présence de ces caractères, en regardant leur addition comme le signe d’un article;
d un augmentatif ou de quelque autre variation grammaticale.
Malgré toute la réserve qu’exigent de pareilles décisions, il me semble que l’on
peut admettre l’identité du premier mot de mon inscription avec celui que
M. Grotefend lit Darlieuscli. Je me fonde, non pas uniquement sur l’identité de
terminaison, un autre mot pourroit aussi l’offrir, mais sur l’épitliète qui le suit; car
cette épithète indique que c’est là un nom propre, et même un nom de roi.
J’avoue qu’il est peut-être un peu moins vraisemblable que ce soit précisément
le nom du prince régnant lors de la construction de l’édifice : le titre de roi qui
manque, 1 addition dune lettre dans J’épithète, et la légère irrégularité de l’u ,
permettent de soupçonner qu’il est là selon l’usage si usité chez les Orientaux, de
rappeler le nom du père ou de l’aïeul, ou pour marquer quelque autre rapport
de descendance ; usage dont plusieurs inscriptions Persépolitaines fournissent des
exemples.
Un jour peut-être quelque voyageur, guidé par ces indications, parcourra ces
dé serts, et retrouvera ce monument, que sa situation rend assez facile à découvrir.
Deux forts chameaux pourront suffirepour transporter chaque bloc jusqu’à Suez, ou
jusqu’au Caire; de là le transport dans quelque lieu civilisé devient facile. Alors il
sera possible peut-être d’éclaircir plusieurs questions intéressantes , et sur-tout le
motif de cette construction.
s. VII.
Quelques Observations sur l'Ecriture Persépolitaine.
A f in de donner plus de poids à la lecture du mot Darlieuscli, dont il est si
important de s’assurer pour le déchiffrement de l’ccriture Persépolitaine, M. Grotefend
fait remarquer que le texte Hébreu nomme ce prince Daryauecl : mais la
valeur de cette preuve dépend du plus ou moins d’autorité que l’on accorde à la
prononciation massorétique des noms propres ; et en fait de noms étrangers à la
langue Hébraïque, cette autorité semble en général bien foible. Cette opinion,
extrêmement juste en thèse générale, ne seroit-elle po in t, dans ce cas-ci, susceptible
de quelque restriction ! Je serois porté à le croire; toutefois je ne propose
qu’avec défiance mes conjectures à cet égard. Sans doute , lorsqu’un nom propre
étranger s’introduit dans la langue d’un peuple, il éprouve presque toujours quelque
altération, soit en raison du génie de cette langue qui porte à en changer la désinence,
soit en raison de quelque difficulté de prononciation ; mais cela suppose que
ce peuple forme un corps de nation à part. Si au contraire il a été conquis par un
prince qui porte le nom dont il est question, et qu’il vive mêlé parmi ses sujets,
l’habitude d’entendre prononcer ce mot correctement, la nécessité de le prononcer
de même pour se faire entendre, ne permettent d’autre altération que celle qui
dérive de l’inflexibilité de l’organe ; inflexibilité qui s’affoiblit à mesure que lé séjour
se prolongé, et qui peut devenir nulle, s’il dure une ou plusieurs générations entières.
Or c’est-là ce qui est arrivé au peuple Hébreu, pour le cas dont il s’agit ici.
D U N M O N U M E N T P E R S E P O L I T A I N . 2 7 3
On peut donc conjecturer qu’après la prise de Babylone par Gyaxare IV, que
Daniel appelle Darius le Mède, les Hébreux prononcèrent et écrivirent ce nom
comme les Chaldéens, chez lesquels le génie de la langue étoit d’ailleurs , à peu
près le même, et dont ils avoient adopté la plupart des mots et même les caractères.
Ainsi la restriction que nous avons proposée, s’applique assez bien, ce
semble, au nom de Darius, qui rentre presque dans le même cas que les noms
propres de la langue Hébraïque.
L ’altération introduite par la prononciation massorétique devroit avoir lieu
principalement vers'le milieu du mot, où se trouvent plusieurs voyelles de suite;
et cette circonstance est favorable à la lecture de M. Grotefend, qui ne diffère
du texte Hébreu que par ces mêmes voyelles : mais je suis loin de vouloir trop
appuyer sur cette remarque ; je croirois même plutôt que l’i, qui manque chez lui
et qui se trouve dans l’hébreu comme dans le grec, est mal remplacé par h. Par
bien des raisons, ce caractère ne doit pas être une aspiration, comme l’a très-judicieusement
fait observer M. de Sacy dans son Examen des travaux de M. Grotefend.
Sans entrer dans tout le détail des motifs qui me portent à former la conjecture
suivante, je dirai que ce doit être plutôt le signe d’une inflexion de voix particulière,
ou, si l’on veut, une consonne douce, propre à la langue Zende ou au pelhvi,
et sinon de même valeur, au moins analogue à nos l l mouillées. Nous la représenterons
par y : ainsi, au lieu de Darlieuscli, on auroit Daryeuschj presque identique
avec l’hébreu, et qui ne diffère du grec qu’autant que le génie des deux langues
semble,l’exiger. Il étoit assez naturel que, n’ayant point de caractère particulier pour
cette sorte d’articulation, les Grecs le remplaçassent par l’i ou J’y , puisque c’est ce
que nous sommes obligés de faire, tout en relevant cette inexactitude ( 1 ).
Jusqu’ici je me suis attaché à faire voir l’identité de la première partie de mon
inscription avec le mot que M. Grotefend a lu Darlieuscli : il reste à s’assurer si
ce mot est véritablement, comme il le croit, le nom de ce prince ; point important
pour le déchiffrement de cette écriture, et que le monument de l'isthme de Suez
pourroit peut-être éclaircir mieux que tout autre.
Distinguons d’abord, parmi les recherches faites jusqu’ici, le très-petit nombre
de données qu’on peut regarder comme certaines ; en cela, je me conformerai
exactement à l’opinion établie par M. de Sacy (2).
On est parvenu à s’assurer que ces inscriptions en caractères Persépolitains ou
cunéiformes renferment presque toutes le titre de roi des rois. Ce titre s’accorde
avec les inscriptions Sassanides : il se trouve plus anciennement encore sur les
( i ) C e caractère étant supposé le signe d’une aspiration
, la plupart des mots où il se trouve, deviennent
presque impossibles à prononcer; voyeç KH. S C H . Ë , H. I.
O H E . [Reguin] , qui renferme de suite six caractères,
dont quatre voyelles et deux aspirations; et KH .SCH .
Ê .H . I .O .H .A , H .E . [ Regis] , qui en offre huit : ne
seroit-ce point porter un peu loin cette abondance de
voyelles qu’on attribue à la langue Zende ! N ’est-il pas
aussi naturel de penser que ce signe, au lieu d’obliger
A.
à aspirer chaque voyelle , est destiné à faire passer moins
rudement de l’une à l’autre !
Ajoutons à l’appui de nos conjectures, qu’ indépendamment
de ce que l’hébreu et le grec semblent avoir
remplacé ce caractère par i ou par Y , sa figure, dans
l’écriture Persépolitaine, le rapproche infinimentplus del’ i
que de toute autre lettre.
(2 ) Magasin encyclopédique, année V I I I , tome V ,
page
M m 2