la conformité de la mesure Egyptienne elle-même avec les parties du degré terrestre
Égyptien. C ’est fortuitement, d i r a - t - o n , que le pied Égyptien est la
360000.' partie du degré, et il en est de même des autres mesures.
Si un jour l’origine du système métrique Français venoit à se perdre, c’est-à-
dire, si l’on avoit oublié que le mètre est puisé dans la grandeur de la terre, on
auroit un moyen facile de retrouver cette origine par la considération du calcul
décimal. En e ffet, le système Français repose sur le calcul décimal et centésimal ;
c’est ce que la progression des mesures fera voir avec évidence dans tous les temps.
O r , parmi les multiples du mètre, on trouveroit le degré terrestre centésimal,
dans lequel il est contenu 100000 fois, et le quart du méridien, où il se trouve
10 millions de fois. Si quelqu’un venoit à attribuer au hasard cette coïncidence,
11 seroit facile de lui répondre qu’une grandeur arbitraire, approchant de trois
pieds, pourroit, à la vérité, se trouver 10 millions et un certain nombre de fois
en plus ou en moins dans le quart de la circonférence terrestre ; mais que s i , d’une
part, la coïncidence est parfaite et exacte, et si, d’autre part, la division décimale
est donnée, la conséquence nécessaire et invincible est, que la circonférence du
globe a été choisie comme base du mètre.
Il en est de même pour le système Égyptien : une fois admis que la division des
mesures étoit sexagésimale, si l’on trouve que ja mesure Égyptienne est partie
aliquote de la circonférence, et partie aliquote sexagésimale, il nest pas permis
davantage de douter du choix qu’on a fait de la grandeur du globe pour en déduire
les mesures Égyptiennes. O r nous voyons que le stade est contenu 60 x 60
x 60 fois dans le tour du globe, calculé sur le pied du degré Égyptien; que la canne
y est comprise 6 0 x 6 0 x 6 0 x 60 fois; que le schoene s’y trouve 6 x 6 0 x6o fois; que
le pied y est répété 1 o x 60 x 60 x 60 x 60 fois, &c. Il est donc certain que ces
mesures ont été puisées dans les dimensions de la terre, et qu’elles en dérivent suivant
la progression sexagésimale (1).
Ératosthène, à qui l’on fait honneur de la mesure du globe terrestre, ne l’a
point mesuré : mais il étoit dépositaire des débris de l’ancienne bibliothèque Égyptienne
; il connoissoit une partie des travaux géographiques et astronomiques des
anciens Égyptiens, et il en a tiré parti. Pline dit seulement que ce savant homme
a publié la mesure du circuit de la terre (2). On a cru voir de graves erreurs dans
le compte de cette mesure attribuée à Ératosthène, jusqu’à penser que les anciens
ont ignoré la différence des méridiens de Syène et d’Alexandrie ; d’où l’on a conclu
qu’un tel résultat ne peut être que fort grossier : mais on 11’a pas fait attention qu’il
ne nous est resté aucun livre de l’ancienne Égypte, pas même un seul d’Ératosthène
lui-même ; quant aux fragmens que nous avons de lui, nous en avons l’obligation
à Strabon seul. L a seule notion qui ait survécu, parce qu’elle n’étoit point de nature
(1) On pourroit faire le même raisonnement, et il
seroit aussi concluant, pour la division décimale, s’il
étoit entièrement prouvé que cette division a été connue
de l’antiquité ; car il existe une mesure qui est comprise
1000 fois dans le degré centésimal Egyptien : c’est le
petit stade d’Hérodote et d’Aristote ; la io o .c p a rt ie ,
qui répond à très-peu près à un mètre, est 100000 fois
dans ce même degré. Je me propose de revenir, dans un
autre mémoire, sur les indices qui existent d’une ancienne
division décimale et centésimale.
(2) Voye^ la Description de S y èn e , A. D, chap, II,
pag. j et 4, et ci-dessus, chap. X, pag. 663.
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à périr, et qu’elle étoit assez honorable au génie de l’homme pour être conservée
dans ses annales, c’est qu’une mesure de la terre a été faite en des temps reculés
et inconnus.
A u reste, à qui persuadera-t-on que les arpenteurs Égyptiens aient cru, pendant
des siècles, que le Nil couloit exactement au nord, depuis Syène jusqu’àMemphis,
et de la jusquà la ville d’Alexandrie! A la hauteur de Tentyris, il y a un changement
brusque dans le cours du fleuve, qui coule directement à l’ouest pendant une
vingtaine de lieues, et continue après au nord-ouest : croira-t-on que cette déviation
enorme ait été méconnue dans un arpentage exact, et dans les cartes topographiques
ou géographiques en usage parmi les Égyptiens ! Pour s’en apercevoir, il suflisoit
dune observation grossière; par exemple, de regarder où le soleil se couchoit pat-
rapport au Nil, soit au-dessus, soit au-dessous de cette latitude.
S il étoit vrai, comme Strabon le fait entendre (i), qu’Ératosthène eût supposé
Alexandrie et Syène sous un même méridien, afin de conclure de la distance de
ces deux lieux la longueur du degré terrestre, il s’ensuivroit seulement qu’Ératosthène
a fait une grande erreur : mais rien n’oblige à regarder la prétendue mesure
d Ératosthène comme celle des anciens ; et la mesure du degré Égyptien n’en
est pas moins pour cela conservée dans la grande pyramide de Memphis, qui est
si antérieure aux Grecs et à tous les calculs des astronomes et des géographes
d Alexandrie. Les anciens habitans de cette contrée classique semblent avoir pris
à tache de conserver, dans leurs monumens, des marques et des preuves de leurs
travaux scientifiques (2). T e lle a été leur manière d ’écrire pour la postérité, et têis
sont les livres admirables qu’ils nous ont transmis.
Origine et Etablissem ent du Système métrique.
V o ic i comment je me représente l’origine du système métrique chez les Égyptiens,
et comment je conjecture quil fut institué. Ce peuple possédoit dans l’origine,
comme tous les autres, des mesures usuelles et vulgaires, tirées de la stature
humaine. Les subdivisions de ces mesures étoient conformes aux proportions naturelles,
et procédoient de 2 en 2, de 4 en 4 , de 6 en 6, de 12 en 1 2. En e ffe t , la
coudee naturelle renferme à très-peu près .6 palmes ou largeurs de main.; le
palme, 4 doigts; la spithame, 12 ; le die/tas, 2 palmes ; la statiire entière, 6 pieds;
12 diclias, 24 palmes. Ainsi la division duodécimale, c’est-à-dire, par 12 , 6 , 4
et 2 , étoit offerte sensiblement par la nature.
La division sexagésimale étoit déjà adoptée pour les usages de la géométrie et
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(1) « Selon Ératosthène, le méridien de Syène suit à
»peu près la direction du cours du N i l , depuis Méroé
»jusqu’a Alexandrie, dans un espace d’environ 10000
»stades. Syène se trouve être à moitié chemin, et par
» conséquent à 5000 stades de Méroé. D e Syène à l’é-
» quateur, il y a 16800 stades. » (Strabon, Géogr. liv. 1 1 ,
trad. Franç. pag. ? 11. )
(2) On doit s’abstenir ici d’exposer l’ensemble des
anciens travaux de l’Egypte et le tableau des savans
efforts de cette nation; c’est là qu’on puiseroit la conviction
que donnera difficilement un mémoire où la matière
est si aride. II est prouvé aujourd’hui que la plupart des
descriptions puisées en Egypte par Hérodote, relativement
à des objets de physique et d’histoire naturelle,
sont exac tes, et souvent d’une exactitude parfaite : Hérodote
les avoit tirées des mémoires du pays. Les germes
de plusieurs découvertes modernes sont déposés dans les
livres des Grecs djsçiples des Égyptiens.
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