peuvent mener à des résultats incontestables ; et si la précision géométrique est
nécessaire pour avoir, sur les monumens des arts, des données vraiment utiles, à
plus forte raison est-elle rigoureusement indispensable, quand il s’agit de la recherche
des élémens des mesures.
Notre dessein n est pas d établir une discussion suivie des hypothèses de Newton,
de Greaves, de Bailly, d’Arbuthnot et de tant d’autres, ni de combattre les résulta«
auxquels sont parvenus Fréret, d’Anville, Labarre, Gibert, Paucton, Romé de Lille,
et sur-tout le savant Anglais Éd. Bernard, dont le travail a été si utile à nos recherches
; il seroit trop fatigant pour le lecteur- de suivre l’analyse de leurs nombreux
ouvrages, et de partager par-là-en quelque sorte la peine que nous avons prise
dans cette investigation épineuse; nous citerons seulement ces auteurs toutes les
fois qu’il sera nécessaire. Notre sujet est d’ailleurs plus restreint, plus circonscrit,
que celui qu’ils ont embrassé; et il ne nous paroît encore que trop vaste, quand
nous considérons qu’il a paru depuis peu sur cette matière plusieurs savans ouvrages
dont quelques-uns sont devenus, pour ainsi dire, classiques. Si nous osons
entreprendre à notre tour de traiter ce sujet, et nous flatter d’obtenir l’attention,
ce ne peut être que par l’exactitude des faits que nous présentons réunis ; faits que’
nous avons eu le bonheur de recueillir nous-mêmes en Égypte, et l’avantage de
pouvoir méditer et comparer entre eux depuis la fin de l’expédition Française.
La fidélité des observations, quelles que soient les conséquences qu’on en tire,
trouvera toujours grâce, par son utilité, aux yeux des lecteurs amis de la vérité. Ces
recherches, qui ont été annoncées depuis long-temps, nous occüpoient déjà en
Égypte pendant le cours de 1 expédition ; elles devoient servir de base au travail
que nous avons entrepris sur la géographie comparée : mais, craignant de nous abandonner
trop légèrement à des idées qui pouvoient passer pour systématiques, nous
avons cru devoir les mûrir par une longue méditation, plutôt que de les présenter
avec trop de confiance. Peut-être aussi nous sera-t-il permis d’alléguer, pour motif
d’un pareil retard, les soins assidus qu’il nous a fallu donner à la publication de la
Description de l'Egypte, dont ie plan est assez connu des savans pour nous dispenser
d entrer ici dans de plus grands détails.
S il a existé chez les anciens des mesures fixes et assujetties à un type invariable,
aucun pays, plus que l’Égypte, n’offre l’espoir de découvrir ce système régulier!
C est bien chez une nation où tout portoit le caractère de la sagesse et dé la fixité,
qu’il est raisonnable de faire une pareille recherche. Quand on ne connoîtroit pas le
goût-naturel qui portoit les Égyptiens vers les choses exactes, n’est-on pas conduit
a étudier leurs mesures avec curiosité, quand on sait, par l’histoire, qu’ils avoient
eu, les premiers, des poids et des mesures ; qu’un de leurs législateurs avoit -
inventé les mesures usuelles, et les avoit réglées lui-même ; que d’ailleurs Je mesurage
des accroissemens périodiques du Nil, et celui des limites des terres annuellement
confondues par 1 inondation, avoient, de temps immémorial, appelé l’attention
des Égyptiens, et exigé non-seulemënt des mesures constantes et invariables
dans tout le pays, mais encore une exactitude géométrique dans les opérations
fréquentes ou l’on en faisoit usage! Bien plus, l’examen des constructions et
des monumens de tout genre de l’Égypte ancienne, exécutés avec tant de soin,
suffiroit seul pour faire présumer que le peuple qui les a élevés, possédoit des
mesures précises et enchaînées par une certaine loi. Le témoignage de Platon est
positif, et celui de Diodore de Sicile rie l’est pas rrioins. « Hermès, dit celui-ci,
» avoit inventé les poids et les mesures qui prévenoient la fraude dans le com-
» merce. » Cet Hermès n’est autre que le ministre d’Osiris, appelé T/iot/i chez les
Egyptiens, inventeur du calcul, des sciences exactes et de tous les arts utiles.
«Theuth, dit Platon, avoit découvert ia science des nombres, la géométrie, le
» calcul et les mesures (i). »
Il est donc naturel de penser que l’étude des monumens laissés par les Égyptiens
y fera retrouver leur système métrique : c’est-Ià la fin essentielle de notre travail,
notre but n’étant pas de donner un tableau de toutes les mesures appartenant aux
divers peuples et citées par les auteurs. Outre que; cette recherché seroit hors du
plan de l’ouvrage et au-dessus de nos forces, elle sé trouvera faite en partie, pour
ainsi dire, par la seule détermination des mesures Égyptiennes. Celles-ci, en effet,
ont donné naissance à beaucoupd’autres, tell es, par exemple, que les mesures Hébraïques,
ainsi que l’atteste positivement S. Épiphane. Nous ferons defréquens rap-
prochemens entre les mesures Égyptiennes et les mesures étrangères ; mais nous
n’avons.l’intention de traiter de celles-ci que d’une manière accessoire. D ’ailleurs,
pour le seul travail que nous présentons, il a fallu une multitude si considérable
de calculs, qu’il restoit peu, de place pour d’autres matières (2). Quoique nous
ayons cité un grand nombre d’anciens passages, nous en avons cependant négligé
beaucoup : les rassembler tous est un travail facile à un auteur, mais presque inutile
pour les érudits et rebutant pour les autres. Nous devons réclamer l’indulgence des
savans, pour n’avoir pas toujours cité les ouvrages des écrivains plus modernes. A
plus forte raison nous sommes-nous abstenus de combattre leurs opinions, quand
elles différoient des nôtres : le lecteur sentira sans peine que cette discussion
auroit été au moins superflue.
Sans prolonger davantage ces observations préliminaires, nous allons entrer en
matière dès à présent, en traçant d’abord un aperçu de la marche que nous nous
proposons de suivre.
Les métrologues ont suivi trois voies différentes pour arriver à la détermination
des mesures des anciens. La première et la plus directe consiste à rechercher
les étalons mêmes des mesures ; la seconde, à mesurer les espaces ou les édifices
dont les anciens auteurs ont donné les dimensions précises ; la troisième à
découvrir dans les monumens s’il y a quelques mesures communes qui en divisent
exactement les dimensions, qui en soient parties aliquotes. Nous ferons usage de
(1) Plat, in Pliædro. , , . *; une foule de rapprochemens compliqués. Souvent une
(2) II est facile d apprécier le temps et le soin qu’ont remarque, importante naît de la seule comparaison des
coûté tous ces calculs, quelque avantage que nous ayons divers résultats, traduits en quantités métriques, c’est-
tiré d’ailleurs des mesures décimales, qui donnent ia fa- à -d i re , ayant pour base la même unité. Le calcul docilité
de convertir rapidement toutes les autres mesures cimai est un infiniment également précieux. Nous n’en
en fractions du mètre ; avantage qui avoit manqué aux réclamons pas moins l’indulgence du lecteur pour les
métrologues, et qui est du plus grand secours dans cette erreurs numériques, inévitables dans des opérations si
recherche, en ce qu’il donne le moyen de faire à-ln-fois multipliées.'' ’ ‘
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