que quelques ossemens des corps qui y ont été déposés, et qui tombent en poussière
( i ) lorsqu'on les touche. Le temps, qui réclame l’anéantissement de tout ce
qui a existé, les a entièrement détruits, tandis qu’il respecte,encore aujourd’hui«
dans les vastes et innombrables catacombes de l’ançienne Egypte, plusieurs milliers
de générations ensevelies. Tous ces corps,,assez bien conservés pour qu’on
puisse facilement distinguer les individus de chaque famille, pourront encore
faire connoître à tous les âges à venir la piété et l’industrie du peuple le plus
célèbre du monde.
En descendant dans les caveaux où les anciens Égyptiens ont déposé leurs
morts, on est surpris d y voir un nombre si prodigieux de cadavres entiers ; et
lorsqu on enleve les toiles dans lesquelles ces .corps sont enveloppés, on est saisi
d admiration de trouver la peau, les sourcils, les cheveux et les traits du visage
très-bien conservés.
Ces corps embaumes, que les historiens et tous les voyageurs ont appelés
momies, momies humaines, momies d’Egypte, sont placés dans des cryptes, à l’abri de
toute espèce de destruction ; ils y seroient encore tous intacts, si les Arabes, guidés
par 1 appât du gain, n’en avoient brisé ¡an grand nombre qu’ils trouvèrent dans
les grottes placées à l’entrée des montagnes, ou dans quelques tombeaux particuliers
, ouverts depuis plusieurs siècles, et qui sont tous les, jours visités de nouveau
pas les habitans des lieux circonvoisins ou par les voyageurs.
L ’art des embaumemens, que la religion et l’industrie sembloient avoir créé,
non pour rendre aux corps, après leur mort, cette vie passagère et fragile qui les
animoit, mais afin de leur donner une autre existence, en quelque sorte, éternelle
cet art, que les anciens Égyptiens avoient porté à un si haut point de perfection,
et qu’ils ont pratiqué avec tant de succès pendant une longue suite de siècles, est
aujourd'hui tout-à-fait inconnu dans les mêmes contrées où il a pris naissance, et
il reste enseveli dans le plus profond oubli, depuis que l’Égypte, qui fut longtemps
le séjour des sciences et de tous les arts, a été envahie et successivement
ravagée par des peuples barbares qui ont anéanti toutes ses institutions politiques
et religieuses.
Les historiens auxquels nous sommes redevables de tout ce que l’on sait au-
jour’dhui des merveilles anciennes de l’Égypte, et qui ont écrit dans un temps où
les Egyptiens conservoient encore quelques-uns de leurs usages, pouvoient seuls
nous transmettre le secret ingénieux des embaumemens ; mais leurs récits nous
prouvent qu’ils n’en avoient eux-mêmes qu’une connoissance très-imparfaite. En
effet, la plupart des historiens de l’antiquité se contentent de parler avec une sorte
d admiration, et sur-tout avec beaucoup de mystère, des embaumemens et des funérailles
des anciens Égyptiens, du respect que ces peuples avoient pour les morts,
des depenses extraordinaires qu ils faisoient pour se construire des tombeaux magnifiques
et durables qu’ils regardoient comme leur véritable demeure, tandis qu’ils
appeloient leurs habitations des maisons de voyage.
Hérodote, si justement nommé le père de l’histoire, est aussi le premier qui ait
( ! ) Voyage dans les catacombes de Rome, par un membre de l’académie de Cortone.
indiqué la méthode que les Égyptiens suivoient pour embaumer les morts : il distingue
trois sortes d’embaumemens plus ou moins dispendieux, selon le rang et la
fortune des particuliers. Je ne rapporterai d’Hérodote et de quelques autres historiens,
que ce qu’il est indispensable d’avoir sous les yeux pour se faire une idée
exacte des embaumemens des anciens Égyptiens: <ç II y a en Égypte, dit-il ( i ) ,
» certaines personnes que la loi a chargées des embaumemens, et qui en font
» profession............
» Voici comment ils procèdent à l’embaumement le plus précieux. D’abord ils
» tirent la cervelle par les narines, en partie avec un ferrement recourbé, en partie
» par le moyen des drogues qu’ils introduisent dans la tête ; ils font ensuite une
» incision dans le flanc, avec une pierre d’Éthiopie, tranchante ; ils tirent par cette
» ouverture les intestins, les nettoient, et les passent au vin de palmier;... ensuite
» ils remplissent le ventre de myrrhe pure broyée, de canelle et d’autres parfums,
» l’encens excepté ; puis ils le recousent. Lorsque cèla est fini, ils salent le corps en
» le couvrant de natrum pendant soixante-dix jours. Il n’est pas permis de le laisser
» séjourner plus long-temps dans le sel. Ces soixante-dix jours écoulés, ils lavent
» le corps, et l’enveloppent entièrement de bandes de toile de coton, enduites de
» commi, dont les Égyptiens se servoient ordinairement comme de colle__
» Ceux qui veulent éviter la dépense, choisissent cette autre sorte. On remplit des
» seringues d’une liqueur-onctueuse qu’on a tirée du cèdre ; on en injecte le ventre
» du mort, sans y faire aucune incision et sans en tirer les intestins. Quand on ain-
33 troduit cette liqueur par le fondement, on le bouche, pour empêcher la liqueur
33 injectée de sortir ; ensuite on sale le corps pendant le temps prescrit. Le dernier
33 jour, on fait sortir du ventre la liqueur injectée : elle a tant de force, qu’elle dissout
33 le ventricule et les entrailles, et les entraîne avec elle. Le natrum consume les
33 chairs, et il ne reste du corps que la peau et les os. Cette opération finie, ils
33 rendent le corps sans y faire autre chose.
33 La troisième espèce d’embaumement n’est que pour les pauvres : on injecte le
33 corps avec la liqueur surnommée surmiüa ; on met le corps dans le natrum
33 pendant soixante-dix jours, et on le rend ensuite à ceux qui font apporté. 33
Diodore de Sicile s’exprime à-peu-près de la même manière qu’Hérodote ; mais
il donne en outre quelques détails qu’il est important de connoître.
- « Les Égyptiens, dit-il (2), ont trois sortes de funérailles : les pompeuses,lesmé-
33 diocres, et les simples. Les premières coûtent un talent d’argent; les secondes,
33 vingt mines : mais les troisièmes se font presque pour rien.
33 Ceux qui font profession d’ensevelir les morts, l’ont appris dès l’enfance. . .
33 Le premier est I écrivain ; c’est lui qui désigne, sur le côté gauche du mort, le
33 morceau de chair qu’il en faut couper: après lui vient le coupeur, qui fait cet
?3 office avec une pierre d’Éthiopie. . . . Ceux qui salent viennent ensuite ; ils
33 s assemblent tous autour du mort qu’on vient d’ouvrir, et l’un d’eux introduit,
33 par l’incision , sa main dans le corps, et en tire tous les viscères, excepté le
( i ) Hérod. Hist. Iiv. I I , chap. Í
tion de M . Larcher), '
A .
6 , 87 ( traduc- (2) Diod . de S ic ile , Iiv. I , sect. 2 , chap. 34 (traduction
de l'abbé Terràsson ) . *