veroit l’antériorité du zodiaque des Égyptiens. En effet, à quelle époque ceux-ci
auroient-ils amplifié une production Grecque, pour la graver sur leurs temples!
Il est tien plus naturel de croire que les Grecs, pour composer leur sphère, ont
choisi parmi les nombreuses constellations des Égyptiens, les plus remarquables,
ou celles qui convenoient le mieux à leur mythologie. Le témoignage suivant
d’Achille Tatius est positif à cet égard (i) : In Ægyptiaca sphæra, neque draco in
caisum nominaque siderum venit ; neque ursoe , neque Cepheus ; sed alice sunt simulacrorum
forma, nominaque illis indita : ita neque in Chaldeeorum astrologia. Groeci porro voca-
bula ista de insignibus heroibus transtulerunt, ut comprehendi et agnosci faciliits passent.
CHAPITRE III.
D e l ’Origine des Noms des Constellations ; de l ’Epoque des Monumens
astronomiques d ’E sné, et de l'Établissement du Zodiaque.
§. I."
Des douze Constellations zodiacales.
Il est facile de remarquer que les constellations ne ressemblent pas aux personnages,
aux animaux ou aux objets dont elles portent les noms. Les seuls
exemples contraires que l’on pourroit citer,.sont peut-être la couronne boréale, qui
est assez bien représentée par l’assemblage d’étoiles auquel on a donné ce nom ;
les gémeaux, qui le sont aussi convenablement par deux étoiles à peu près de la
même grandeur ; l’arc du sagittaire et le scorpion, dont les formes ont quelque analogie
avec la situation des étoiles dans les constellations qui sont ainsi appelées.
Un si petit nombre d’exceptions ne peut suffire pour faire croire que les noms des
astérismes proviennent des contours fortuits que l’on auroit cru reconnoitre aux
groupes d étoiles qui les composent ; et il est évident que ce n’est pas dans le ciel
qu’il faut rechercher l’origine de ces dénominations.
Les douze signes du zodiaque ont attiré presque uniquement l’attention des
savans qui se sont occupés de recherches sur l’astronomie des anciens ; et l’on a
trouvé les motifs de leurs noms, en comparant les époques des travaux de l’agriculture
et du changement périodique des saisons, avec les différentes apparences
de la sphère céleste (2). Par une application ingénieuse de cette remarque au
climat de l’Égypte, Dupuis fait remonter l’établissement du zodiaque à une
époque extraordinairement ancienne, à celle où le solstieé étoit dans le capricorne,
c’est-à-dire, à treize mille ans au moins avant J. C.
Cependant comment admettre une semblable antiquité, lorsque l’histoire, les
monumens et la fable même, sont muets pendant un si grand nombre de siècles!
Dupuis, que cette difficulté n’a point arrêté, expose pourtant (3) les raisons
(1 ) P e ta v . Uranolog. pag. 1 6 4 . beaucou p de faits qu i n’av o ien t p o in t é té o b s e rv é s , e t
•(2 ) M .F o u r ie 'r , qui a tra ité c e suje t d ans ses R e ch e rch e s les a rapprochés av e c un soin particu lie r,
su r les monumens a stron om iq u e s, a r e cu e illi en E g y p te (3 ) Origine des cultes•, tom . 1 1 1 , part. i . rc, pag. 3 4 0 .
que I on pourroit donner pour expliquer son système, sans avoir recours à une si
haute antiquité. Une de ces raisons mérite une attention particulière, d’autant
plus que Dupuis, après l’avoir développée, ne la combat par aucune objection.
Voici les expressions de ce savant et ingénieux écrivain : « On pourroit dire
» que les inventeurs du zodiaque avoient placé les symboles représentatifs de
» l’état du ciel et de la terre dans chaque mois, non pas dans le lieu qu’occupoit
33 le soleil, mais dans la partie du ciel opposée; de manière que la succession des
» levers du soir de chaque signe eût réglé le calendrier et eût exprimé la marche
» des nuits, comme le disent Aratus et Macrobe. L ’invention de l’astronomie
33 appartiendrait encore incontestablement à l’Égypte, mais ne. remonteroit pas
33 plus loin que l’époque où le taureau étoit le signe équinoxial du printemps, deux
33 ou trois mille ans avant l’ère vulgaire. Ainsi, dans cette hypothèse, lorsque le
33 soleil, en conjonction avec le taureau, arrivoit le soir à l’horizon, le premier
33 signe qui se trouvoit alors à l’orient au-dessus de l’horizon, et qui finissoit de
33 se lever, eût été la balance ; et l’ascension de cette constellation eût ainsi désigné
33 l’équinoxe de printemps. De même l’entrée du soleil au lion eût été marquée le
33 soir par le lever total et acronyque du capricorne; l’entrée au verseau ou au
33 solstice d’hiver, par l’ascension du cancer; l’entrée au belier, répondant aux
33 moissons, par le lever du soir de l’épi, ainsi des autres; et tous les emblèmes
33 recevroient le même sens. 33
Cette explication est celle dans laquelle nous nous renfermons : c’est, d’après les
témoignages de l’histoire, la seule que l’on puisse admettre ; et d’ailleurs, il est
certain que les premières observations furent celles des levers acronyques ou du
soir. Ces observations étoient plus naturelles et plus faciles, et on les retrouve
encore souvent en usage dans l’Orient. Ainsi les mois chez les Indiens ne
prennent pas leurs noms des signes ou des constellations que le soleil parcourt
dans ces mois, ni des natchtrons où la lune se renouvelle, mais de ceux qui leur
sont opposés : le calendrier Chinois est réglé de la même manière (1).
Cependant les noms de quelques constellations furent aussi donnés d’après
1 observation de leurs levers cosmiques. L ’hydre, par exemple, qui se levoit
avec Sirius et le lion, et qui s’étend jusqu’à la balance, représentoit le Nil,
dit-on, parce qu’elle correspondoit aux trois signes que le soleil parcouroit lors
de l’inondation : aussi remarque-t-on que la tête du capricorne se levoit
quand celle de l’hydre se couchoit, et que les dernières étoiles de cette constellation
ne disparoissoient que lorsque le noeud des poissons sortoit de l’horizon.
Les extrémités des tuyaux des fontaines en Égypte portoient l’effigie du lion (2).,
et les gouttières des terrasses du temple de Denderah sont terminées de la même
manière, parce que le lion est le signe sous lequel le Nil sortoit de son lit, c’est-
à-dire, dans lequel le soleil se trouvoit lors du débordement du fleuve': ceci se
rapporte, comme on v o it, à une observation de lever du matin. Enfin on sait
avec quel soin et quelle exactitude les Égyptiens ont observé le lever héliaque
de Sirius. L ’observation des levers du matin n’étoit donc pas étrangère à leur
f i ) Zodiaque chron. pag; 1 4 e t 1 ; . (2 ) P Imarch. de Iside et Osiride, pag. 3 6 6 .