marcha à l’est du
lac Asphakite, en évitant toutefois de passer sur les terres du roi d’Édom
dont ,1 redoutoit la puissance (2). Moïse s’étoit ménagé, de ce côté, l’appui ou
au moins la neutralité de plusieurs peuplades, en publiant que les Hébreux avoient
avec eux une origine commune, et en promettant de respecter leurs possessions
et de payer jusqua leau que Ion boiroit en traversant leur territoire (3)
Attaqué dans sa marche, il remporta plusieurs victoires signalées, et s’empara
une contrée fertile situee à la gauche du Jourdain : là, sentant ses forces s’af-
foiblir, il voulut encore rendre sa mort utile à ses desseins. Il annonça au peuple
que Dieu lui avoit refusé d’entrer dans la terre promise, pour avoir une fois, une
seule fois, doute de sa puissance (4 ), et il proclama, au nom de l’Éternel, Josué
pour s on successeur. Ayant gravi les monts d’Abarim et de Nébo, il montra de
la main aux Hébreux la terre qui seroit la récompense de leur valeur, et sur-tout
J , 1] * “ '” " " ' d »Pi« v. 4 6 ; chap, a , (3) Z W n , „ „ m, , chap, a,
(a) Nombres, chap. ao. v M Nombril, chap. ao,v. 12..Dmtêrmomr, chap.3 2 ,
de leur foi religieuse. Je me représente ce vieillard vénérable sous les traits du
Moïse de Michel-Ange, dans l’église de Saint-Pierre in vincoli, à Rome ; son front
sillonné par l’âge a seulement plus de calme ; ses yeux ont conservé leur feu et
ont plus de douceur ; la main du temps a respecté la majesté de ses traits ; ses
dents, blanches comme l’ivoire (i), sont ombragées par une barbe épaisse qui
descend sur sa poitrine. Il marche avec lenteur, mais avec assurance: sa pâleur
et ses regards dirigés vers le ciel annoncent seuls qu’il va quitter la terre pour une
plus sainte demeure. Les guerriers, les femmes, les enfans, les esclaves même,
l’entourent avec inquiétude : d’une voix inspirée, il leur prédit Jeürs destins à
venir ■; il les bénit ; la foule tombe à genoux ; et lorsqu’il annonce sa mort,
des gémissemens et des sanglots éclatent de toutes parts ; il leur dit un dernier
adieu, et s’éloigne. Le peuple s’est penché pour le suivre : d’un seul geste de Sa
main défaillante, il les retient à leur place; qui oseroit désobéir à ce favori du
ciel, au moment où il va se réunir à l’Éternel ! On ne le vit plus reparaître ; et
Josué, l’unique confident de ses desseins, et sans doute de sa dernière résolution,
ramena les tribus d’Israël dans la plaine de Moab, où elles pleurèrent trente
jours leur législateur et leur père.
Je ne pousserai pas plus loin mes recherches : la génération qui passa le Jourdain
étoit étrangère à 1 Egypte, et son histoire ne se rattacherait pas suffisamment au
plan de cet ouvrage.
Je terminerai par cette réflexion, que tout ce que nous venons d extraire du
Pentatèuque, est tellement vraisemblable êt coïncidé si parfaitement avec le récit
des auteurs profanes, qu’il est impossible que cet ouvrage ait été enfanté, comme
on a voulu le prétendre, par l’imagination d’Esdras ou d’Helcias, dans des vues
politiques et religieuses. Ges prêtres Juifs auraient d’ailleurs donné aux Hébreüx
des ancêtres riches et puissans ; ils eussent parlé de victoires, et non de défaites.
Quand on invente l’histoire de sa nation, l’amour-propre est là qui dicte chaque
phrase.
(1) « Moïse avoit six vingts ans lorsqu’ il mourut : sa vue ne baissa p o in t, et ses dents ne furent point ébran-
» Iées. » [Deutéronome, chap. 34 , v. 7.)