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parle qu’en passant : je l’ai trouve en Egypte dans plusieurs inscriptions. 11 me
p a ro ît, d’après quelques indices indépendans de la conformité d’ ’Aqpmw et
d’a.qy>e?, que la fonction de ce dieu étoit de présider au labour et à la mesure
des terres. L ’aroure étoit-elle la quantité de terre qu’un boeuf peut labourer
dans un jour! c’est l’opinion admise, bien qu’elle soit sujette à difficulté. Le nom
du feddân, qui est la mesure agraire moderne en Egypte, signifie, dans les dictionnaires
Orientaux, soc, charrue, joug, et champ à labourer ; ce qui est parfaitement
d’accord avec aroure et les analogues. En chaldéen et en syriaque, feddan p a ,
signifie jugum, par boum.
On lit dans Suidas que l’aroure a y o pieds : '¿m h '¿.&vçy- ■mSà.i f^eiv *'. Les commentateurs
sont tombés, au sujet de ce passage, dans de lourdes erreurs. Kuster,
qui les a relevées, a cependant laissé subsister celle de la mesure. Il falloit ajouter
un f devant le v'; car l’aroure a 100 coudées ou iy o pieds de côté. A u mot de
Stade, Suidas a fait la même omission; car on lit «' ‘à-eyiey. é Elans Julius
Pollux, , iqp'Quj, a constamment la signification darva culta.
Le mot aroure avoit en Chypre, selon Hésychius, le sens de monceau de blé,
crl-nv ovv b-yhoam, acervus frumenti cum palets. D ’ a.qpvgÿ. on a fait ¿gjugsuo«, qui
a toujours la signification de champêtre. Ainsi toutes les acceptions de ce mot et
de ses dérivés se rapportent à la terre cultivable, à un terrain ensemencé ou labouré.
Nous avons eu déjà plusieurs fois l’occasion de citer le vers de Callimaque qui
montre que l’étendue de l’aroure se mesuroit au moyen du decapode : ’Ap.<pénig<y,
xivTçyv ts /3oSv, K.ttj u&Tçj'i . Callimaque parle encore aillçurs de 1 aroure (i),
dans le sens de terre qu’on laboure. C ’est aussi dans ce sens, comme je l’ai dit,
que l’emploie Homère; mais, dans un endroit, ce poète paroît avoir en vue la
terre d’Égypte, -comme je vais essayer de le prouver. Il s’agit d’un passage de
l’Iliade où le poète fait l’énumération des guerriers armés contre Troie. Cette
digression ne m’écartera pas de mon sujet principal, en montrant les emprunts
que les Grecs ont faits à l’Egypte.
OÎ df i f ArSévecç eT^ov iûît/ripEEVov vr’ioÂigGpov
A«p«v ’Epey^ôrioç [Xtya.xictoçpt,, ov 7ror’ ’A^mvïÎ
©féq/E Ai05 ÿujdcmp, tÉw Si Çs/itogjç "Agpvçy,
KaûN j f |y ’A^’yinr’ EÏim sa evi wioyi ytiS'
’‘Evÿn, Si uly 'fgu/gpioi y a j ¿.pveioiç i\ io v la j
Koug^i ’AUmcdcnv, wïÊtTÈMo/ûEyav êv iaomv .
Tay clvQ' hy£/Mvev’ îftoi IIetsoÎg Mevecdtvç.
Qui auttm Athenas habitabant, bene tedijicatam urbtm,
Populum Eredtheï magnanimi, quem aliquando AAintrva
Nutrivit Jovis filia; peperït auttm aima Telius,
Athenis auttm coltocavit m suo pingui ttmplo :
Jllic tnlm ipsum tauris tl agnis plaçant
Putri Athtnitnsium, absolutis singulis annis.
His rursus prtetrat Jîlius Pttti Mtntsthtus.
Iliad. lib. 11, vers. 546 et seq.
(1) Hymn. in Pian.
D E S A N C I E N S É G Y P T I E N S . y 6 c j i
• L e mot ’ifdpy., dans ces vers, exprime certainement la terre cultivée ou labourable.
ZdStugpi; d’après l’explication de Pline, que je donnerai tout-à-l’heure, signifie
qui produit le zea. O r le zea me paroît être le grain aujourd’hui connu en Egypte
sous le nom de dourah belady ou dourah du pays, par opposition au dourah châmy,
qui est le maïs (1). C ’est un grain propre à l’Égypte, et que l’on cultive depuis'un
temps immémorial et en très-grande abondance, durant deux saisons de l’année;
Il n’y en a aucun plus utile pour la population. Dans cette opinion, {jlSmtqç, ’Lpiçy.
seroit un synonyme du nom de 1 Egypte ,la terre qui produit le dourah. Et en effet,
Homère dit-ici qu’Érèchthée fut nourri par Minerve, fille de Jupiter, mais qu’il
tiroit sa naissance de la terre surnommée ïfiSuqpc,. On sait qu’Érechthée étoit fils
de PandroSë et petit-fils de Cécrops, qui étoit Egyptien de nation (a). L e poète
pouvoit donc dire' qu’il étoit originaire de l’Egypte (3), .et, pour caractériser ce
pays, 1 appeler terre qui produit le dàurah; or ce grain a dû être ’dans les temps
reculés, comme de nos jours, la nourriture usuelle'des habitans, ou du moins la
plus, générale.
Cette explication d’Homère paraîtra, je l’espère, plus vraisemblable que l’interprétation
commune, où Érechthée est considéré comme fils de la terre proprement
dite ou de la terre fertile en général, ce qui n’a aucun sens; il y a au
moins autant de poésie dans l’expression qu’emploie Homère pour peindre, selon
moi, la contrée arrosée par le Nil. Tous les interprètes ont traduit ces deux’mots
d H omère par aima telius, terre bienfaisante, qui donne la vie, comme s’il y avoit
eu ¡iilSappc, : aucun n’a fait attention que Pline s’exprime d’une manière toute différente
et en termes positifs : Qui zcâ ¡ütuntur, non habent fa r . E st et hoec Italioe, in
Campania maxime, scmenqtte appellatur. Hoc habet ttomen res præclara, ut mox doce-
bimus : propter quam /lomerus fiSa.pr.p ayügy. d ix it, non, ut aliqtii arbitrantur, quo-
niam vitam donarct (4). Il est extraordinaire que ce passage frappant ait échappé
à tous les traducteurs. A u reste, Homère ira pu dire que la terre, en général,
produisoit du zea ; il a donc désigné une terre particulière par l’épithète de dou-
rifère, si l’on peut s’exprimer ainsi, et c’est l’Egypte même. C ’est de l’Egypte que
l’Italie reçut le bienfait de ce grain précieux.
(1) Les savans ne sont point d’accord .sur l’espèce de pag. 258) et Hérodote ( Hist. l ib . 'v i l l , cap. 44 )> on
plan te ..à laquelle appartient le nom de %ea : la cause en pourroit croire qu’Erechthée a succédé immédiatement à
est qu’il a été appliqué à plusieurs grains différens ; par Cécrops.
exemple, à l’épeautre,^triticurn spelta, au seigle, et même (3) Erechthée, selon lespoëtes, étoit filsde laTerreou
à des plantes très-différentes des graminées: de là vient de Minerve, ou bien dePandrose. Le passage d’Homère,
la confusion. Le dourah a été en usage dans l’ancienne entendu dans le sens où les traducteurs l’ont présenté,
Egypte, comme je l’ai prouvé par les monumens ( * ) , et quem.peperit aima telius, est sans doute la source de Poil
a été transporté de là en Italie. C e précieux grain n’au- pinion qu’il étoit né de .la terre en général; mais, si l ’on
roit pas de nom connu, si on ne lui restituoit celui.de admet qu’il s’agit de la terre d’Egypte, on concevra très- •çea, qui lui est propre. Le dourah belady, c’est-à-dire, bien l’origine d’Erechthée. du pays, a un épi long quelquefois de dix pouces, et gros Le nom de Pandrose ne pourroit-il pas s’interpréter, où
de trois à cinq pouces; la forme est un ovoïde alongé; la rosée est abondante ( de m.r et de Jpotnç) ! On sait qu’en
le grain ressemble à u.n gros millet. Ho leu s sorgo, Linn.; Egypte là.rosée est d’une extrême abondance ; que le Holcus durra, Forsk. . matin, au lever du soleil, tous les corps exposés à l’air
(2) Cécrops étoit venu de l’Egypte avec D anaüs, dont en sont pénétrés, imbibés, et. que-'c’est une,, des causes
il étoit le contemporain. Selon Isocrate ( Panathenaic. les plus influentes de l’ophtalmie, si répandue parmi les
(*) y°J'eZ mcs Observations sur un plafond astronomique des tombeaux habitans. .
des rois, ci-dessus, pag. ' (4) Voyez Hist. nat, lib. X Y I ll, cap. 8.
4_ E|cee |