» coeur et les reins. Un autre les lave avec du vin de palme et des liqueurs odo-
» riférantes. Ils oignent ensuite le corps, pendant plus de trente jours, avec de la
» gomme de cèdre, de la myrrhe, du cinnamome et d’autres parfums, qui non-
» seulement contribuent à lé conserver pendant très-long-temps, mais qui lui font
» encore répandre une odeur très-suave. Ils rendent alors aux parens le corps
» revenu à sa première forme, de telle sorte que les poils mêmes des sourcils et
» des paupières sont démêlés, et que le mort semble avoir gardé l’air de son visage
» et le port de sa personne. »
Hérodote et Diodore de Sicile ne font pas mention des embaumemens sacrés,
ni des embaumemens des rois : mais le premier laisse assez entrevoir qu’il y en avoit
d’autres que ceux qu’il décrit, lorsqu’il ajoute aux détails des trois embaumemens
dontil parle, « que (i) si l’on trouve le corps d’un Egyptien ou même d’un étranger
» mort dans le Ni l . . . . les prêtres du Nil ont seuls le droit d’y toucher ;. . . qu’ils
» l’ensevelissent de leurs propres mains, comme si c’étoit quelque chose de plus
»> que le cadavre d’un homme, et qu’ensuite ils le placent dans les tombeaux sacrés. »
Tous les auteurs anciens s’accordent à dire que les Égyptiens faisoient usage de
divers aromates pour embaumer les morts ; qu’ils employoient, pour les riches,
la myrrhe (2), i’aloès (3), la canelle (4) et le cassïa lignea (5) ; et pour les pauvres,
le cedrîa (6), le bitume (7) et le natrum (8).
Hérodote n’ayant pas dit ce qu’on faisoit des intestins lorsqu’ils avoient été
lavés dans du vin de palmier, Porphyre (g) nous apprend qu’un des embaumeurs,
après les avoir retirés du cadavre, les montroit au soleil, et, lui adressant, au nom
du mort, une prière en forme d’invocation, il déclaroit que ce corps ne s’étoit
souillé d’aucun crime pendant sa vie ; mais que s’il avoit commis quelques fautes
en mangeant ou en buvant, il falloir les imputer aux intestins, qui étoient jetés
alors dans le Nil..
Plutarque (10) dit également que les Égyptiens faisoient jeter dans le Nil les
intestins des cadavres.
Quoique les récits d’Hérodote et de Diodore sur les embaumemens ne soient
pas trèsK:omplets, et que quelques détails paroissent inexacts et peu vraisemblables,
comme plusieurs savans français (11) l’ont observé, néanmoins, lorsqu’on examine
les momies d’Égypte dans les caveaux où elles se sont conservées jusqu’à présent,
et que l’on remarque qu’elles ont été préparées selon les diverses méthodes indiquées
par ces deux historiens, ces observations, jointes aux détails précédens,
( 1 ) Hérod. H ïs t.' liv. h , cha.p. 90 (A I . Larcher).. tantôt solide, tantôt liquide, selon sa qualité et sa pureté,
(2) Résine que l’on retire d’ une espèce de mimosa provenant du lac Asphaltite de Judée ou Mer-morte,
qui n’a pas encore été décrit. (8 ) Natrum, Carbonas soda:, sel qü’on trouve abon-
(3 ) Su c extracto-résineux de VAloë perfoliata, Linn. damment dans plusieurs lacs de l’Egyp te; c’est un mé-
( 4) Ecorce du Laurus cinnamomum, Linn. lange de carbonate, de sulfate et de muriate de soude.
{ 5 ) Ecorce du Laurus cassia, Linn. (9 ) Porphyr. D e àbstinentià ab esu âninl, lib. IV ,
(6) Résine liquide du Pinus cedrus, Linn. Selon Pline sect. 10, pag. 329.
et Dioscoride , les anciens retiraient trois produits ( 10) Plutarch. in v u sapientium Convivio, p. 159.
résineux du cèdre: la gomme résine, par incision; le ( 1 1 ) Le comte de C a y lu s , Hist. de l’Académie
cedrïa, par la combustion ; et le cedrium, autre liqueur royale des inscriptions et belles-Iettres, tom. X X I I I ,
qui surnageoit le cedria, espèce de goudron. pag. np. — Rouelle, Mém. de l’Académie des sciences,
( 7 ) 'Bitume, Bitumen judaicurn, matière résineuse, année /^jo.
suffisent pour donner une juste idée des procédés que les Égyptiens employoient
pour embaumer leurs morts.
Ainsi, en plaçant dans un ordre convenable ce qu’Hérodote rapporte sur cet
objet, on reconnoît bientôt qu’il a décrit en quelques lignes toute la théorie des
embaumemens, et que ces cadavres desséchés, connus sous le nom de momies
d’Égypte, qui ont été l’objet des recherches d’un grand nombre de savans, et qui
ont fixé l’attention de presque tous les voyageurs, ont été embaumés selon les lois
de la saine physique.
Quelques auteurs ont pensé que l’art des embaumemens n’exigeoit de ceux qui
en faisoient profession, aucune connoissance des sciences physiques et naturelles.
Sans vouloir prétendre qu’une connoissance exacte de l’anatomie filt nécessaire
pour procéder à ces embaumemens, on voit que les embaumeurs Égyptiens savoient
distinguer des autres viscères le foie, la rate et les reins, auxquels ils ne devoient
pas toucher; qu’ils avoient trouvé le moyen de retirer la cervelle de l’intérieur
du crâne sans le détruire ; et qu’ils connoissoient l’action des alcalis sur les matières
animales, puisque le temps que les corps devoient rester en contact avec ces
substances, étoit strictement limité : ils n’ignoroient pas la propriété qu’ont les
baumes et les résines d’éloigner des cadavres les larves des insectes et les mites:
ils avoient aussi reconnu la nécessité d’envelopper les corps desséchés et embaumés ;
afin de les préserver de l’humidité, qui se seroit opposée à leur conservation.
Ce n’est qu’à l’aide de ces diverses connoissances et de beaucoup d’autrés dans
un grand nombre d’arts que possédoient les Égyptiens, que ces peuples étoient
parvenus à établir des règles invariables et une méthode certaine pour procéder
aux embaumemens. ■
On remarque, en effet, que le travail de ceux qui étoient chargés d’embaumer
les morts, consistoit en deux principales opérations bien raisonnées: la première;
de soustraire de l’intérieur des cadavres tout ce qui pouvoit devenir une cause dé
corruption pendant le temps destiné à les dessécher ; la seconde, d’éloigner de ces
corps tout ce qui auroit pu, par la suite, en causer la destruction.
C’est, sans doute, le but que se proposoient les embaumeurs, lorsqu’ils com-
mençoient par retirer des cadavres qu’on leur livroit, les matières liquides, les
intestins et le cerveau, et qu’ils soumettoient ensuite ces corps, pendant plusieurs
jours, à l’action des substances qui devoient en opérer la dessiccation. Us remplis-
soient les corps de résines odorantes et de bitume , non-seulement pour les
préserver de la corruption, comme l’ont avancé, après Hérodote, presque tous
ceux qui parlent des embaumemens, mais encore pour en écarter les vers et les
nicrophores qui dévorent les cadavres ; ils les enveloppoient ensuite de plusieurs
contours de bandes de toile imbibées de résine, afin de les garantir du contact de
la lumière et de l’humidité, qui sont les principaux agens de la fermentation et
de la destruction des corps privés de la vie.
On commençoit la dessiccation des cadavres par la chaux, le natrum et les
aromates. La chaux et le natrum agissoient comme absorbans,- ils pénétraient les
muscles et toutes les parties molles , ils enlevoient toutes les liqueurs lymphatiques