
Delta ( i) , qu’il avoit été observé par les anciens Égyptiens, tandis qu’il échappa
vraisemblablement dans la suite aux étrangers dont ce pays devint la conquête ;
ce qui ne doit point étonner, si l’on fait attention qu’ils étoient beaucoup moins
avances que nous dans la connoissance des lois de l’hydraulique , et que nous
avons vu , dans le dernier siecle, un savant distingue contester l’existence du
phénomène dont il s’agit (2).
Ainsi, pendant que les Romains tenoient garnison dans Syène et consultoient
le nilomètre d’Éléphantine, ils durent regarder l’extrémité supérieure de la vingt-
quatrième coudée comme le terme invariable de la plus haute inondation; et si,
à cette époque, quelque crue vint à surmonter ce terme en vertu des lois de la
nature, ce fut pour eux le signe indubitable de la faveur du ciel pour l’empereur
régnant et le gouverneur de la colonie; objets dune prédilection toute particulière,
dont il entroit dans les moeurs antiques de transmettre les noms à la postérité
avec la mémoire de 1 evenement heureux qu on attribuoit à leur fortune
Ces conjectures sont appuyées d’un témoignage précieux, conservé dans une
inscription Grecque, gravée immédiatement au-dessus de la vingt-quatrième coudée,
à la suite d’un trait horizontal représentant la limite même d’une inondation
extraordinaire dont on a voulu conserver le souvenir :
AOTKIOT Ce.mV.IOT CeOTHPOT
6.TCEBOTC IIEPTINAKOC C&BACTOT
TOT KTPIOT em OTATHOT ÜPIMIANOT
TOT AA^IIPOTATOT HTE/zONOC.
.................................. IIAAAICTOI A AAKTT.
Cette inscription, traduite littéralement, signifie :
Sous l ’empire de Lucias Septime Sévère, P ieux, Peninax, Auguste, et le gouvernement
d ’Ulpius Primianus...........................................................
Qitatre palmes.........................doigts.
Une seconde inscription, au commencement de laquelle quelques lettres sont
effkcees, et qui porte le nom dun certain Lucius, gouverneur de l’Égypte sous
1 un des Antonins, étoit sans doute relative à quelque grande inondation qui eut
lieu sous cet empereur.
(I) « Menés, dit H érodote d'après les renseignemens » II portera aussi le même jugement de tout le pays qui
" 11 avoit rei " s des Prê,r“ d’Héliopolis, fut le premier » s'étend au-dessus de ce lac jusqu'à trois journées de
..homme qui eut régné en Egypte. D e son temps, toute » n a viga tion, quoique les prêtres ne m’aient rien dit de
»1 E g yp te, a ! exception du nome T h éb a ïqu e, n’étoit ..semblable : c'est un autre présent du fleuve L a na-
.. qu un marais; alors il n’y paroissoit rien de toutes les » ture de l'Égypte est telle, q u e ; si vous y allez par eau
» terres qu on y voit aujourd'hui au-dessous du lac Mue- .. et qu’étant encore à une journée des côtes, vous jetiez
- n s , quoiqu il y ait sept jours de navigation depuis la » la so n d e en mer, vous en tirerez du limon à onze or-
» mer ,usqu a ce lac en remontant le fleuve. » gyies de profondeur : cela prouve manifestement que le
.. C e qu ils me dirent de ce pays me parut très - rai- .. fleuve a porté de la terre jusqu’à cette distance. » ( H é -
» sonnable. T o u t homme judicieuz qui n’en aura point radote, lio. i l , traduction de M . Larcber, t. 11 p. 4 . 1
.. entendu parler auparavant, remarquera, en le vo y an t, (z) Mémoire de Fréret sur l ’accroissement et Vélélation
.. que 1 E gyp te, ou les Grecs vont par mer , est une du sol do l ’Égypte par le débordassent du N il. Académie
..terre de nouvelle acquisition et un présent du fleuve, des inscriptions, tomeX P I page j;o
..............................i i h ..................
AT eoc TOT ICTPIOT
em AOTKIOT
enAPXOT AirrnTOT. ;. a . . .
ANTONINOT ICA
Mais ce n’est pas seulement parce que ces inscriptions constatent une époque
où l’on se servoit du nilomètre d’Ëléphantine, qu’elles méritent d’être recueillies,
c’est particulièrement aussi parce qu’elles fournissent un moyen certain d’assigner
la quantité dont le fond du Nil s’est exhaussé depuis cette époque.
On en conclut, en effet, que, pendant le règne de Septime Sévère, quelques
inondations surmontoient l’extrémité de la dernière coudée, extrémité qui, lors
de la construction du nilomètre, marquoit sans doute leur plus grande hauteur:
or nous ayons reconnu, par un nivellement exact, que cette extrémité se trouve
aujourd’hui à 24.1 centimètres au-dessous des plus fortes crues; d’où il suit que
le fond du Nil s’est exhaussé de cette quantité depuis l’érection du monument,
ou d’environ 21 1 centimètres depuis la date de l’inscription.
Septime Sévère parvint à l’empire l’an 193, et mourut l’an 211 de l’ère vulgaire
: si donc on suppose que l’inscription ait été gravée vers le milieu de son
règne, le fond du N i l , en face de Syène, se sera élevé de 211 centimètres en
seize cents ans; ce qui donne 132 millimètres d’exhaussement par siècle.
Quoique les plus hautes inondations surpassassent déjà l’extrémité de la dernière
coudée dès le temps de cet empereur, on continua néanmoins de faire usage
du nilomètre d’Éléphantine, tant qu’il indiqua les crues moyennes, dont le retour
est le plus fréquent. Il paroît même qu’il servit encore lorsque l’Égypte eut embrassé
le christianisme ; c’est du moins ce que semble indiquer une croix Copte gravée
au-dessus de la vingtième coudée, où les premiers Chrétiens la placèrent peut-
être comme une espèce de talisman contre des inondations trop foibles.
Quant à la construction de cet édifice, je ne crois pas qu’on puisse en faire remonter
la date au-delà des Ptolémées. Les caractères numériques qui distinguent chaque
coudée, prouvent qu’il est l’ouvrage des Grecs, sans qu’on puisse s’autoriser des
hiéroglyphes et de l’allégorie sculptée sur un des murs de la chambre supérieure,
pour lui donner une plus haute antiquité.
L’usage d’un nilomètre marquant les plus hautes inondations lors de son établissement,
doit nécessairement se borner a l’espace de cinq ou six cents ans,
passé lesquels on sera obligé de l’abandonner ou d’ajouter de nouvelles divisions
au-dessus des anciennes, pour racheter les divisions inférieures devenues inutiles
par 1 exhaussement du lit du fleuve et du sol de la vallée.
Ici les faits s accumulent ; et je pourrois, anticipant sur une matière dont je
dois m’occuper dans une autre occasion, rapporter ceux que j’ai recueillis à dessein
de constater la quantité de cet exhaussement : mais ce seroit m’écarter de
1 objet spécial de ce Mémoire, et 1 étendre , par une discussion prématurée, au-
delà des bornes que je dois lui prescrire. Je garantis l’exactitude des observations
qu’il contient ; cependant comme, malgré le soin extrême et le vif intérêt que
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