
qui, ainsi que je m’en suis assuré sur les lieux, est absolument la même que pour la
semence lancée par les deux autres semeurs, lèvent toute incertitude à cet égard.
Tous les personnages de ce tableau paroissent agir et se mouvoir sur la même
ligne : par exemple, les deux semeurs, 62 et 6 y , paroissent jeter le grain en avant
des charrues, comme s’ils se proposoiênt de le faire enterrer dans le sillon qui va
s’ouvrir; au contraire, l’autre semeur paroît jeter la semence dans le sillon même
derrière la charrue : mais ce sont là des imperfections de dessin qui prouvent que
les Egyptiens ignoroient les moyens que fournit la perspective pour représenter les
figures vues dans le lointain. Si toutes les figures du tableau étoient en effet sur la
même ligne, les hommes qui traînent la charrue viendroient heurter 1er quatre
hommes qui travaillent à la houe ; ceux-ci seroient foulés aux pieds par les boeufs
qui sont derrière eux; les deux charrues qui marchent à la suite l’une de l’autre,
ne traceroient qu’un seul sillon. Il faut donc concevoir que toutes les scènes du
tableau sont disséminées, sur la surface du champ, à des distances différentes. La
même remarque trouve son application dans les autres parties du bas-relief
A l’extrémité du champ, vers la gauche, on aperçoit un homme qui tient en
main les rênes de deux chevaux attelés à un char ( 1 ). La seule roue de ce char qui
soit visible, est représentée par un cercle évidé ; elle n’a que quatre rais, qui sont
disposés perpendiculairement entre eux. Ce n’est pas ici le lieu d’entreprendre la
description des chars Egyptiens; on en trouve des représentations plus grandes,
plus complètes et très-bien conservées, sur les grands édifices de Thèbes; on les y
voit en mouvement et en repos sous des points de vue variés. La description qui
en sera faite, prouvera que les Égyptiens avoient porté assez loin l’art de fabriquer
les chars ; la légèreté et l’élégance sont, en général, les caractères qu’ils ont donnés
à ce genre de construction : l’équipement de leurs chevaux, quoique compliqué,
étoit bien entendu, et ils avoient une bride au moins aussi habilement combinée
que la nôtre.
Avant de passer à un autre sujet, je ferai remarquer,
En premier lieu, que ce n’est pas sans fondement que j’ai précédemment avancé
que l’usage des roues a été connu des anciens Égyptiens, quoiqu’ils n’en aient
pas fait l’application à la charrue ;
En second lieu, que la roue à quatre rais figure parmi les symboles hiéroglyphiques.
On la voit en effet dans la cinquième colonne des hiéroglyphes sculptés
au commencement de la bande supérieure (2), Nous connoîtrons donc désormais
la valeur de ce symbole, et nous saurons que le cercle, avec quatre rayons
perpendiculaires, signifie une roue, et probablement, par extension, un char.
Récolte (3).
L e tableau de la r é c o lte se divise en deux scèn es, pa rce qu’on y a représenté
en même temps la r é co lte du b lé e t c e lle d u lin.
(1) Planche 6 8 , fig. 60. (3) Bande I I , entre les verticales b et C.
(2) Bande I , entre les verticales a et b.
La
La première scène occupe la partie droite du tableau. Une teinte jaune marque
que le ble est parvenu à maturité ; 011 voit, dans la partie du champ, occupée par
les figures 4 9 » j o et 5 1 «»qu’il est plus grand que les, hommes. J’ai bien positivement
remarqué qu’il est barbu; mon attention s’est fixée sur ces caractères,
parce qu’il reste encore beaucoup d’incertitude sur l’espèce de blé qui étoit
cultivée par les anciens Égyptiens : la même considération m’a fait examiner avec
soin la forme des grains qui sortent de. la main des figures 62 et 65 ; j’ai observé
que cette forme est aiguë par les deux bouts, et semble se rapprocher de celle de
l’orge. Je ne suis pas le seul qui ait observé que ce blé est barbu; M. Coquebert,
jeune naturaliste tres-instruit et bon observateur, qui a été enlevé aux sciences
par une mort prématurée, avoit consigné la même observation dans son journal,
dont j ai sous les yeux un extrait écrit de sa main. La forme aiguë des grains a été
aussi remarquée par le savant botaniste M. Delile. D ’après cette forme , je ne
balançai pas à croire que c’étoit de l’orge ; mais on m’a fait observer, avec raison,
que les Égyptiens ne dessinoient pas assez, correctement pour qu’on pût croire
qu’ils ont représenté avec une précision propre à décider une question de botanique,
les caractères distinctifs d’un corps aussi petit que le grain du blé.
Les moissonneurs, armés de faucilles, saisissent des poignées de b lé , qu’ils
coupent'près de l’épi, sans se baisser; derrière eux, une femme et un enfant
recueillent les épis et les mettent dans des poches à bretelles (1).
On aperçoit, au bout du champ, des jarres posées sur de petits échafaudages,
semblables à ceux qu’on-eraploie encore aujourd’hui en Égypte pour le même
objet : l’action de l’un des moissonneurs, qui a suspendu son travail pour boire
dans un vase de terre , explique clairement quel est l’usage de ces jarres ; il
est évident quelles contiennent une provision d’eau pour désaltérer les moissonneurs.
Ce t appareil prouve, comme on le verra bientôt, que les anciens
Égyptiens connoissoient la propriété qu’ont certains vases de rafraîchir l’eau qu’ils
contiennent. Ces vases sont de terre cuite ; leurs parois minces et d’un tissu
poreux permettent à l’eau de transsuder d’une manière imperceptible, de sorte
quç la surface extérieure est toujours couverte d’une couche humide qui s’évapore
à chaque instant, et se renouvelle sans cesse aux dépens de l’eau contenue
dans le vase : cette continuité d’évaporation produit un abaissement de température
qui se transmet à l’intérieur. Ces vases ont été connus des Grecs, sous le
nom d'hydries.
Ce moyen d abaisser la température de l’eau est précieux dans un pays où
1 homme est sans cesse tourmenté par les ardeurs d’une soif continuellement
renaissante, que ne sauroit calmer l’eau du Nil, presque, toujours tiède ; les
Egyptiens modernes en font un grand usage ; ils n’ont pas d’autre moyen pour
se procurer des boissons fraîches, la glace étant tout-à-fait inconnue dans leur
pays. Les vases employés à rafraîchir l’eau présentent beaucoup de variété dans
leuis dimensions et dans leurs formes. Celui quon appelle ijoulch ou bardaque est.le
(1.) Planche 68 , figures 44 » 4î , 4G 47» 49 et 5°»
A .