sculptures emblématiques d'un travail comparable à celui des plus beaux monumens
de la Thébaïde, mais représentant des. sujets tout-à-fait différens.
Nul doute que ces différens blocs ne soient les restes d’un monument construit
sur 1 emplacement même. Dans une telle position, à vingt lieues du pays
cultivé, et chaque bloc pesant dix à douze quintaux, leur réunion ne sauroit
s attribuer au hasard. Le monticule, que recouvrent maintenant les sables du désert,
indique évidemment une ancienne construction , et peut recéler d’autres débris
intéressans.
Nous examinions avec surprise ces ruines, qui, dans cette localité, formoient
une rencontre tout-à-fait inattendue; nous admirions sur-tout ces caractères singuliers
, ou nous cherchions, au premier abord, quelque analogie avec les différens
systèmes d’écritures anciennes que nous avions remarqués sur les monumens de
1 Egypte : mais bientôt nous nous trouvâmes très éloignés de la troupe, qui, n’étant
pas retenue par les mêmes motifs de curiosité, avoit continué sa marche. Déjà
la nuit s’approchoit, et il devenoit impossible de s’arrêter dans ce lieu assez longtemps
pour dessiner complètement et les inscriptions et les bas-reliefs, malgré
1 intérêt que nous pouvions déjà leur soupçonner. Comme il étoit douteux qu’aucun
Français pût désormais les rencontrer, je me décidai à détacher des uns et
des autres quelques fragmens propres à bien constater leurs différences de tout ce
que l’on avoit remarqué jusque-là dans les monumens de l’Égypte, et je me hâtai,
en outre, de copier une série de caractères que l’on retrouvera plus bas.
S- II.
B a s -r e lie f représentant un sujet Persan.
Un de ces blocs de granit dont nous venons de parler, est décoré, dans sa
partie supérieure, de cet ornement que l’on voit sculpté au-dessus de presque toutes
les portes des temples Égyptiens, représentant un globe avec deux longues ailes
étendues horizontalement. A u caractère de roideur et de symétrie avec lequel
toutes les plumes sont disposées, on reconnoîtroit déjà le ciseau des sculpteurs
Égyptiens, quand même la nature de cet ornement ne le déceleroit pas.
Au-dessous du globe ailé, une figure assise, d’environ six décimètres ( i ) de proportion
, attire principalement l’attention ; elle est vêtue d’une longue robe qui
descend jusqu’à ses talons, différente de tous les vêtemens que l’on remarque
aux figures sculptées sur les monumens Égyptiens, et telle que l’on en voit dans
les bas-reliefs des anciens monumens de Persépolis. La coiffure de ce personnage
principal est formée d’une espèce de turban, ou de toque sans rebord, haute de
cinq centimètres, présentant la forme d’un cône tronqué renversé, comme la
coiffure des religieux Grecs, ou comme celle que portent encore aujourd’hui les
Pe rsans, mais avec cette différence seulement que toute la partie supérieure est
crénelée. Son menton est garni d’une barbe longue et épaisse, qui tombe jusque
( i ) U n pied neu f pouces.
sur la poitrine; autre circonstance qui ne se voit jamais dans les bas-reliefs Égyptiens
, du moins pour les personnages principaux du sujet ( 1 ), mais qui est commune
dans les sculptures Persépolitaines. A la manière des divinités Égyptiennes, cette
figure tient à la main un long bâton un peu recourbé vers le haut, que termine
une tête de chacal très-alongée; ornement qui n’est pas dans le style Persan, et
qui appartient exclusivement à la théogonie Égyptienne. Deux autres figures un
peu moins grandes que celle-ci, debout devant elle, semblent lui rendre hommage.
Sans doute la principale étoit une divinité, ou au moins un des ministres de
la religion.
J’ai détaché de ce bloc de granit la partie sur laquelle étoit sculptée la tête
du principal personnage que je viens de décrire; elle a été gravée avec la plus
grande fidélité, et pourra mettre à portée de juger que le caractère de cette figure
est absolument dans le style Égyptien. Quoique cette tête soit de profil, l’oeil est
représenté de face, et son coin intérieur est sensiblement trop baissé, comme
dans tous les profils du même style. Les lèvres sont grosses, relevées, et la bouche
petite. Le corps, la figure et tout le reste de la sculpture offrent, avec la justesse
des proportions, le caractère de roideur qui est propre aux ouvrages des Égyptiens.
Il est à remarquer, en même temps , que ce bas-relief n’est accompagné
d’aucun hiéroglyphe proprement dit.
s. iii.
Inscriptions en caractères cunéiformes.
C ’e s t également sur le granit que se trouvent les inscriptions. Leurs caractères
sont semblables à ceux que l’on a trouvés sur les ruines de Babylone et de l’ancienne
Persépolis, aujourd’hui Tchéelminar, et qui sont connus des savans sous
le nom de caractères Persépolitains et sous celui d’écriture cunéiforme ou écriture à
clous; c’est la première fois qu’on a rencontré ces inscriptions sur le granit. Elles
sont très-soigneusement et très-profondément gravées sur un bloc de près d’un
mètre de longueur sur environ soixante-six centimètres de hauteur, dont elles
couvrent en totalité une des faces, étant disposées par colonnes ou bandes parallèles
au plus petit côté de la pierre, larges chacune de six centimètres, longues de
soixante, et séparées les unes des autres par des lignes droites, également tracées en
creux. Ces différentes colonnes paroissent former un sens continu.
Parmi I immense variété d’écritures imaginées jusqu’à ce jour, celle-ci est remarquable
par sa composition; un simple trait, en forme de coin, compose tous les
caractères, et suffit pour exprimer toutes les lettres de l’alphabet, soit consonnes,
soit voyelles, par les différentes manières dont il est groupé avec lui-même.
( 1 ) O n a bien trouvé quelquefois, comme dans les voulu représenter, dans ce ca s, des étrangers, probable-
sculptures de Medynet-abou à T h èb ç s , quelques per- ment des prisonniers de guerre Voye^ la Description et
sonnages portant une barbe longue, mais étroite et ter- les planches de Thèb e s, partie occidentale.
minée carrément; et il est manifeste que l’on avoit