
tiennent comme collés sur leurs mains. Nous n’aurions jamais pu reconnoître
cette espèce d’instrument, si les poètes ne nous avoient appris à distinguer les tambours
antiques, en nous faisant connoître la manière de les tenir et d’en jouer ( i) ,
ainsi que l’usage qu’on en faisoit dans les cérémonies du culte, soit de Bacchus (2),
c’est-à-dire d’Osiris, soit de Rhée ou de Cybèle (3), c’est-à-dire d’Isis.
Toutefois il est probable que ces tambours n’étoient pas profonds et cylindriques
comme nos tambours militaires; nous pensons qu’ils ne devoient point
différer des autres tambours anciens, dont la forme étoit semblable à celle cfe nos
tambours de basque.
Les personnages entre les mains desquels nous avons vu ces instrumens, nous
ont paru etve des femmes : et en effet, chez les Grecs, chez les Hébreux et chez
presque tous les anciens peuples de 1 O rient, le tambour étoit un instrument particulièrement
réservé aux femmes, ou , tout au plus, à des hommes qui s’étoient
dépouillés de leur virilité, tels que les Coryhantes. Aujourd’hui encore, en Égypte,
on le voit beaucoup plus habituellement entre les mains des femmes qu’entre celles
des hommes; et c’est aussi là, sans doute, la raison pour laquelle on a toujours
rendu ces instrumens légers et faciles à manier.
Nous pensons donc que par les personnages que l’on a sculptés ou peints
sur les monumens d’Égypte, tenant en main un grand disque et dans l’action de
danser, on a voulu représenter des Thyades ou des Bacchantes jouant de leur
tambourin o-u tambour de basque.
Il est certain que 1 usage de sculpter ou de peindre sur les monumens, et même
sur les vases, des danses de Bacchantes jouant du tambour de basque, étoit très-
répandu chez les Grecs, lesquels, comme on sait, avoient emprunté des Égyptiens
la plupart de leurs institutions civiles et religieuses, ainsi que leurs arts ; et
Plutarque nous rapporte que 1 on voyoit aussi de ces instrumens peints ou sculptés
sur les temples des Juifs (4 ).
C ’étoit donc un usage généralement reçu chez une grande partie des anciens
peuples de 1 Orient : or il n est pas probable que les Égyptiens, qui connoissoient
cet instrument, qui s’en servoient dans leurs temples et à la guerre ( j ) , qui même
en avoient été les inventeurs (6), eussent été les seuls à négliger de décorer leurs
temples de ces sortes de figures.
Ainsi ce que nous avions d’abord soupçonné, ce que le témoignage des poètes
nous portoit à croire, se trouve confirmé par l’usage des peuples Orientaux.
(1 ) Ovicl. Mttam. Iib. I I I , v . 4 0 8 ; lib. I V , v . 2 9 . Id . (4 ) P lu ta n ju e , Propos d e ta b le , ¿V. I V , quest. y.
Fast. Iib. I V , v. 3 4 2 . P rop e rt. lib. l i t , eleg. X V I I , v.yq. S i c'est par religion ou par abomination que les Juifs
(2 ) iv .irip ,Baccha-, v. 147 e t 14 8 ; Cychps, v . 6 , e t 6 6 . s'abstiennent de manger chair deporc.a L e thyrse ou ja -
O v id . ubi supra, et Phoedra Hippolyto , v . 4 7 e t 4 8 . » v t'iot e t les tabourins q u e l’on monstre imprimez con tre
P rop e rt. ubi suprà. N o n n . P an op o i. Dionys. Iib. X X V I I , » l e s lam bris des parois de leurs temples ( des Ju if s ) ,
Vp » tou te s ces ce r im on ie s-là n e peuvent c e r ta in em en t ,co n -
(3 ) 0 r Ph - Matris Deorum suffimentmn., varia; Rhete » v.enir à au tre dieu qu ’à B a c ch u s. » Traduction J ’Amyot
suffimentum, aromata, v. 1 e t seqq. E u r ip id . Baccha:, (5 ) C lem . A le x . Patdag. Iib. I l , cap. 4 , p. 1 6 4 . D
V. 1 2 4 . Aristoph an. Vespat, 2CL V , sc. Bdelycl. Xanth. (6 ) Idem, ibid.
Sos, Philocl. v . 1 1 8 .
A R T I C L E IV.
D u N om , en langue Egyptienne, du Tambour antique, connu vulgairement
parmi nous sous le nom de Tambour de basque.
L e nom de cet instrument ne peut être douteux; il nous a été conservé dans
la' langue Qobte : c’est celui de kew-ke«. [kemkemj, que la Croze pensoit être
le nom du sistre, parce qu’il le faisoit dériver du mot Km qui signifie mouvoir,
ébranler, et parce qu’on le trouve employé en ce sens dans la version Qobte du
psaume x x i, vers, y , et Act. xn , vers./.
Mais nous avons déjà prouvé que le nom du sistre signifioit un instrument
résonnant, retentissant, et qu’il ne put, en aucune manière, recevoir des Égyptiens
un sens analogue à celui des verbes ébranler, agiter. En effet, on ne trouve
point d’exemple où le mot kem-ke«- ait été pris dans le sens de sistre.
Les interprètes Qobtes ont même constamment rendu par le mot r e w rw le
mot t]h [ toph] , qui, en hébreu, signifie un tambour de l’espèce de ceux dont
nous venons de parler, C’est-à-dire, un tambour à l’usage des femmes, un tambour
semblable enfin à ceux que nous nommons tambours de basque.
C ’est pourquoi, au verset 4 du psaume c l , où on lit dans le texte Hébreu
Usinai ClflS inM n [ halelaouhou be toph ou machul] , a célébrez-le au son du tam-
» bour et par vos danses » , on trouve dans la version Qobte , cxrqv è poq jbw
Tz.it keokeo. stE«- T^-c Cfopoc [ smou e roq hen tan kemkem nem tas chorosj. Le mot
kemkem de la version Qobte répond donc à celui de toph du texte Hébreu, lequel
signifie un tambour de basque.
Il est si vrai que les Qobtes ont entendu par le mot ke«.kem. un tambour de
l’espèce de ceux dont il s’agit, que, dans la traduction marginale du qobte en
arabe (i), ce mot est rendu par celui de [defouf ] , pluriel de <_sa [d eff] (2),
et que l’on trouve dans la version Qobte du psaume l x v i i i , vers, y , le mot
PE$ke«.ke« [ repskemkem] pour signifier des joueuses de tambour.
Après des preuves aussi évidentes, si nous en ajoutions d’autres, on seroit en
droit de nous accuser de vouloir faire un vain étalage de nos recherches : mais
nous sommes tellement persuadés que le travail que nous offrons en ce moment
est peu attrayant par lui-même, que nous l’avons abrégé le plus qu’il nous a été
possible. Nous aurions même désiré pouvoir en retrancher tout ce qui n’y est pas
absolument nécessaire : mais, cette matière étant peu connue, nous avons cru
a propos d'ajouter quelques réflexions sur plusieurs points qui avoientbesoin d’être
éclaircis.
(1 ) C e tte traduction est é c rite ainsi pour la com modité
des Q o b te s d’aujourd’h u i, qui ne comprennent plus leur
langue p ropre.
{2) C ’est le nom d’une espèce de tambour d e b a sq u e ,
enco re en usage mainten ant parmi les Égyp tienn e s. O r il
e st hors de d oute qu e le m o t A rabe deff n’a point eu une
origin e différente de c e lle du mo t H éb reu toph, e t qu’i l
n’est même autre chose qu e c e d e rn ie r , p ron on c é d’une
manière plus d ou ce .