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disoit, selon Strabon, « qu’ils ont été les cinq premiers hommes qui ont découvert
» le fer et l’art de le forger, et qu’ils ont trouvé beaucoup de choses utiles à la vie ;
» que ces hommes avoien t cinq soeurs, et que leur nombre les fit appeler Dactyles ( i ). »
N’est-ce pas là simplement une manière poétique d’exprimer les secours que les
premiers hommes ont tirés du travail de leurs doigts! On y voit aussi l’origine du
dactyle métrique ; c’est l’action de forger sur l’enclume, qui a donné naissance à cette
mesure, aussi-bien qu’à la danse même. Les Dactyles, qui marquoient la mesure
en frappant sur des boucliers, semblent n’être autre chose que des hommes qui
forgeoient des boucliers trois à trois.
Entt-ésumé, c’est en Crète qu’on a commencé, selon les Grecs, à travailler le
fer : les ouvriers marquoient, en forgeant, le mètre appelé dactyle; et ce mètre
étoit appelé ainsi, parce que le doigt de la main étoit déjà une mesure: on conçoit
que, par de pareils motifs, les forgerons eux-mêmes furent appelés Dactyles.
Isidore confirme cette idée, lorsqu il dit : Dactyli inventores litterarum et N V M E R O R U M
m u s i c o r u m (pag. 380).
Le lecteur nous pardonnera cette digression, que le passage de Strabon nous a
suggérée; passage qui renferme d’ailleurs plusieurs traits curieux, sur-tout sur les
dieux Cabires, mais dont on ne peut faire ici la recherche. L ’Égypte n’est point
étrangère à cette fable, puisque, selon différentes traditions que Strabon rappqrte,
les Cabires étoient les mêmes que les Curètes et les Côrybantes (2), et que, d’après
Hérodote, les Cabires avoient des temples à Memphis, aussi-bien que Vulcain (3).
Suivant Phérécyde (4 ), Vulcain (dieu Égyptien) avoit donné naissance aux Cabires;
et les Corybantes, selon d’autres, étoient venus soit de la Bactriane, soit de la
Colchide (y) : or ce dernier paysfétoit peuplé par une colonie Égyptienne (6).
Le rapprochement que nous venons de faire entre les noms de certaines
mesures et ceux des parties du palmier, a l’avantage d’expliquer naturellement
plusieurs appellations singulières que l’on n’avoit point jusqu’à présent éclaircies,
en même temps qu’il fait entrevoir la source où les Grecs ont puisé à-la-fois et
ces mesures et les noms qu’elles portoient dans leur patrie. Ainsi cet arbre si
précieux à l’Égypte sous presque tous les rapports de nécessité, qui jouoit un si
grand rôle chez les anciens Égyptiens, et qui a fourni tant de modèles à l’archi-
(1) Soçxjxàvç ePt otiim, TKm 7bç nfùn'dç afaivctç ytriSuf • (6) Le nom de Cureté a donné naissance à celui de
0/ aitiQpv ti tj'ivçpv if tipyetautn , £ ¿Met m W r ur l’ île de Crè te, ainsi que le fait voir M. Clavier dans
W f 7BK fhioY Jgtun/uor- ;w7i JV g àJixifcti t VTtof W M « l’Histoire des premiers temps de la Grèce (t. I , p. 2 76 ) ,
agxE-fi» Accxtoabî- ' - bien qu’Etienne de Byzance fasse venir Crète de Corè,
Sophocles censet, quinque prirnos mares fuisse qui primi fille de Cérès. M. C la v ie r, au sujet des Dactyles , pense
ferrum invenerihtatque Çuderint, multaque alia ad vitam qu’ils firent connoîtrc à Prométhée le culte de Jupiter,
vtilia repererint; quinque etiam lus fuisse sorores : à nu- qu’ils apportèrent à Olympie encore enfant ( Pausan.
tnero autem Dactylos notnen accepisse. ( Strab. Geogr, Groec. Descr. lib. V , cap. 7 ) , et .que, de concert avec
lib. X , pag. 326 , ed. Ca sau b.) eu x, il établit les célèbres jeux Olympiques,, parmi les-
(2) Strab. Geogr. lib. x , pag. ép]2. quels la course du stade étoit le plus ancien? Cette ori-
(3) Ibid. pag. 473* gine des jeux, conforme à toutes les traditions, pourroit
(4) *bid. pag. 472- ‘ s’appuyer encore sur des considérations tirées des me-
(5) Ibid. sures Égyptiennes.
D E S A N C I E N S É G Y P T I E N S . 7 4 7
tecture décorative, le palmier, avoit encore offert, dans les premiers temps, des
mesures pour l’usage commun, c’est-à-dire, le doigt et peut-être le palme; les
jioms de ses parties servoient peut-être aussi à les désigner. En attendant qu’on
ait pénétré le mystère de la langue Égyptienne, et qu’on ait découvert les diverses
dénominations que portoient jadis les mesures du pays, ainsi que le palmier lui-
même, ses rameaux, ses fleurs et ses fruits, nous devons nous borner à croire que
les Grecs ont, sinon conservé, du moins traduit dans leur langue les noms de
mesures dont il est question ; la liaison du sens y est demeurée la même que s’ils
étoient les anciens noms Égyptiens..
REMARQUES SUR LE, PALME. ET SES DJFFÉR ENS NOMS.
L e s mots de 7ra.Attj«.»i et mAa.opi fourniroient encore d’autres rapprochemens ;
nous nous arrêterons a quelques - uns, pour ne pas alonger ces recherches ; le
lecteur pourra facilement les pousser plus loin. On pourroit regarder le nom de
la Palestine j comme venant de -¡raAcupi (¡1) : ce pays auroit reçu son
nom de la quantité de palmes ou palmiers qui s’y trouvent, comme je crois que
la Phénicie elle-même [ 4>on£c»] tire son nom de <païni, mot qui veut dire en
grec le palmier et le fruit du palmier (2).
HttAa.iîx'« signifie à-la-fois lutteur et mesure du palme : on luttoit de la main, on
mesuroit avec la main; telle est peut-être l’origine de ce double sens. La lutte
s’appeloit 7ra.An, d’où à-la-fois mAa.içj>a,, lieu d’exercice, et vmAa.içèi, le palme;
mais personne ne dit d’où vient -khAh, si ce n’est de « a « , vibro. Or les cirques
chez les Égyptiens, et après chez les Grecs, étoient en même temps des lieux
propres à exercer les citoyens et à conserver les mesures du pays; de là, le stade
des jeux et le stade itinéraire s’expriment par un seul'mot, comme je l’ai expliqué
ci-dessus (3). Le stade Grec ou Égyptien avoit un nombre déterminé de palmes,
savoir, 2 4 0 0 palmes [ 4 0 0 coudées] : de même la palestre, m X a - i ç f a . , étoit un
espace dont les dimensions étoient mesurées en palmes, TraAaiçoi.
Selon Pline et Vitruve, le nom de «NSgyv [doron], donné au palme, vient de
ce qu’on donne avec la main. Græci antiqui Stogyv palmum vocabant, et ideo Steçy.
mimera, quia manu dàrentiir (4); quod limitera semper gerantur per manus palmum (y).
J’examinerai plus loin ces étymologies.
Le sens de à S g j v est truyxJieiaQivnf 0! <N A l x t o A o i , quatuor digiti simul juncti ;
c’est le même que celui de 7raAmd, lnyjut, Stux.iu^sSi^p.n, palmus. Cette mesure
répond à celle du poing, pugnits, qui vient sans doute de nvy/si car, selon Suidas,
icvypm veut dire aussi la main ou le poing fermé ; de plus, cette même mesure
s’appelle en arabe qabdah, qui veut dire pugnus. On sait que le mot pugno
vient dè pugnus.
Le nom consacré en hébreu pour le palme est nfiîD tofah ou topah : en chaldéen,
(1) D ’autres le font venir du nom des Philistins, Fe- longue* parce que , d it- il, cet arbre vit pendant très-
listhim. ' ™ long-temps. On sent combien cette idée est chimérique.
(2) Si l’on en croyoit Isidore dans ses Origines, le (3) Voye^ chap. v in .
palmier lui-même auroit tiré son nom de celui du ce- (4) Plin. His t. nat. lib. x x x v , cap. 14.
lèbre oiseau fabuleux dont la vie passoit pour être si , (5) Vitruv. Archit. lib. i l , cap. 3.