
C H A P I T R E IX.
Position de la ville d Avaris. — Conjecture. — Roules suivies anciennement
par les Caravanes. •
C e peuple nomade qui habitoit les environs d'Hcroon ou de Ben-herin, devoir
dépendre ou faire partie du peuple pasteur qui opprima si long-temps l'Egypte,
et dont les rois, suivant Manéthon, eurent long-temps pour siège principal la
ville d Avaris. On a vu que cette ville différoit d’Héroopolis; d’Anville a démontré
qu elle n étoit point Péluse ( i ) , comme on l’avoit pensé.: il nous reste à connoître
sa vraie position.
Manethon, cite par Flavius Josephe (2), place Avaris au levant du canal de
Bubaste, lui donne une étendue d’environ 10,000 aroures, et dit qu’une immense
quantité d hommes de guerre s’y trouvoit rassemblée. Nous avons vu plus haut
que cette ville étoit consacrée à Typhon; et cela confirme encore la position qui
lui est attribuée sur les confins du désert, à l’orient du Delta : nous croyons, d’après
ces raisons, qu’elle étoit celle dont on voit les ruines dans la vallée de Saba’h-
byâr, et que les Arabes nomment Abou-Keycheyd ou A6ou el-Cheyb. En efïèt, ces
ruines annoncent une cité jadis importante; des monumens décorés d’hiéroglyphes
et de sculptures Egyptiennes attestent sa haute antiquité. Elle se trouve à l’orient
du canal de Bubaste. Nous avons montré précédemment qu’Héroopolis ne peut
en aucune manière disputer cette position, et je ne me persuade pas qu’on ait
songé sérieusement à placer une ville maritime dans le centre d’une vallée;
d’Anville s’étoit borné du moins à la mettre au bord d’un lac. (Que si pressé par
cette objection on vouloit enfin, comme d’Anville, rapporter Héroopolis au
bord des lacs amers, vers le Serapeum, je demanderais, aujourd’hui que cette
partie de l’isthme est connue, qu’on me montrât ici les ruines d’une ancienne
ville ; et d’ailleurs, quelle autorité allégueroit-on maintenant ! on n’auroit plus ici
ni celle de l’Itinéraire, ni celle de Flavius Josephe, ni celle des Septante, toutes
vicieuses qu’elles sont.) Revenons à Avaris.
Quelle que soit l’obscurité qui environne l’existence des peuples pasteurs en
Egypte, je ne puis me défendre de hasarder ici une conjecture. Avaris ayant été
leur siège principal, tous les lieux voisins, sur-tout une ville placée à l’extrémité de
la mer Rouge, dévoient être dans leur dépendance; il est même probable qu’originairement,
et aux époques qui ont précédé leur domination sur l’Egypte, ils occu-
poient déjà tous les lieux situés sur la limite du désert. Quiconque connoît les
moeurs et le caractère des peuples nomades, ne se persuadera pas facilement qu’ils se
soient décidés tout-à-coup à envahir l’Egypte et à changer subitement leur manière
de vivre.
Ceci admis, il ne répugnera pas à penser que la ville d’Avaris ait pu être désignée
chez les Egyptiens par un nom qui eût rapport à ces peuples nomades : alors
ce nom aurait eu ainsi, avec celui d’H éroopolis, une origine commune, et
(1) D A n v ille , Mémoires sur l’E gypte ancienne. (2) Flav. Joseph, contra Apionnn, lib. I.
conséquemment
conséquemment quelque ressemblance. Sans doute les prêtres Égyptiens auront
toujours repoussé cette dénomination; les conquérans Grecs l’auront altérée, sinon
méconnue : mais les peuples chez qui les noms ne changent ni ne s’effacent aisément
auront pu la retenir tant que le pays n’aura pas cessé d’être habité, et ceci
nous mène à la source de l’ambiguité dont nous avons parlé : rappelons-nous d’ailleurs
que l’Itinéraire d’Antonin a cité dans ces environs, comme je l’ai indiqué,
une foule de noms très-anciens, presque oubliés par les géographes, tels que Thau-
basium, Magclole, &c.
Un fait plus important et plus certain, c’est que cette ville d’Abou-Keycheyd
ou d’Avaris a été, dans les temps anciens, l’entrepôt des marchandises apportées
de la mer Rouge par les caravanes. A plusieurs raisons qui l’indiquent, j’ajouterai
que l’on a découvert, près d’Abou-Keychcyd, les vestiges d’une espèce de
caravansérail (i), et de constructions.qui ne pouvoient guère servir qu’aux usagés
d’un pareil commerce.
Il résulte de tout ceci que, dans les temps anciens, la route suivie par les
caravanes, au milieu des déserts de l’isthme, étoit fort différente de celle que l’on
suit aujourd’hui ; elle étoit réellement préférable, puisque ces caravanes n’avoient
que vingt lieues de désert à traverser, au lieu de trente qu’elles ont par la voie
actuelle.
Voilà la route qu’il làudroit encore suivre à l’avenir, si une nation commerçante
venoit à s’établir d’une manière fixe en Egypte, et que les vaisseaux de l’Arabie
continuassent'de s’avancer jusqu’à Suez. Les marchandises seraient conduites par
eau jusqu’à Damiette : elles pourraient l’être aussi jusqu’à Alexandrie, au moyen
d’un canal de communication entre le canal Bubastique et celui de Menouf.
Les anciens ont aussi pratiqué au travers des déserts la route directe de la mer
Rouge à la Méditerranée. Suivant Pline, ce chemin se divisoit en trois branches:
l’une aboutissoit à Péluse, et passoit au milieu de sables mouvans; des jalons
plantés dans les endroits où les vents en auraient pu faire perdre les traces, ser-
Voient à diriger les voyageurs : une autre alloit aboutir à quelques milles au-delà
du mont Casius, après avoir traversé le pays qu’habitoient les Arabes Autéens :
la troisième, appelée par antiphrase Adipson [sans soif], passoit chez les mêmes
Arabes, pour se rendre à Gerra, par un pays raboteux, entrecoupé de collines,
et qui manquoit également d’eau.
C H A P I T R E X.
De la Position d ’Arsinoc. — Epoque à laquelle on abandonna la navigation
du Golfe Héroopolitique.
C ’e s t un point bien établi, qu’Arsinoé et Cléopatris avoient la même position
, et que les deux noms se rapportoient à la même ville. Strabon le dit d’une
(1) C e fait m’a été communiqué par M. Le Père, à qui à des monumens incontestables, pour une ancienne ville
l’on doit la découverte d’Abou-Keycheyd, qu’il a reconnu, Egyptienne.
À. • . - x