
chaque nacelle s’élève une chambre où sont deux figures enveloppées, comme les
morts, dans des suaires. Soit que ces figures représentent des corps réels soit qu’on
ne doive les considérer que comme des emblèmes peints sur les faces extérieures de
la chambre, elles annoncent le lugubre ministère des deux barques destinées à
conduire les morts vers leur dernière demeure, et employées, suivant l’expression
des égyptiens, à transporter ceux quipassoient le lac (i); le terrible nocher Charon
est assis auprès du gouvernail, et préside à ce passage qui se fait sans retour.
De 1 autre côté du lac on voit un personnage entièrement n u , sur lequel
deux hommes répandent l’eau à grands flots : il paroît que c’est celui que nous
avons déjà observé dans la rangée supérieure, et qui est purifié de nouveau par
une ablution plus abondante et plus complète que la première. On à représenté
plus loin un cadavre étendu sur un lit; il est enveloppé de là même manière que
les momies qui se sont conservées jusqu’à nos jours dans les grottes sépulcrales
des anciens Egyptiens. Un homme placé auprès du corps tient entre ses mains Un
rou eau de bandelettes : on voit que c’est lui qui a enveloppé la momie. Aux
pieds du mort est une femme debout qui paroît éplorée ; son attitude est celle
de la plus profonde douleur : trois autres femmes accroupies derrière elle donnent
également des signes d’affliction. L ’expression forcée et les gestes symétriques de
ces quatre femmes n annoncent pas une tristèsse véritable : ce sont sans doute
des pleureuses à gages, qui, suivant l’usage immémorial de l’O rient, ont été appelées
aux funérailles pour simuler la douleur et les larmes.
Un officier des embaumemens, armé d’un couteau, fait sur la momie posée
debout a côté du temple, une dernière opération dont l’objet n’est pas indiqué
Le temple est représenté par son plan : la cour qui le précède, est ornée de deux
obélisques ; on y voit des arbres, une avenue de palmiers, et un bassin rempli
deau : il faut remarquer qu’un bassin pareil subsisté encore de notre temps devant
les ruines du temple qui se trouvent sur l’emplacement SElethyia. C e bassin est
incontestablement de construction antique. L ’eau qu’il contenoit lorsque je le vis
étoit fortement salée : comme elle ne peut provenir que du N il, dont les eaux sont
singulièrement pures, cette circonstance a besoin d’être expliquée. Le sol de
lEgypte est imprégné d’une grande abondance de sels; l’eau du fleuve, en se filtrant
dans les terres, dissout quelques parties de ces sels; en sorte qu’elle a perdu
sapurete lorsqu’elle arrive au bassin. Le soleil ardent de ce pays, une atmosphère
constamment seche et presque toujours agitée, donnent à l’évaporation une grande
activité : 1 eau évaporée est aussitôt remplacée par celle qui vient du Nil et qui
dans son passage au travers des terres, s’est chargée de nouvelles parties de sel’
On conçoit que ces effets, continués depuis plus de vingt siècles, ont dû pro-
<luire, à la longue, une licjueur saline très-concentrée.
La rangée inférieure contient la représentation du sacrifice d’un boeuf: Hérodote
nous expliquera cette partie du bas-relief; nous n’aurons qu’à suivre son récit
dans le heu où il décrit les cérémonies qui s’observent dans les sacrifices. Après
{ i) Diodore de S ic ile , livre / ,"
avoir
avoir fait connoître les formalités avec lesquelles on procédoit au choix des
boeufs mondes, les seuls qu’il fût permis de sacrifier, cet historien ajoute (i):
« On conduit 1 animal ainsi marqué à l’autel où il doit être immolé ; on allume
» d u feu; on répand ensuite du vin sur cet autel, et près de la victime, qu’on
» égorge après avoir invoqué le dieu; on en coupe la tête, et on dépouille le reste
» du corps ; on charge cette tête d’imprécations.................Parmi les imprécations
» qu’ils font sur la tête de la victime, ceux qui ont offert le sacrifice, prient les
» dieux de détourner les malheurs qui poufroient arriver à toute l’Égypte ou à
» eux-mêmes, et de les faire retomber sur cette tête. »
On voit effectivement dans notre tableau le feu allumé sur l’autel, et un homme
qui porte, suspendus aux extrémités d’un levier, deux seaux dans lesquels se trouve
vraisemblablement le vin nécessaire pour les libations. Le boeuf est étendu auprès
de 1 autel ; sa tête a été coupée : un sacrificateur travaille avec activité à dépecer
les membres. Laction du sacrificateur est décrite dans Hérodote (2).
« On coupe les cuisses, dit-il, la superficie du haut des hanches, les épaules
» et le c o l Pendant que la victime brûle, ils se frappent tous; et lorsqu’ils
» ont cessé de se frapper, on leur sert les restes du sacrifice. »
Parmi les figures de la rangée inférieure, il y a cinq pleureuses dont les mou-
vemens peuvent faire croire qu’elles se frappent ; mais les autres femmes sont
dans une immobilité complète.
Il n’est pas facile de deviner ce qui est contenu dans le coffre que quatre
hommes portent sur leurs épaules à l’aide d’un brancard. Il est à remarquer que
ce coffre et celui de la rangée supérieure ne sont pas aussi longs que la momie
que 1 on voit dans la rangée moyenne : par conséquent cette momie ne pourroit y
etre contenue, à moins qu’on ne l’eût pliée dans les articulations; ce qui est sans
exemple parmi les nombreuses momies qui ont été retrouvées jusqu’à présent. Un
passage de Porphyre, que je vais transcrire d’après la traduction qui en a été faite
par M. Larcher (3), jettera peut-être quelque jour sur la destination de ce coffre :
« Lorsqu’on embaume les cadavres des gens de qualité, on en tire les intes-
» tins, on les met dans un coffre ; et entre autres choses que l’on fait pour le
» mort, on prend le coffre, on atteste le soleil, et l’un des embaumeurs lui
» adresse pour le mort ces paroles, qu’Euphantus a traduites de sa langue ma-
» ternelle : Soleil, souverain maître, et vous tous dieux, qui ave/ donné la vie aux
» hommes , recevez - moi, etpermette^ que f habite avec les dieux éternels. J ’ai persisté,
» tout le temps que fa i vécu, dans le culte des dieux que je tiens de mes pères; fa i tou-
» jours honoré ceux qui ont engendré ce corps ; je n’ai tué personne ; je n'ai point enlevé
» de dépit : je n 'ai fa it aucun autre mal. S i j ’ai commis quelque autre faute dans ma
» vie, soit en mangeant, soit en buvant, ce n’a point été pour moi, mais pour ces choses.
» Lembaumeur montroit, en achevant ces mots, le coffre où étoient les intestins.
» On jetoit ensuite le coffre dans le fleuve. Quant au reste du corps, quand il
» étoit pur, oh l’embaumoit.»
(1) Livre I I , S- ¡ 9, traduction de M. Larcher. (3) Note 300 sur le S. 86 du livre I I d’Hérodote,
(2} Livre I I , j'. r.o, traduction de M. Larcher. tome I I , page g j j .
A . K