lieu où j’ai placé l’ancien sommet du Delta. Ajoutons à cela que la ville de
Cerçesura, située en Libye, détenninoit le premier point de division du Nil ( i ) , et
que nous avons, pour fixer la position de cette ville, celle d’Héliopolis, quiétoit visa
vis sur 1 autre rive (a). Or les ruines d’Héliopolis sont sous lè même parallèle,
que 1 origine du canal d Abou-Meneggeh. Mais, dira-t-on, l’on trouve dans les
auteurs Arabes que le canal d Abou -Meneggeh fut ouvert au commencement
du sixième siècle de 1 hégire (3) : ainsi l’on ne peut le regarder comme une ancienne
branche du N il, sans faire un anachronisme impardonnable. Je répondrai
quil est peu 'probable que Ion ait été creuser un nouveau canal, au lieu de se
borner a deblayer le lit de 1 ancienne branche Pélusiaque, qui arrosoit précédemment
la Charqyeh, puisque 1 on n’entreprenoit ce travail que sur les représentations
des habitans de cette province, qui se plaignoient de ce que leurs terres
n etoient plus arrosées comme autrefois. Et quant au nom moderne de ce canal,
la flatterie ou la reconnoissance des peuples a souvent fait donner à des ouvrages
importans le nom de ceux qui n’avoient fait que les restaurer : l’histoire en fournit
mille exemples.
L origine du canal, d ailleurs, peut bien avoir varié de quelques mètres, et
netre pas précisément aujourdhui a 1 endroit où le Nil se divisoit autrefois en
deux branches pour former le Delta; mais je serois plutôt porté à reculer encore
ce point vers le sud, qua 1 avancer au nord, d’après ce-que nous avons dit
de sa distance à Memphis.
A u surplus, le canal en question ne porte le nom d’Abou-Meneggeh que jusque
vers Belbeys. Il passe ensuite auprès des ruines de Bubaste , aujourd’hui Tell -
Bastah (4), laisse à l’est l’ancien emplacement de la ville de Phacusa, se joint
(1) Herod. H is t. Iib. i l , §• 17. Strab. Geogr. I ib .x v i l. lecteurs : «D an s cette v ille , dit Hérodote, est un temple
(2) Strab. Géograph. Iib. XVII. » de Bubastis, qui mérite qu’on en parle. O n voit d’autres
(3) EI-Maqryzy. „ temples plus grands et plus magnifiques; mais il n’y en
(4) IJ paraît que cette ville est celle dont il est question » a point d é p lu s agréable à la vue. Bubastis est la
dans 1 Ecriture sous le nom de P i ou Phi-Bsst (Ézé ch. » même que Diane parmi les Grecs. Son temple fait
ch. x x x , v. 17 ) ; car dans les versions Grecques ce mot est » une presqu’île , où il n’y a de libre que l’endroit par
rendu par celui de Boubaste, et des auteurs Qobtes I’é- » où l’on entre. D eu x canaux du N i l , qui ne se mêlent
crivent Pou-Bas t. Ces dénominations ont la plus grande »poin t ensemble, se rendent à l’entrée du temple, et
ressemblance avec celle de 7~ell-Bastah [colline de » de là se partagent, et l’environnent, l’un par un côté,
Bastah] que les Arabes donnent aux ruines que nous » l ’autre par l’autre. Ces canaux sont larges chacun de
allons décrire. Elles consistent en une butte artificielle » c en t pieds et ombragés d’arbres. L e vestibule a dix
d environ cinq mille mètres de circuit, formée en partie »orgyies de haut; il est orné de très-belles figures de
de briques crues, de trente-trois centimètres de longueur » s ix coudées de haut. C e temple est au centre de la
sur une largeur etune épaisseur de vingt-deux centimètres, » v ille . C eu x qui en font le tou r , le voient de tous
A u centre de cette bu tte, le terrain est beaucoup plus bas » côtés de haut en bas ; ca r , étant resté dans la même
e t forme comme'une grande p lace, au milieu de la- »assiette où on l’avoit d’abord b â t i, et la ville ayant
quelle se trouve un amas considérable de débris grani- » été rehaussée par des terres rapportées, on le voit en
tiques. On y distingue des fragmens de colonnes, d’o - » entier de toutes parts. C e lieu sacré est environné d’un
bélisques , de corniches, couverts d’hiéroglyphes et de » mur, sur lequel sont sculptées grand nombre de figures,
riches sculptures, preuves frappantes de l’anciennesplen- »D an s son enceinte est un bois planté autour du temple
deur du temple qui existoit en ce lieu , et qui étoit » proprement d it; les arbres en sont très-hauts. L a statue
consacre a la Lune sous le nom de Bubastis. L a des- » de là déesse est dans le temple. Le lieu sacré a , en tout
cription qu Hérodote nous a laissée de la ville de Bu- » s e n s , un stade de long sur autant de large. L a rue
baste, se rapporte si parfaitement à tout ce que je viens » q u i répond à l’entrée du temple, traverse la place
de dire de Tell-Bastah, que je ne puis me refuser au »pu blique, va à l’es t, et mène au temple de Mercure:
plaisir de mettre ce rapprochement sous les yeux de mes » elle a environ trois stades de long sur quatre pléthres
S U R L E S A N C I E N N E S B R A N C H E S D U N I L . 28 I
au lac Menzaleh, dont il traverse la pointe orientale, sort de ce lac, passe sous
les murs en ruine du château de Tyneh, court ensuite-à l’est, laisse à sa droite
l’emplacement de l’ancienne ville de Péluse (1), et se termine à la mer non loin
delà:
Le cours que nous venons de tracer, cadre parfaitement avec ce que les anciens
nous apprennent de la branche Pélusiaque; elle étoit, selon eux, la plus
orientale des branches du Nil (2); Bubaste et Phacusa étoient sur ses bords (3);
et ce que j’ai dit de son embouchure et de son origine, ajoute à tout ce que
mon opinion présente de plausible. Le Nil, dans ses crues extraordinaires, suit
encore cet ancien lit, comme cela est arrivé en 1800, pendant que nous étions
en Egypte.
De la Branche Canopique.
S i, en partant du point où j’ai fixé l’origine de la branche Pélusiaque, on suit
le cours du Nil jusqu’au Batn-el-Baqarah (4 ); que l’on descende la branche de
Rosette jusqu’au village de Rahmânyeh; que, débarquant sur la rive gauche, on
suive jusqu’au lac d’Abouqyr un grand canal nommé Mogaryn (y), dont on com-
» de large ; elle est pavée, et bordée, des deux côtés, Je aboutit à la bouche Pélusiaque, et-ce que dit- Hérodote.,
»très-grands arbres. » (Tra d u c tion de M. Larcher, liv, i l , f ./ y S , que le canal de jonction du N il à la
liv. I l y S' *38') mer Rouge a voit son origine un peu au-dessus de
On ' transportoit à Bubaste, de toutes les parties de Bubaste. C e lte v ille, selon Ptolémée, étoit hors du Delta ;
l’E gypte, les momies de chats, et on les y conservoit si elle est aujourd’hui au sommet d’une espèce d’île
précieusement. , - formée par deux bras de la branche Pélusiaque, c’est sans
C ’est dans cette ville que se célébroit tous les ans la doute parce que l’île de Myecphoris, située vis-à-vis Buprincipale
fête des Egyptiens. Un concours immense de baste (Hérod. H is t. liv. n , S* 16 6 ) ,se sera agrandie, de
peuple s’y rendoit alors par eau, et l’on n’entendoit sur les ce côté, de tout l’emplacement de cette v ille ; ce qui est
barques, comme sur le rivage, que des chants, des cris de facile à concevoir, en songeant que le canal de N écos,
jo ie , et le brüit des castagnettes et des flûtes. Cette navi- dérivédu Nil un peu au-dessus de Bubaste {ibid.%. 148 ) , et
gation devoit présenter un coup-d’oeil assez semblable les canaux qui entouroient le temple de Diane (¿¿/d. §. 138),
à celui qu’offre le khalyg du Kaire les jours de fête. ont pu, étant si voisins les uns des autres, se-joir.dre, à
( 1 ) -Péluse ést encore, comme au temps de Strabon, à la suite de quelques crues extraordinaires. L ’île dont
vingt stades de la mer; et les Arabes, en la nommant nous avons parlé a de huit à neuf myriamètres de circuit :
Tyneh [b ou e] , lui ont conservé ^ancienne signification elle renferme un grand nombre de villages et des buttes
Grecque du mot Péluse. de décombres. En la diminuant de la partie qu’occupo'it
J’avois d’abord cru , lors de la première édition de ce la ville de Bubaste, elle est encore assez considérable
Mémoire, en 1812, que cette ville étoit celle qu’Ezéchiel pour avoir pu former le nome de Myecphoris dont parle
désigne sous'le nom de Sin ('ch. x x x , v. i y ) ; mais de- Hérodote.
puis j’ai vu que les Septante avoient rendu ce mot par Quant à Phacusa, chef-lieu du nome Arabique, Stra-
Saïs. II est souvent question de Péluse dans l’histoire, et bon place cette ville sur la branche Pélusiaque, et Pto-
Ia fin tragique d’un grand homme, du rival de César, lémée l’indique au nord-est- immédiatement après
qui y périt victime d’une odieuse trahison, lui a donné Bubaste; ce qui est évidemment dans la direction.de
une triste célébrité. U ne enceinte en ruine, des décombres, ce bras du N il. Des monticules de décombres, nomdes
débris d’édifices, une campagne déserte; voilà tout ce niés parles Arabes Tell-Faqous [colline de Faqous], inqiii
reste de cette cité jadis si florissante : fe-ciel semble diquent la position de cette ville à environ trois myriaavoir
vengé sur elle les droits sacrés de l’hospitalité. mètres au nord-est de Bubaste.
(2) Voyez Hérodote, H is t. liv. i l , §. 1 7 ; Strabon, (4) C ’est ainsi que se nomme aujourd’hui le point
Géograph. liv.'XVU; P lin e, H is t. nat.-liv. v ; Ptolémée, de séparation des branches de Rosette et de Damiette,
Géograph. liv. IV 5 et ces vers de Lucain ( Phars. liv. V I I I ) : au sommet du nouveau Delta.
Dividui pars maxima Nili (5) Voyez, dans la Notice de M. Lancret sur la branche
In vada dccurrit Pelusia septimus amnis. ■ Canopique, la description du canal Mogaryn, qui est,
(3) N u l doute que' Bubaste ne fut sur la branche d it- il, aussi large que les branches de Rosette et de
Pélusiaque. Nous citerons, entre autres preuves, le nom Damiette, profond d’environ deux mètres, et dont les
de Bubastique que Ptolémée donne au bras du N il qui bords sont encore à pic dans quelques endroits.
A . N u :